Le 3 février 2002

L'horloge biologique et l'effet «jet-lag»

Nous vivons maintenant dans un monde de plus en plus artificiel. L'électricité et les systèmes modernes d'éclairage nous permettent de poursuivre nos activités nuit et jour, sans être esclaves de la lumière solaire. Nous pouvons aussi voyager jusqu'aux antipodes en quelques heures, ce qui était encore impensable au siècle dernier. Or, l'être humain, comme la plupart des animaux, a une horloge interne ajustée aux rythme du jour et de la nuit. Une horloge que l'évolution n'a pas préparée à traverser plusieurs fuseaux horaires en quelques heures. Pourtant, il existe des moyens pour remettre à l'heure notre horloge biologique.

 

Jean Beauchemin se prépare à prendre l'avion pour Paris, depuis Montréal. Compte tenu des fuseaux horaires, il devra avancer sa montre de six heures. Déjà, il appréhende les malaises que va provoquer ce changement d'heure, des malaises qui vont durer tant qu'il n'aura pas aussi ajusté son horloge interne, son horloge biologique.

À l'hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, l'équipe de Marie Dumont étudie cette horloge cachée au creux du cerveau, celle qui contrôle le sommeil, l'appétit, la température du corps, la sécrétion des hormones, etc. D'après leurs recherches, il serait possible de modifier l'heure de l'horloge biologique, en modifiant l'éclairage.

Ainsi, dès son arrivée à Paris, Jean Beauchemin devra se couvrir les yeux de lunettes très noires et les porter pendant tout son trajet vers l'hôtel. Arrivé à sa chambre, il fera une petite sieste dans l'obscurité. Mais à midi, changement de stratégie! Il devra maintenant s'exposer à la lumière vive. Une sortie sur le balcon, une promenade dans Paris… Tout cela pour éliminer aussi vite que possible les malaises liés au «jet-lag», au changement de fuseau horaire.

D'après Marie Dumont, le réajustement de l'horloge interne passe par les yeux. Il y a, sur la rétine de l'œil, des cellules dont la seule fonction est d'ajuster l'horloge interne, qui est située dans l'hypothalamus, à la base du cerveau. Mais attention! Pour être efficace, ce signal lumineux doit parvenir au cerveau de Jean Beauchemin à un moment précis de son cycle circadien. (explications de Marie Dumont)

 
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À la fin de chaque journée, la température corporelle baisse peu à peu sous l'effet de la mélatonine, l'hormone du sommeil. Or, en fin de nuit, il y a un point-pivot où la température commence à remonter à cause d'une autre hormone, plus stimulante : le cortisol. Comme Jean Beauchemin se lève d'habitude vers huit heures, son point-pivot survient deux heures plus tôt, soit à six heures, heure de Montréal… ou midi, heure de Paris. En s'exposant à la lumière à midi - l'heure de son point-pivot -, l'horloge biologique de Jean Beauchemin comprend qu'elle est en retard et réajuste sont point-pivot pour qu'il survienne plus tôt, le lendemain.

Si ce réajustement est efficace, pourquoi Jean Beauchemin ne s'est-il pas exposé à la lumière encore plus tôt? D'abord, on a découvert en laboratoire que l'exposition à la lumière doit survenir APRÈS l'heure du point-pivot pour avancer l'horloge biologique. Si le signal lumineux survient avant le point-pivot, il recule l'horloge biologique, au lieu de l'avancer.

En somme, la recette de Marie Dumont est simple : chacun doit d'abord identifier son point-pivot personnel, c'est-à-dire deux heures avant le moment habituel du réveil. Ensuite, il ne suffit que de transposer ce point-pivot dans le fuseau horaire de la destination. Pour un voyage vers l'est, il faut avancer l'horloge interne et s'exposer à la lumière APRÈS l'heure fatidique, comme l'exemple de Jean Beauchemin. Mais pour un voyage vers l'ouest, c'est le contraire, il faut s'exposer à la lumière AVANT le point-pivot pour reculer l'horloge biologique.

Enfin, dernière astuce, pourquoi ne pas ajuster son horloge interne avant de partir en voyage! Le matin de son départ, Jean Beauchemin aurait pu se lever deux heures plus tôt et s'exposer aussitôt à la lumière, il aurait ainsi raccourci d'une journée son acclimatation parisienne!

 

Journaliste : Gilles Provost
Réalisatrice : Yves Lévesque
Adaptation pour Internet : Caroline Paulhus

 

Hyperliens

Centre d'étude du sommeil, Hôpital du Sacré-Coeur

Société canadienne du sommeil
Liste de chercheurs, dont Marie Dumont, et leurs coordonnés