Coups de pieds, remarques
méchantes, vêtements déchirés,
vols de petits objets personnels; imaginez votre enfant vivant
jour après jour, semaine après semaine, dans
la hantise d'aller à l'école et de rencontrer
ses pairs. Imaginez-le rejeté de tous, totalement isolé,
ostracisé, victime d'insultes sans cesse répétées,
de coups aussi, jusqu'à ce que sa fragile estime en
pleine formation soit pulvérisée comme une poupée
de porcelaine. À peu de choses près, il n'existe
pas de pire cauchemar pour un parent. Et pourtant, les enfants
rejetés par les autres ne sont pas rares. En fait,
les chercheurs constatent que le phénomène est
de plus en plus fréquent.
Témoignages
de jeunes victimes à l'appui, Enjeux a voulu
vous montrer de quoi était fait le quotidien infernal
de ces enfants, et aussi tenter dans la mesure du possible
d'expliquer ce phénomène. Comment la société,
les parents et le système scolaire réagissent-il,
et finalement, quelles sont les conséquences à
long terme de ces mauvais traitements sur les victimes, quel
genre d'adultes deviennent-elles?
Des cas
Dans ce reportage, vous rencontrerez
plusieurs visages de ce désespoir. Parmi ceux-ci, le
pianiste Alain Lefèvre, qui de l'âge
de 6 à 14 ans, vécut l'enfer à l'école.
Musicien, doué, mais enfant
frêle et d'origine française, Alain est devenu
la cible des moqueries et insultes de ses camarades de classe.
Malgré son talent, c'était un enfant exclu,
battu, rejeté de tous.
Le cas d'Alain Lefèvre
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« J'avais
tellement peur d'aller à l'école, je ne
dormais pas... j'avais de très grandes oreilles,
tout le monde a ri, et le professeur a ri à son
tour... j'ai tellement eu mal, j'ai tellement pleuré.
J'ai voulu tuer ces petits gars-là. »
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Les
filles n'ont pas la vie plus facile à l'école,
au contraire. En fait, selon plusieurs experts, la pression
sociale de devoir être belle, bien habillée et
à la mode complique encore les choses pour les écolières,
bien que les mauvais traitements prennent parfois des formes
plus subtiles, moins grossièrement physiques. La
règle : il faut être comme les autres, s'intégrer
à tout prix.
Cette dure leçon, Maryse Locat
l'a apprise à un âge très tendre, où
le seul souci devrait être de se pencher sur ses devoirs.
De 13 à 15 ans, en pleine adolescence, elle est
devenue le souffre-douleur de sa classe. Sa mère, impuissante,
a vu sa fille être détruite par la méchanceté.
Des enfants ont même pendu sa bicyclette à un
arbre. Le désespoir de Maryse a poussé celle-ci
jusqu'aux tentatives de suicide.
Le cas de Maryse
Locat |
« Je suis jugée d'avance, je dirais
n'importe quoi, cela ne marcherait pas... Je veux disparaître...
c'est mourir. »
« J'ai
paniqué. »
- La mère
de Maryse
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Dans de nombreux cas, ces enfants et leur famille
se sont heurtés à l'indifférence d'un
système scolaire qui aime mieux ne pas voir le problème.
Certains parents sont allés jusqu'à poursuivre
les établissements concernés.
Des données et des conséquences
Le martyre des enfants rejetés
*Certaines études montrent
qu'au Canada, un enfant se fait martyriser toutes
les sept minutes.
*L'immense majorité de ces enfants souffrent
en silence, n'avertissent pas même leurs parents.
*Ce n'est que dans quatre cas sur cent qu'un adulte
est témoin de l'incident.
*De nombreux suicides sont causés par le rejet.
*Ces enfants apprennent très tôt la haine.
Ils risquent de devenir à leur tour des agresseurs.
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En Colombie-Britannique, une recherche
récente montre qu'un tiers des suicides chez les jeunes
peut être attribué au harcèlement par
des pairs.
Lauren Woodhouse est psychologue et auteure.
Elle se spécialise dans la question des enfants rejetés.
Mme Woodhouse a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet
et explique que ces victimes courent le risque de devenir
à leur tour violentes; des meurtriers potentiels dans
certains cas.
.
Son
ouvrage Shooter in the Sky, elle se penche sur
l'épidémie de violence dans les écoles
nord-américaines.
En Californie, en Alberta, au Colorado,
les enfants prennent les armes. Comment la justice doit-elle
traiter ces jeunes criminels?
En Grande-Bretagne, l'État
accorde tellement d'importance au phénomène
du rejet qu'il a mis sur pied une politique de lutte contre
le bullying.
Au Canada, peu de ressources sont
disponibles pour aider les commissions scolaires à
lutter contre le harcèlement des enfants. Comme l'indique
la juge Andrée Ruffo, qui a croisé dans sa salle
de tribunal bien des victimes de rejet devenues de jeunes
délinquants, il faut, pour être efficace, une
action concertée entre toutes les parties, ce dont
on est encore très loin.
Votre enfant est-il à
risque?
Victime :
Les victimes de rejet sont souvent timides, souffrent
d'un léger handicap ou de problèmes
d'élocution. Bref, ces enfants sont légèrement
différents.
Certains indices peuvent
vous « mettre la puce à l'oreille » :
vêtements déchirés, peur maladive
d'aller à l'école, repli de l'enfant
sur lui-même.
Agresseur :
Les enfants qui harcèlent viennent souvent
d'un milieu familial violent. Ils souffrent parfois
d'hyperactivité.
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Hyperliens et références
:: Parlons
de l'intimidation
Site consacré au problème,
lié au service téléphonique Jeunesse,
j'écoute
:: Institut
canadien de la santé infantile
:: Conseil
de la famille et de l'enfance du Québec
Site du gouvernement québécois
:: Commission
scolaire de Montréal
:: Kidscape
Organisme britannique
d'aide aux enfants rejetés (en anglais)
:: Anti-bullying
network
(en anglais)
:: Childnet
international
(en anglais)
:: BC
Council for families
(en anglais)
:: Bullybeware.com
(en anglais)
SERVICES D'AIDE TÉLÉPHONIQUE
Si ce reportage vous a troublé et si vous
avez besoin d'aide, communiquez avec La ligne parents
au (514) 288-5555 ou au 1 800 361-5085, ou avec Tel-Jeunes
au (514) 288-2266 (Montréal) ou au 1 800 263-2266.
LIVRES
The Anti-Bullying Handbook
K. Sullivan, Oxford University Press, 2000
Bullying in School : What
We Know and What We Can Do
D. Olweus, Blackwell Publishers, 1993
ORGANISATION
Na'Amaat Montreal
Tél. : (514) 484-0252
Une organisation juive
à but non lucratif qui offre des sessions de lutte contre
le bullying.
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