La naissance. Le moment où
une femme fait le plus grand don, celui de la vie. Son
nouveau-né est relié à sa mère
par un cordon ombilical dans lequel se trouve un sang
précieux. Un sang qui pourrait sauver la vie
d'un autre enfant, la vie du jeune Anthime, 9 ans.
Journaliste
: Michel Rochon
Réalisatrice : Marièle Choquette
Anthime souffre de leucémie, un
cancer des globules blancs du sang. Malgré le
traitement classique de chimiothérapie, la maladie
est réapparue. Un dur coup pour toute la famille
d'Anthime, qui croyait avoir vaincu la maladie il y
a un an et demi. Puis, une solution apparaît :
pour le guérir, on pourrait lui faire une greffe
de sang de cordon ombilical. C'est la seule thérapie
qui pourrait le sauver. Des mères sont donc sollicitées
pour donner leur cordon, normalement traité comme
un déchet biomédical.
Le
sang de cordon, recueilli dès l'accouchement,
est riche en cellule souches. Ces cellules peu nombreuses
sont formées lors du développement de
l'embryon et peuvent produire n'importe quelle cellule
du corps : cellules de la peau, du cerveau et même
du sang. En injectant des cellules souches à
un leucémique, on peut ainsi recréer tout
un système sanguin. De nouveaux globules rouges
se forment, ainsi que des plaquettes pour la coagulation
et des globules blancs, les cellules du système
immunitaire. Une fois greffées, les cellules
vont se placer naturellement dans la moelle osseuse,
à l'intérieur des os. Là, elles
se reproduisent et comblent les manques du système.
Pendant cette période de reproduction, qui dure
de 4 à 6 semaines, le patient est totalement
dépendant des transfusions de plaquettes, des
transfusions de globules rouges et du support antibiotique.
Avant la greffe de sang de cordon, il
faut d'abord éliminer les cellules cancéreuses
d'Anthime, ce qui demande plusieurs séances de
radiothérapie et de chimiothérapie. Le
but est de faire table rase de son système immunitaire
afin de lui en donner un nouveau.
Le
5 novembre, après un mois d'attente, le moment
de vérité est arrivé. Anthime entre
dans la chambre d'isolement qu'il occupera pour les
deux prochains mois. La greffe en elle-même n'a
rien d'impressionnant, il suffit de moins de 100 millilitres
de sang de cordon pour refaire l'ensemble du système
sanguin. Il s'agit d'une opération très
rapide, mais l'atmosphère est tendue. Aujourd'hui,
Anthime ne parle pas. Il est très sérieux.
Il sait que c'est une grande journée.
Le transfert se fait comme prévu,
mais le système immunitaire sera vulnérable
à la moindre infection tant que les cellules
souches ne seront pas dans la moelle. On sait que certains
virus, aussi banals que le virus du rhume, par exemple,
peuvent entraîner la mort d'un greffé.
Alors plus le temps passe, meilleures sont ses chances
de survie. Seul le temps dira si Anthime pourra guérir.
On
privilégie les greffes de sang de cordon parce
qu'elles comportent plusieurs avantages sur les greffes
traditionnelles de la moelle osseuse. Dans cette deuxième
option, il faut d'abord trouver un donneur de moelle
compatible, car les cellules de moelle osseuse portent
la signature du donneur. Ces cellules ont à leur
surface des antigènes spécifiques : les
HLA. Le receveur les identifie souvent comme un corps
étranger, ce qui mène au rejet. Trouver
un donneur compatible est donc difficile. En fait, cette
compatibilité se compare à la loterie,
la chance de trouver un donneur de moelle osseuse est
de 1 sur 1 million.
Les cellules souches n'ont pas ces antigènes.
Ce sont des cellules dont la compatibilité est
presque universelle. Cet avantage pourrait permettre
aussi de traiter les leucémiques adultes. Pour
l'instant, les cellules souches d'un cordon ombilical
sont insuffisantes pour traiter un adulte. Il faudrait
le sang de 3 à 4 cordons. Une solution onéreuse
et compliquée.
Mais
tout n'est pas perdu. Le médecin et chercheur
Guy Sauvageau, de l'Institut de recherche clinique de
Montréal, croit avoir trouvé la solution.
En travaillant sur des souris, il a découvert
que les gènes Hox B4 sont responsables de la
prolifération des cellules souches. Son équipe
est d'ailleurs parvenue à multiplier des cellules
souches dans une boîte de Pétrie en l'espace
de quelques jours, en utilisant ces gènes. L'idée
serait donc d'utiliser ces gènes pour littéralement
cultiver de grandes quantités de cellules souches,
qui pourraient ensuite être greffées à
des adultes.
Pour l'instant, les thérapies
géniques de ce genre n'ont pas été
efficaces. Elles ont même souvent mené
au décès des patients. Mais le Dr Sauvageau
ne désespère pas, et il travaille maintenant
sur la protéine qui produit les gènes
Hox B4.
En attendant que le Dr Sauvageau développe
cette protéine qui permettrait de greffer des
adultes, le sang de cordon fait des miracles pour les
enfants. Le 2 décembre, un mois avant la date
prévue, Anthime est prêt à sortir.
Sa greffe de sang de cordon est un succès. Les
cellules souches lui ont redonné un nouveau système
sanguin. Les six prochains mois seront tout de même
délicats pour Anthime. On devra le suivre de
près. Mais le sang d'un autre enfant est venu
lui donner une nouvelle chance de poursuivre le chemin
de sa vie.