Le 13 janvier 2002

Les utilitaires sports

Ils sont beaux, puissants, costauds. Les utilitaires sports, communément appelés les 4,4 sont le succès de l'heure sur le marché nord-américain de l'automobile. Les consommateurs apprécient leur côté robuste et tout-terrain. Mais surtout parce qu'au volant d'un sport utilitaire, on a l'impression d'être en parfaite sécurité. Mais ce n'est qu'une impression…

Ces 4,4 ont tous été victimes du même phénomène : un violent capotage. Ce n'est pas surprenant : au volant d'un sport utilitaire, vous risquez trois fois plus de capoter qu'au volant d'une automobile...


Le problème des utilitaires sports, c'est qu'ils ne se conduisent pas comme des automobiles. En ligne droite, vous êtes en sécurité. Mais c'est dans les courbes serrées que cela se gâte : car les 4,4 ont tendance à prendre le champ si on conduit trop vite... Cela s'explique par un phénomène simple mais très dangereux : le déplacement du centre de gravité.




Le centre de gravité

Tous les véhicules ont un centre de gravité, un point bien précis où leur masse est en équilibre parfait. Sur un utilitaire sport, un véhicule haut et étroit, le centre de gravité est élevé. Sur une automobile, il est au moins 20 centimètres plus bas. Cette différence peut paraître minime mais elle explique pourquoi les 4,4 sont aussi instables dans les courbes.

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Dans un virage serré à gauche, par exemple, une force latérale très importante tend à pousser le véhicule à l'extérieur. Au plus fort de la courbe, le centre de gravité se déplace vers les deux roues de gauche, et surtout sur la roue avant qui devient surchargée. Mais dès que les deux pneus de droite se soulèvent même d'à peine 2 ou 3 centimètres, l'équilibre est rompu...

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Le chargement du véhicule

Ce problème d'instabilité est aggravé par un autre phénomène dont les conducteurs font généralement peu de cas : le chargement du véhicule. À pleine capacité, une Ford Explorer peut accepter autour de 475 kilos incluant les bagages et les passagers. Or, plus on charge cet utilitaire sport, plus on élève son centre de gravité. Et c'est encore pire lorsqu'on ajoute du poids sur le toit.


Aux États-Unis, la revue Consumer Reports évalue la tenue de route des modèles de 4,4 depuis plusieurs années. À son centre d'essai du Connecticut, Consumers Report réalise de véritables tests routiers qui imitent le type de manœuvres qu'un conducteur effectue en situation d'urgence. En juin dernier, elle a évalué six modèles : cinq ont réussi l'épreuve.

Mais Montero de Mitsubishi a échoué lamentablement. Au premier coup de volant, la roue avant droite se soulève. Au deuxième, la Montero a largement dépassé ses limites. Sans les barres de protection, elle aurait déjà fait plusieurs tonneaux...

Mais la Montero n'est pas un cas isolé. La NHTSA (The National Highway Traffic Safety Administration's), l'organisme gouvernemental responsable de la sécurité routière aux États-Unis, a d'ailleurs créé un palmarès des véhicules, toutes catégories, basé sur leur propension à capoter. En 2001, les véhicules les plus sécuritaires, comme la Honda Accord, ont obtenu cinq étoiles. Mais attention, il s'agit d'une automobile! Car dans le cas des utilitaires sports, c'est une toute autre histoire. En fait, selon ce palmarès, aucun utilitaire sport n'obtient plus de trois étoiles...



Le toit

La meilleure façon de diminuer le risque de capoter est de ralentir dans les courbes... Or, des recherches ont démontré que plus on est assis haut dans un véhicule, moins on a l'impression de rouler vite. Bref, une perception de la réalité qui est faussée. Voilà donc pourquoi les manufacturiers ont entrepris d'améliorer leurs véhicules. Et en commençant par leur point faible : le toit.

Durant un capotage, la forme cylindrique d'une automobile l'avantage parce qu'elle a tendance à faire des tonneaux réguliers. L'énergie est dispersée par tous les côtés du véhicule, donc pas seulement par le maillon faible de la carosserie : le toit.

Dans la même situation, le toit surélevé d'un utilitaire sport encaisse des chocs beaucoup plus violents. Dans un test réalisé en 1994 sur un utilitaire sport par le NHTSA, on voit clairement l'impact du capotage sur les occupants du véhicule. Le toit, qui est le maillon faible de la carosserie, a tendance à s'écraser dangereusement.


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Pour contrer ce phénomène, il faut donc rendre les toits plus rigides! Actuellement, on évalue la résistance des nouveaux modèles à l'aide d'un test d'écrasement. Mais ce test est déjà vieux d'une trentaine d'années… Les autorités américaines ont donc entrepris l'automne dernier de créer un nouveau test dynamique et d'augmenter les exigences auprès des manufacturiers. Mais il faudra faire plus...




Des solutions...


Aujourd'hui, plusieurs véhicules sont équipés de coussins gonflables latéraux. Ce système, conçu par la compagnie Ford, reste déployé durant six secondes pour protéger la tête des passagers et éviter qu'ils soient éjectés du véhicule durant un capotage. Des constructeurs, comme BMW, ont également développé une technologie interactive qui combine des senseurs au système de freinage ABS et à l'ordinateur de bord. En situation d'urgence, par exemple, le «Dynamic stability control» corrige la trajectoire en diminuant le régime du moteur sans l'aide du conducteur. Le système permet également de freiner, au besoin, sur une ou plusieurs roues à la fois.


Une fausse impression...

À cause des images publicitaires, les consommateurs ont une fausse conception des utilitaires sports. On pense qu'ils sont capables de rouler vite, en toute sécurité, dans toutes les conditions. Mais beaucoup de 4,4 sont essentiellement des chassis de camions auxquels on a greffé un équipement d'une automobile... Or, on ne conduit pas un camion comme une automobile; ce qui est d'ailleurs marqué en toute lettre dans la plupart des utilitaires sports! Et l'on ne devrait jamais oublier que ces véhicules sont SURTOUT conçus pour la conduite... hors route!





Journaliste : Normand Grondin
Réalisatrice: Marièle Choquette