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REPORTAGE  —  15 septembre 2002

 La stérilisation à l'ozone  

Saskatoon, 8 août 2002. Santé Canada annonce qu'un premier Canadien est mort d'avoir attrapé la maladie de la vache folle. En fait, une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, comme disent les médecins.

Quelques mois avant sa mort, la victime avait subi un examen endoscopique à l'Hôpital Saint-Paul. Dans cet hôpital, 71 patients risquent maintenant que la même maladie détruise leur cerveau. Même après de nombreuses stérilisations de l'endoscope...

En Angleterre, où l'épidémie de la vache folle a débuté, les hôpitaux ont été balayés par un vent de panique quand la population a su que la maladie mortelle est transmise par un prion : une protéine qui résiste à toutes les techniques de stérilisation.


«  Les nouveaux instruments ont évolué plus vite que la capacité de les décontaminer ou de les stériliser. C'est pour cela qu'il faut trouver des alternatives. »

- Dr Richard Marchand, microbiologiste, Institut de Cardiologie de Montréal

Les prions sont indétectables à la surface des instruments chirurgicaux. Ils peuvent se transmettre lors d'une simple ablation des amygdales. Le gouvernement du Royaume-Uni a dû exiger que toutes les chirurgies à risque se fassent avec des instruments jetables. Ce programme lui a coûté un demi-milliard de dollars depuis trois ans.

Des instruments jetables

Et pourtant, le prion est un problème plutôt secondaire dans le panorama mondial de la stérilisation. Partout, les hôpitaux dépensent des fortunes pour des instruments qu'ils sont incapables de stériliser. En effet, la nouvelle chirurgie est devenue micro-invasive : elle utilise des outils microscopiques qu'on manipule à distance.

Mais la stérilisation de ces coûteux instruments est un vrai casse-tête. C'est pourquoi on utilise des cathéters jetables, à $ 100 l'unité, des rotablators jetables, qui valent plus de $ 1 000 chacun, voire des cœurs artificiels jetables à $ 35 000 chacun. Mais qu'est-ce qui empêche les hôpitaux de stériliser ces instruments après une opération ?

Cela tient en partie aux matériaux synthétiques qui fondraient si on les stérilisait à chaud, avec de la vapeur. En principe, on pourrait aussi les stériliser à froid, avec de l'oxyde d'éthylène. Mais il faudrait au moins pouvoir les démonter pour les récurer, ce qui est impossible avec les instruments très fins qu'on enfile dans les voies naturelles.

Les instruments jetables sont toujours stériles... mais ils sont aussi très coûteux.

De sales endoscopes

C'est le problème des endoscopes… qu'on réutilise pourtant de jour en jour.

Selon l'Association for the Advancement of Medical Instrumentation, une organisation américaine qui établit des normes de stérilisation, 25% des endoscopes seraient encore contaminés ou contiendraient encore des microbes vivants, même après le processus de stérilisation.

Denver, 1995. Une crise met en lumière le plus grand obstacle à une stérilisation vraiment efficace. En un mois, douze patients se retrouvent en état de choc toxique, toujours à la suite de chirurgies cardiaques « non invasives » par cathéter. Conséquence : deux morts. Conclusion de l'enquête : stérilisation incomplète. On a bien tué les microbes mais on n'a pas détruit les endotoxines.

Quand un microbe est tué, ses membranes se déchirent. L'intérieur, qui contient des endotoxines très dangereuses, se répand. Cela laisse une sorte de pellicule empoisonnée sur l'objet qu'on voulait stériliser. Lorsqu'on insère cet objet dans un vaisseau sanguin, la pellicule se dissout. Les toxines se libèrent d'un seul coup. C'est le choc toxique !

Or, les hôpitaux sont aussi démunis face aux endotoxines qu'ils le sont face aux prions. Impossible de les détruire !

Une nouvelle technique

Il existe une solution : un tout nouveau stérilisateur à l'ozone, conçu à Québec, chez TSO3. Il y a longtemps qu'on connaît la stérilisation à l'ozone mais c'est la première fois qu'on l'applique à des instruments chirurgicaux.

