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REPORTAGE  —  8 février 2004

 
Sang de cordon

La naissance. Le moment où une femme fait le plus grand don, celui de la vie. Son nouveau-né est relié à sa mère par un cordon ombilical dans lequel se trouve un sang précieux. Un sang qui pourrait sauver la vie d'un autre enfant, la vie du jeune Anthime, 9 ans.

Journaliste : Michel Rochon
Réalisatrice : Marièle Choquette

Anthime souffre de leucémie, un cancer des globules blancs du sang. Malgré le traitement classique de chimiothérapie, la maladie est réapparue. Un dur coup pour toute la famille d'Anthime, qui croyait avoir vaincu la maladie il y a un an et demi. Puis, une solution apparaît : pour le guérir, on pourrait lui faire une greffe de sang de cordon ombilical. C'est la seule thérapie qui pourrait le sauver. Des mères sont donc sollicitées pour donner leur cordon, normalement traité comme un déchet biomédical.

Le sang de cordon, recueilli dès l'accouchement, est riche en cellule souches. Ces cellules peu nombreuses sont formées lors du développement de l'embryon et peuvent produire n'importe quelle cellule du corps : cellules de la peau, du cerveau et même du sang. En injectant des cellules souches à un leucémique, on peut ainsi recréer tout un système sanguin. De nouveaux globules rouges se forment, ainsi que des plaquettes pour la coagulation et des globules blancs, les cellules du système immunitaire. Une fois greffées, les cellules vont se placer naturellement dans la moelle osseuse, à l'intérieur des os. Là, elles se reproduisent et comblent les manques du système. Pendant cette période de reproduction, qui dure de 4 à 6 semaines, le patient est totalement dépendant des transfusions de plaquettes, des transfusions de globules rouges et du support antibiotique.

Avant la greffe de sang de cordon, il faut d'abord éliminer les cellules cancéreuses d'Anthime, ce qui demande plusieurs séances de radiothérapie et de chimiothérapie. Le but est de faire table rase de son système immunitaire afin de lui en donner un nouveau.

Le 5 novembre, après un mois d'attente, le moment de vérité est arrivé. Anthime entre dans la chambre d'isolement qu'il occupera pour les deux prochains mois. La greffe en elle-même n'a rien d'impressionnant, il suffit de moins de 100 millilitres de sang de cordon pour refaire l'ensemble du système sanguin. Il s'agit d'une opération très rapide, mais l'atmosphère est tendue. Aujourd'hui, Anthime ne parle pas. Il est très sérieux. Il sait que c'est une grande journée.

Le transfert se fait comme prévu, mais le système immunitaire sera vulnérable à la moindre infection tant que les cellules souches ne seront pas dans la moelle. On sait que certains virus, aussi banals que le virus du rhume, par exemple, peuvent entraîner la mort d'un greffé. Alors plus le temps passe, meilleures sont ses chances de survie. Seul le temps dira si Anthime pourra guérir.

On privilégie les greffes de sang de cordon parce qu'elles comportent plusieurs avantages sur les greffes traditionnelles de la moelle osseuse. Dans cette deuxième option, il faut d'abord trouver un donneur de moelle compatible, car les cellules de moelle osseuse portent la signature du donneur. Ces cellules ont à leur surface des antigènes spécifiques : les HLA. Le receveur les identifie souvent comme un corps étranger, ce qui mène au rejet. Trouver un donneur compatible est donc difficile. En fait, cette compatibilité se compare à la loterie, la chance de trouver un donneur de moelle osseuse est de 1 sur 1 million.

Les cellules souches n'ont pas ces antigènes. Ce sont des cellules dont la compatibilité est presque universelle. Cet avantage pourrait permettre aussi de traiter les leucémiques adultes. Pour l'instant, les cellules souches d'un cordon ombilical sont insuffisantes pour traiter un adulte. Il faudrait le sang de 3 à 4 cordons. Une solution onéreuse et compliquée.

Mais tout n'est pas perdu. Le médecin et chercheur Guy Sauvageau, de l'Institut de recherche clinique de Montréal, croit avoir trouvé la solution. En travaillant sur des souris, il a découvert que les gènes Hox B4 sont responsables de la prolifération des cellules souches. Son équipe est d'ailleurs parvenue à multiplier des cellules souches dans une boîte de Pétrie en l'espace de quelques jours, en utilisant ces gènes. L'idée serait donc d'utiliser ces gènes pour littéralement cultiver de grandes quantités de cellules souches, qui pourraient ensuite être greffées à des adultes.

Pour l'instant, les thérapies géniques de ce genre n'ont pas été efficaces. Elles ont même souvent mené au décès des patients. Mais le Dr Sauvageau ne désespère pas, et il travaille maintenant sur la protéine qui produit les gènes Hox B4.

En attendant que le Dr Sauvageau développe cette protéine qui permettrait de greffer des adultes, le sang de cordon fait des miracles pour les enfants. Le 2 décembre, un mois avant la date prévue, Anthime est prêt à sortir. Sa greffe de sang de cordon est un succès. Les cellules souches lui ont redonné un nouveau système sanguin. Les six prochains mois seront tout de même délicats pour Anthime. On devra le suivre de près. Mais le sang d'un autre enfant est venu lui donner une nouvelle chance de poursuivre le chemin de sa vie.

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