En Abitibi, la ruée vers l'or dure depuis un siècle. Au fil des ans, des
dizaines de filons se sont épuisés, les mines ont fermé mais il reste
encore des montagnes de résidus un peu partout dans la région. En plus
de défigurer le paysage, certaines d'entre elles sont lourdement contaminés.
Et la pollution?
Les compagnies s'en sont longtemps lavées les mains. C'est donc la nature
qui a encaissé le coup : fossés, plages, ruissellement, etc.
Voici
dans quel état on a laissé la mine de Siscoe après sa fermeture...
Ne cherchez pas les bâtiments de la compagnie : ils ont été rasés.
Ni les propriétaires : ils ont disparus eux aussi... Tout ce qu'il
reste, c'est cette longue plage de résidus fin, gris et pollué.
Le terrain est tellement stérile que presque rien n'y pousse depuis
30 ans...
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En face de Siscoe, de l'autre côté du lac De Montigny, c'est tout le contraire.
Fermé depuis 1968, la mine de Sullivan a connu une véritable révolution
verte. C'est une transformation toute récente. Pourtant, il y a à peine
un an, Sullivan ressemblait étrangement à sa voisine : la même plage grise,
les mêmes fossés, le même aspect désertique!
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La
petite histoire de Sullivan...
Durant 34 ans, on a extrait beaucoup
d'or à Sullivan. Un million et demi d'once d'or. C'était un
filon riche, qui a fait vivre des générations de travailleurs,
et créé un village prospère.
Pour
séparer l'or du minerai ramené à la surface, on a utilisé
des quantités importante de mercure puis de cyanure. Deux
produits très toxiques.
Une fois traité et sommairement nettoyé, le résidu était déversé
au bord du lac De Montigny. Progressivement,
les déversements ont créé une immense plage contaminée qui
fait aujourd'hui un kilomètre et demi de long...
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Johanne Cyr coordonne la restauration de onze sites miniers abandonnés
: «Le danger avec les résidus miniers, si on a des résidus sulfureux,
on va générer du drainage minier acide, avec le drainage minier acide
on retrouve des métaux lourds qui vont s'épandre un peu partout dans le
milieu environnnant: on va les retrouver dans les lacs, dans les rivières
dans les sédiments, on va contaminer la faune, la flore, c'est éventuellement
les nappes d'eaux souterraines qui risquent d'être contaminées avec les
métaux lourds. C'est un problème qu'il faut solutionner parce que c'est
éventuellement la santé humaine qui est à l'extrémité de tout ce processus
là».
Une partie
des produits toxiques se trouve encore là, sous les résidus. Trois dépôts
de mercure ont d'ailleurs été découverts en 1992. Les dépots ne se trouvent
pas en surface. Mais pour éviter que l'érosion entraîne progressivement
le mercure vers le lac, il fallait agir!
Comment
empêcher les polluants de se répandre dans le lac ?
D'abord, on a recouvert le terrain d'une couche d'argile d'une vingtaine
de centimètres.
Puis on a construit de grandes rigoles de pierre qui épousent le
relief naturel du terrain et facilitent l'écoulement de l'eau.
Mais
pour Pierre Bertrand, l'architecte de la restauration du site,
le véritable défi consistait à consolider la berge. Pour cela,
il a utilisé une technique ingénieuse, qui mêle la pierre
et les végétaux :
«On introduit une membrane, qui permettait de garder
de la matière organique à travers de la grosse roche (…) Alors
sans cette membrane, tout le matériel organique serait lessivé
à travers l'empierrement, ce qui rendrait impossible la repousse
de végétaux. On a donc mis du terreau, et à travers le terreau
on a entré ce qu'on appelle des «fagots» : des
branches généralement de saules ou de cornouillers montées
sous formes de «fagots» (...) des tiges linéaires
qu'on introduit dans le sol et qui ont la capacité de bouturer
très rapidement».
