La téléchirurgie
Strasbourg...
À
Strasbourg,
au nord de la France, une équipe médicale se prépare à réaliser
une ablation de la vésicule biliaire. Une salle d'opération classique,
de l'équipement de laparoscopie, tout semble parfaitement normal.
La seule différence? Le chirurgien principal restera les deux bras
croisés durant toute l'opération!
Le véritable responsable se trouve de l'autre côté de l'Atlantique,
à New York, au centre hospitalier Mount Sinai. C'est le Dr Jacques
Marescaux, l'un des grands spécialistes de la téléchirurgie. Dans
quelques instants, il entreprendra une première mondiale...
Baptisé «Opération Lindbergh», l'intervention consiste
à opérer une patiente qui se trouve à 7 500 km de distance de son
médecin...
Entre les deux, il y a ce robot, une petite merveille de technologie,
ainsi qu'une armée de techniciens et d'ingénieurs pour les épauler.
New
York...
« J'étais extrêmement énervé. On savait qu'il y avait plus
de 60 personnes qui étaient en train de s'occuper (...) pour que
tout se passe bien. On s'est dit : c'est sûr qu'au dernier moment,
il va se produire ce qu'on n'avait pas prévu depuis trois ans et
ça sera un «flop». Mais au moment où je suis rentré
dans cette grande salle (...) alors tout d'un coup, ça a été un
calme absolu...»
- le
Dr Jacques Marescaux.
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IRCAD : Le plus important centre de téléchirurgie au monde
L'IRCAD
est le plus important centre de formation en téléchirurgie au monde. C'est
Jacques Marescaux qui l'a mis sur pied en 1994. Jusqu'à ce jour,
des milliers de médecins ont été formés aux plus
récentes techniques en chirurgie robotisée. On y travaille également sur
des programmes de réalité virtuelle très développés, permettant de s'entraîner
sur une copie parfaite des organes d'un patient avant même que l'opération
n'ait lieu... En quelques années seulement, cette jeune discipline a franchi
des bonds de géant!
La
première révolution...
On a assisté d'abord à une première révolution au cours des années
quatre vingt avec l'arrivée de la laparoscopie. Grâce à ces longs
instruments et à une caméra miniature, on peut désormais réduire de
beaucoup les traumatismes post-opératoires et la période de convalescence
d'un patient. Puis, c'est le mariage de la laparoscopie et de l'ordinateur...
La deuxième révolution...
«
La deuxième révolution, c'est ce concept de chirurgie assistée par
ordinateur ( …) Tout d'un coup, on s'apercevait qu'on opérait avec
une caméra et puis seulement deux instruments qui remplaçaient la
main gauche et la main droite et qu'on était dans une position très
peu ergonomique et qu'il y avait sûrement des efforts à faire pour
la sécurité du geste et une grande qualité du geste chirurgical. D'où
est née la notion de chirurgie assistée par ordinateur, c'est-à-dire
donner au chirurgien une intelligence amplifiée qui allait permettre
de sécuriser et d'améliorer son geste chirurgical », - explique
le Dr
Marescaux.
La
troisième révolution...
« Vous voyez qu'entre les gestes du chirurgien, l'analyse
de l'ordinateur et l'effecteur, il y a deux mètres, trois mètres qu'il
y a cette distanciation. Et c'est parce qu'il y avait ce concept de
distanciation qu'on s'est dit qu'on pouvait le faire avec des milliers
de kilomètres. Et c'est là qu'est né le concept de l'opération Lindbergh,
de faire le même geste en transatlantique...», précise
le Dr
Marescaux.
L'utilisateur
contrôle la pince et le scalpel à l'aide de commandes manuelles...
La vitesse d'exécution est réglée par cette pédale qui agit
comme l'accélérateur d'une automobile...
La caméra miniature répond au son de la voix...
Et l'ordinateur fait tout le reste!
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Un
obstacle de taille : le décalage...
En septembre 2000, l'équipe du Dr Marescaux avait procédé
à un essai simulé sur animal, un cochon. Cette chirurgie
transatlantique unissait les villes de Strasbourg et de Paris: «Avec
ces 1 000 kilomètres, on s'est aperçu qu'il y avait une digitalisation
de l'image, que le délai était trop important : on a mis plus de
cinq heures pour faire ce geste d'ablation de la vésicule, alors
que normalement, cela nécessite entre 20 et 30 minutes»,
- précise le Dr Marescaux.
On comprend alors que c'est la transmission
de l'information à longue distance qui pose des difficultés.
Le son et l'image se rendent trop lentement d'une ville à
l'autre.
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Entre New York et Strasbourg, le décalage est très important
: il faut environ 400 millièmes de secondes pour que l'ordinateur
transforme en mode numérique les commandes du chirurgien
et les images en provenance de la salle d'opération! Et
il faut ajouter à cela 80 millièmes de secondes
pour leur faire traverser l'Atlantique à la vitesse de
la lumière sur le réseau de fibres optiques.
Or, 480 millièmes de secondes, c'est beaucoup trop : l'opération
Lindbergh n'est possible qu'en deçà de 300 millièmes
de secondes!
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« La performance, la prouesse des ingénieurs français de
France Télécom, c'est d'avoir réussi à trouver des décodeurs et
de les régler, de trouver des nouveaux algorithmes de codage et
de compression qui permettent d'aller plus vite que ce qui était
actuellement disponible sur le marché commercial », estime
Alain Bernard, chef de projet, Opération Lindbergh France Telecom.
Le grand jour...
Finalement, le matin du 7 septembre, tout est en place. Jacques
Marescaux, très calme, pose des gestes qu'il connaît sur le bout
de ses doigts. Si l'opération Lindbergh est un succès, il aura fait
la preuve que la téléchirurgie à longue distance est plus qu'une
simple curiosité technologique...
Quarante-cinq
minutes plus tard, tout est déjà terminé. Et tout s'est déroulé
parfaitement. D'ici peu de temps, Jacques Marescaux croit
que la technologie sera suffisamment éprouvée pour permettre
une intervention complexe comme le pontage coronarien...
Mais êtes-vous prêts pour la chirurgie cardiaque à longue
distance?
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Journaliste : Normand Grondin
Réalisatrice : Marièle
Choquette
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