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REPORTAGE  —  11 janvier 2004

 

Prospection ou baleines?

Pendant 20 ans, tous les experts semblaient convaincus que le Québec ne possédait pas de gisements substantiels de gaz ou de pétrole. Pourtant, depuis un an, les milieux écologistes se soulèvent contre un projet de prospection sous-marine des hydrocarbures. Selon eux, cette prospection menacerait les baleines du Saint-Laurent. Un dossier qui soulève plusieurs questions. D'abord, pourquoi s'imagine-t-on maintenant qu'on va trouver du gaz et du pétrole sous le fleuve? Pourquoi nos rorquals bleus, les plus grosses baleines du monde, seraient-ils en péril? Et s'il y a vraiment du pétrole chez nous, devrions-nous en faire notre deuil pour préserver les baleines?

Journaliste : Gilles Provost
Réalisateur : Pascal Gélinas

Le potentiel pétrolier du Québec

Depuis un siècle, on a cherché du pétrole au Québec sans jamais trouver de gisement important. Après l'échec de la dernière campagne de prospection, dans les années 80, le Québec en avait fait son deuil : il n'y avait pas de gisements majeurs chez nous. Puis, coup de théâtre! Il y a deux mois, un géologue de l'Université Laval a annoncé qu'un important gisement de gaz naturel ou de pétrole avait peut-être été découvert. À quoi attribuer ce changement de ton?

La réponse se trouve du côté de la division Pétrole et Gaz d'Hydro-Québec. L'été dernier, la société d'État a fait 350 kilomètres de prospection sismique dans les grandes forêts qui recouvrent l'île d'Anticosti, au beau milieu du golfe Saint-Laurent. Selon les résultats de cette prospection, divulgués à la fin novembre, on aurait trouvé dans le sous-sol d'Anticosti de grosses structures très poreuses, apparemment remplies de liquide. « Ces structures seraient identiques à celles d'un autre gisement récemment découvert près de Chicago : le gisement Albion-Scipio. Or, ce gisement dans l'État du Michigan est une découverte de classe mondiale, puisqu'on parle de 130 millions de barils de pétrole et au-delà de 200 millions de pieds cubes de gaz naturel », explique Claude Morin, géologue pétrolier senior pour Hydro-Québec, division Pétrole et gaz. En un sens, il est naturel de trouver des structures semblables à Anticosti : Albion Scipio appartient à la même formation géologique qui part des champs pétroliers du Texas et qui s'entend sous le golfe du Saint-Laurent jusqu'à Terre-Neuve.

Par ailleurs, la découverte d'Albion-Scipio a provoqué une véritable révolution dans la prospection pétrolière. Auparavant, on cherchait toujours de grandes structures poreuses en forme de cloche, où le gaz et le pétrole pouvaient s'accumuler sous une couche imperméable. Or, dans les gisements Albion-Scipio, le phénomène est différent : on avait au départ du calcaire traversé par des fissures où de l'eau acide s'est infiltrée. Retenue sous la couche imperméable, l'eau a peu à peu dissous le calcaire et provoqué un affaissement de la couche supérieure. Le calcaire, devenu poreux comme de la craie, s'est imbibé d'hydrocarbures. À Anticosti, plutôt que de chercher des structures en forme de cloche, on a donc cherché des affaissements. Et on en a trouvé! Aujourd'hui, on réexamine la vallée du Saint-Laurent avec un regard neuf, et c'est ce qui a relancé l'activité pétrolière.

En Gaspésie, à son gisement de Galt, la compagnie Junex possède une production commerciale de gaz naturel. Elle vient même d'y forer un deuxième puits pour augmenter sa production. On a aussi trouvé un peu de pétrole à Galt, un pétrole tellement fin qu'il peut faire tourner un moteur diesel sans aucun raffinage!

Toujours en Gaspésie, on voit depuis deux ans de curieuses caravanes sur les chemins forestiers : des camions de prospection sismique. Les prospecteurs déposent une longue rangée de microphones le long du chemin. Puis, à tous les cinq mètres, les camions laissent descendre une grosse plaque, qu'ils appuient avec force sur la route. Ensuite, à l'unisson, ils émettent une puissante vibration. Le bruit se propage dans le sol et se réfléchit sur chacune des strates géologiques. Chaque structure provoque un écho différent. Captée par les microphones, la réflexion sonore est décodée par ordinateur et elle fournit une image du sous-sol. Bref, ça procède du même principe qu'une échographie.

On a procédé de la même façon sur la rive sud du Saint-Laurent, entre Montréal et Québec, et les résultats se multiplient. Dès l'été prochain, on devrait entamer des forages à Bécancour, en face de Trois-Rivières. À plus long terme, l'avenir de la prospection pétrolière se jouera aussi sous le fleuve. En effet, il recouvre la majeure partie de la zone propice aux hydrocarbures. Une zone qui se prolonge au-delà d'Anticosti, jusqu'à Terre-Neuve. En ce moment, plusieurs spécialistes estiment que la zone maritime est beaucoup plus prometteuse que les régions terrestres. Déjà, au large des Îles-de-la-Madeleine, la compagnie Corridor Ressources a identifié deux gros gisements de gaz naturel : Old Harry et Cape Ray. Elle prévoit y faire un premier forage au printemps. On relierait ensuite les gisements par gazoduc sous-marin, jusqu'à une usine de gaz à la pointe nord des Îles-de-la-Madeleine et, de là, jusqu'au continent.

Tout cela donne confiance à Hydro-Québec, qui veut poursuivre sa prospection vers l'ouest, vers Anticosti et la Gaspésie. Et c'est ce que contestent les écologistes.

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