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Installé
il y a un an, les fagots sont maintenant bien enraciné. En principe, la
roche devrait bientôt disparaître sous les nouvelles repousses. En plus
d'avoir semé différentes variétés de graminés sur le terrain, on a planté
de jeunes arbres à l'abri de ces longues barrières faites de vieilles
branches: « (...) le matériel a été mis perpendiculairement aux
vents dominants, alors ça permet de créer derrière, c'est comme
une clôture : ça permet de créer une zone moins influencée par le vent,
car il faut penser au froid d'hiver, au gel , à l'assèchement (...) »,
indique Pierre Bertrand. Ces longues barrières de branches ont
d'ailleurs su vite attirer des visiteurs: «
Ça a permis à différentes espèces d'oiseaux d'utiliser immédiatement
ces débris là pour se percher, (...) dès le départ, à la suite des aménagements
»,
ajoute l'architecte.
L'objectif à long terme de Pierre Bertrand est simple : il veut
retourner le site de Sullivan à son état naturel et ramener les
animaux sauvages sur le terrain:
«
Ce qu'on souhaite dans cent ans, c'est que vous puissiez ne pas
reconnaître le site minier. Alors on peut imaginer des îlots
boisés, arbustives, des herbiers aquatiques seront développés, et
je pense que les stériles vont être masqués à tout jamais à ce moment
là (...) Normalement, vous devriez vous perdre dans la nature!»
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Sullivan est un succès. Mais pour un seul site restauré, des dizaines
d'autres sont laissés à l'abandon ailleurs au Québec : «Il reste
environ 80 sites qu'on considère abandonnés parce que les propriétaires
sont soit complètement disparus ou non solvables. Sur ces sites, il y
en 15 qui ont été jugés prioritaires. Il y a des problématiques de drainage
miniers acides, ou des processus d'érosion très importants qui devront
être restaurés à très court terme», souligne la chimiste Johanne
Cyr.
Tout
près de Val-d'Or, on travaille à restaurer East Sullivan, un parc de résidus
géant... East Sullivan a une superficie de 228 hectares. Sur le plan environnemental,
c'est un désastre. Abandonné au début des années 70, le site déverse d'énormes
quantités de rejets acides dans la petite rivière Bourlamaque. Depuis
1989, on enterre le dépôt de East Sullivan sous une épaisse couche de
résidus forestiers. Et c'est loin d'être terminé. À la longue,
cette couche très étanche va imperméabiliser le terrain. Éventuellement,
l'eau ne pourra plus atteindre les sédiments contaminés et les lessiver
dans la rivière et la nappe phréatique. En attendant, un système de fossés
transporte le trop plein de rejets acides vers un marais épurateur. On
utilise également les boues de l'usine d'épuration de Val d'or pour sceller
le terrain. Ces boues, très concentrées, font un excellent engrais naturel.
Pour éviter
d'autres dégâts comme East Sullivan, la nouvelle loi sur les mines force
maintenant les compagnies à gérer leurs déchets miniers et à traiter leurs
eaux contaminées. Mais également à planifier la restauration du terrain
le jour où la mine fermera. Mais pour tous les sites abandonnés avant
la nouvelle loi, c'est encore nous, qui devront payer la note...
«On
estime à 40 millions les montants d'argent qui seront nécessaires
pour restaurer ces sites là. Le Gouvernement du Québec est prêt
à faire la restauration mais pour financer les projets, il faut
la collaboration de l'industrie et possiblement celle du gouvernement
fédéral»,
estime Johanne Cyr.
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Heureusement, on ne manque ni d'imagination, ni de volonté. À preuve,
ce ruisseau qui traverse le parc de résidus de l'ancienne mine de Wood
Cadillac, près de Malartic. Depuis une cinquantaine d'années, il transporte
des tonnes de résidus contaminés à l'arsenic en aval, jusqu'au lac Preissac.
Cet automne, on a entrepris de lui creuser un nouveau lit, qui contourne
maintenant le site contaminé. C'est un ouvrage de trois kilomètres et
demi de longueur, qui épouse parfaitement la géographie du terrain. Au
printemps prochain, si tout va bien, le nouveau ruisseau transportera
une eau propre vers le lac. On appelle ça du génie écologique. Et c'est
toute la nature qui en profite!
Journaliste
:
Normand Grondin
Réalisateur: Pascal Gélinas
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