« Le défi que nous avions à relever était de créer beaucoup de vapeur d'eau au point de saturation, sans créer de bulles d'eau parce que les bulles d'eau deviennent une barrière supplémentaire à la stérilisation de micro-organismes », explique Jocelyn Vézina, président de TSO3.

Jocelyn Vézina attribue cette percée à l'expertise informatique de son équipe.
Car l'ordinateur contrôle toute les facettes de la stérilisation : la pression, avec une pompe à vide, l'humidité, grâce à un générateur de vapeur froide, et la quantité d'ozone qui sort du générateur.

Comme matière première : l'oxygène qu'on trouve dans tous les hôpitaux. Lorsque les atomes d'oxygène sont frappés d'une décharge électrique, ils forment des molécules à trois atomes : les molécules d'ozone. Mais l'ozone est instable. Très vite, il libère un atome isolé qui agrippe tout ce qu'il rencontre. C'est cet atome solitaire qui stérilise.

Le procédé de TSO3 a été testé avec les spores microbiens les plus résistants. Et avec toutes sortes de matériaux : plastique, tissus, caoutchouc, acier… Ces tests ont été répétés à l'Institut de Cardiologie et les résultats sont extraordinaires : même les endotoxines sont détruites.

« Parmi les procédés oxydatifs, c'est le plus puissant de ceux avec lesquels on a travaillé, explique le docteur Richard Marchand. Plus la puissance oxydative est forte, plus le procédé est puissant pour éliminer la matière organique, c'est à dire les bactéries, les virus, les parasites, et même les produits chimiques qui peuvent être oxydés. »

Des essais sur les prions

Avec une arme si efficace, pourquoi ne pas s'attaquer aussi aux prions ? Dans un premier temps, on a placé dans le stérilisateur des prions trouvés dans des champignons. Le docteur Richard Marchand présente fièrement les résultats : « Complètement détruits à un point tel que ça allait au delà des limites mesurables par nos appareils. Maintenant, on a repris le tout avec des prions de hamster et encore une fois, on a été aux limites de détectabilité des méthodes de mesure. »

Il faudra encore des analyses beaucoup plus fines avant de conclure que tous les prions sont vraiment détruits. Mais déjà, Santé Canada a diffusé dans le monde entier ces résultats inouïs.

De plus, ce nouveau stérilisateur a maintenant l'approbation officielle de Santé Canada. Quatre autres hôpitaux québécois en ont fait l'acquisition. Une technologie qui a l'avenir devant elle.


Pour en savoir plus

TSO3
Site web de l'entreprise TSO3

Dossier prion
Dossier sur les prions du magazine scientifique en ligne Info Science (février 2000)

Association for the advancement of medical instrumentation

Journaliste : Gilles Provost
Réalisatrice : Marièle Choquette
Adaptation pour Internet : Isabelle Montpetit

« On est en manque de nouvelles technologies de nettoyage ou de décontamination. »

- Dr Richard Marchand, microbiologiste, Institut de cardiologie de Montréal

 

 

Même passés à l'autoclave, le quart des endoscopes ne sont pas stériles !

 


Qu'est-ce qu'un prion ?

Les prions ne ressemblent à aucun autre agent infectieux connu. Ce sont de simples protéines, sans aucun bagage génétique. Les personnes saines, comme la majorité d’entre nous, fabriquent une version normale de cette protéine. Mais dans certaines circonstances, une version anormale de la protéine se retrouve dans l’organisme, par exemple lorsqu’on mange de la viande de boeuf contaminée. On croit qu’un simple contact avec la forme anormale peut modifier une protéine normale, laquelle pourra à son tour transformer ses voisines.

Le médecin américain Stanley Prusiner a reçu le prix Nobel de médecine en 1997 pour son hypothèse du prion comme agent infectieux des encéphalopathies spongiformes, des maladies comme celles de la vache folle, de Creutzfeld-Jakob, ou encore la tremblante du mouton.

 

 

Pour stériliser à l'ozone, la matière première, c'est tout simplement de l'oxygène, comme on en trouve dans tous les hôpitaux.

 





 


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