La maison de paille revisitée
Il se
construit au Québec de plus en plus de
maisons dites « écologiques »,
isolées avec de la paille. C'est sympathique,
mais est-ce efficace? Est-ce durable? Et est-ce
économique?
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Journaliste: Gilles Provost
Réalisatrice: Chantal Théorêt
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Une maison étonnante,
avec son allure un peu campagnarde en plein centre-ville
de Montréal. Dans tout Montréal,
c'est la seule dont les murs extérieurs
sont en ballots de paille, recouverts de crépi.
Elle est l'uvre de l'architecte Julia Bourke,
qui maintenant l'habite avec sa famille. « Le
coût de chauffage est intéressant,
c'est très peu élevé »,
lance l'architecte. Elle aime aussi le côté
esthétique, la tranquillité et même
l'odeur de la paille. Mais par-dessus tout, ce
qu'elle préfère, c'est le silence.
Un luxe incroyable quand on vit en ville.
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Situation très différente
dans ce boisé des Cantons-de-l'Est, où
Sylvie Plaire et Marc Chabot construisaient leur maison
cet été. Avec des murs de paille elle
aussi, mais cette fois dans une structure tout en rondeurs.
Comme un piano à queue.
Deux maisons très différentes,
mais avec une grande parenté structurelle : dans
les deux cas, les ballots de paille s'intègrent
dans une structure de bois qui supporte le toit et les
étages.
Dans le climat québécois,
il faut d'abord avoir un toit pour protéger la
paille pendant la construction, jusqu'à la pose
du crépi. Donc, à l'époque, Julia
Bourke a dû entailler les ballots pour faire place
aux madriers, sans laisser d'espace vide dans la paille.
Pour la deuxième maison, au contraire, on coince
les ballots entre les madriers sans faire aucune entaille.
C'est pourquoi les murs ne peuvent plus être rectilignes,
il faut les courber pour combler le vide entre les ballots.
L'avantage de la paille, c'est surtout
son caractère naturel, son faible coût
et sa valeur isolante : la paille ressemble à
des tubes de bambou. Autant de petites cellules, fermées,
comme les bulles d'une mousse isolante. Et comme les
ballots sont comprimés et recouverts de crépi,
ils résistent aux flammes pendant des heures,
même à 1000 degrés Celsius.
La
crainte des spécialistes, il y a quatre ans,
c'était plutôt l'humidité, et c'est
pourquoi Julia Bourke avait truffé ses murs de
capteurs. Résultat : aucun problème! « On
a fait des lectures à tous les trois mois au
début, et finalement, ça ne changeait
pas, les ballots étaient très secs. Beaucoup
plus secs qu'à l'installation. »
Elle avait même poussé l'audace jusqu'à
isoler l'assise de sa maison avec de la paille. Il faut
poursuivre l'expérience, mais jusqu'ici, aucun
problème d'humidité. « Ça
a baissé après un an à environ
12 %, ce qui est tout à fait correct, et ça
reste entre 10 et 12 %. » Ce qui ne veut
pas dire pour autant que toutes les difficultés
des maisons de paille sont résolues.
Après seulement trois ans, par
exemple, la maison de Julia Bourke présente des
fissures. Son crépi, à base de chaux et
de paille, a séché trop vite au soleil
de l'été. À Magog, Marc et Sylvie
ont donc appris de cette expérience : leur crépi
est plutôt à base d'argile et plus riche
en paille, pour demeurer flexible.
Un autre aspect délicat à
produire, dans beaucoup de maisons de paille, ce sont
les joints autour des portes et des fenêtres.
« Avec le crépi [
], il faut
faire très attention pour que la maison soit
performante », souligne Mme Bourke. Elle
s'était réservé cette tâche
et elle se félicite des résultats. Sa
maison de paille coûte trois fois moins cher en
chauffage qu'une autre maison de la même dimension.
Quoi qu'il en soit, les 23 propriétaires
qui possèdent ce genre d'habitation se disent
tous satisfaits de leur maison. Pour eux, c'était
d'abord un choix écologique. En somme, ce sont
des gens qui mettent la main à la paille pour
construire leurs rêves.
Pour en savoir plus :
La
Maison en Paille
Centre d'information sur la construction en paille
La
maison R-40
Architecte Julia Bourke
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