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Bonjour, je m'appelle Jeremy »
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Comme
dans toutes les familles, chez les Sarrazin-Zimmer. on se rassemble,
on joue, on se raconte des histoires. Mais Jeremy et ses parents sont
sourds profonds, alors ils s'expriment par signes. C'est un peu mystérieux.
Est-ce que c'est du mime ? Est-ce que c'est un vrai langage ?
La
Langue des signes du Québec : la LSQ
Une langue aussi riche et complexe
que n'importe quelle langue orale. C'est une vraie langue.
Elle est née spontanément d'un besoin fondamental de
communication.
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« Avant
les gens pensaient que le cerveau avait besoin d'un langage oral, que les
sons et le larynx, c'était l'essence du langage. Mais les recherches linguistiques
récentes montrent que le cerveau se fiche complètement de savoir si c'est
ça (elle signe) ou si c'est « papa » ou ça (elle signe). Les
yeux conduisent aussi aux centres du langage, les mains servent aussi à
l'expression du langage», - affirme Rachel Mayberry, psycholinguiste,
à l'Université McGill.
Les
langues des signes partagent plusieurs caractéristiques
avec les langues orales:
- La
structure des mots et des phrases est complexe.
- On
peut aussi former un nombre infini de mots à partir d'un
nombre limité de signes. Les signes eux-mêmes sont complexes.
- Leur
sens vient non seulement de la forme
de la main, mais aussi de l'endroit où elle est placée,
de son mouvement, ou encore de l'expression du visage.
On peut même chuchoter en faisant de tout petits signes.
Et
même si certains signes ont l'air de mimer la réalité, la
plupart sont totalement arbitraires!
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Les
langues des signes sont loin d'être des systèmes de communication rudimentaires.
Patrick Boudreault et Pamela Witcher travaillent à l'Université McGill dans
un groupe de recherche en psycholinguistique. Les concepts qu'ils manient
tous les jours sont abstraits et très complexes.
Pourtant,
pendant longtemps, les langues des signes n'étaient pas considérées comme
des vraies langues. La société avait honte de ses sourds. On les obligeait
à parler ou à utiliser des langues artificielles comme le français signé,
une traduction littérale du français en signes. C'est un moyen de communication
lourd, inventé par les entendants, et qui n'a rien d'une langue naturelle.
Par exemple, dire une phrase en français signé prend deux fois plus de
temps qu'en Langue des signes québecoise (LSQ) : «Il semble
bien que les langues naturelles obéissent à un principe d'économie qui
fait qu'un message doit être livré dans un laps de temps pas trop long.
Si le message s'étend sur une trop longue période, la compréhension diminue»,
Astrid Vercaingne-Ménard, linguiste à l'UQAM.
Les
langues des signes utilisées à travers le monde sont toutes
différentes les unes des autres. Il n'existe pas de langue
des signes internationale.
Par exemple au Québec, il y a deux langues des signes : la
LSQ, utilisée dans les milieux francophones, et la Langue
des signes américaine, ou « ASL », utilisée dans
les milieux anglophones.
Mais
détrompez-vous : aucune de ces langues ne correspond au français
ou à l'anglais, ce sont des langues distinctes.
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Pour
un enfant sourd, apprendre sa propre langue peut devenir un véritable
défi. Pourtant c'est capital, puisque c'est tout son développement intellectuel
futur qui est en jeu. En fait, le développement du cerveau est intimement
lié à l'acquisition du langage. Apprendre à parler, c'est un peu comme
apprendre à marcher, un long processus par étape, quelle que soit la langue.
Tout est question de stimulation: «Si le bébé est exposé à des
signes par ses parents, le développement de son langage est comme celui
d'un bébé entendant normal : il va babiller avec ses mains avant de parler,
il va dire ses premiers mots «maman» (elle signe), puis il
va mettre deux mots ensemble «ma maman» ou «mon papa»
(elle signe). Mais si l'enfant n'apprend pas à signer, on se retrouve
dans une situation très particulière où l'enfant n'a pas de langage»,
affirme Rachel Mayberry.
C'est une question qui préoccupe les chercheurs comme Patrick Boudreault
: «On remarque que dans la population sourde en général il y
a des personnes qui parlent très bien en langue des signes et d'autres
moins (...) Ceux qui ont eu des parents sourds sont meilleurs en langue
des signes que ceux qui l'ont appris plus tard. Nous on s'est basés sur
l'analyse grammaticale, et la conclusion à laquelle on est arrivés c'est
qu'il est important d'apprendre la langue des signes tôt».
Le petit
Jeremy a la chance de vivre dans un environnement familial très stimulant.
Sa mère utilise la Langue des signes du Québec et son père la Langue des
signes américaine. Jeremy apprend donc les deux langues en même temps.
Mais tous les enfants sourds n'ont pas cette chance: « Seulement
10% des enfants sourds ont des parents sourds. La plupart ont des parents
qui entendent et ne savent pas signer. Souvent ça prend du temps avant
qu'ils découvrent que l'enfant est sourd. On va d'abord essayer de lui
apprendre à parler, et c'est seulement quand on voit que l'enfant ne peut
pas, qu'on va lui apprendre à signer. Beaucoup d'enfants sourds ne vont
pas acquérir leur langue avant 6, 7 ou 8 ans. Mais un enfant entendant
de 8 ans a déjà toute sa grammaire, il sait lire et écrire»,
précise Rachel Mayberry.
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Pour
un enfant sourd, être privé de langage pendant les premières
années de sa vie a des répercussions dramatiques. Plus
il apprend sa première langue tardivement, plus il aura
de mal à la maîtriser parfaitement.
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Alors
imaginez ses difficultés pour apprendre une deuxième langue,
le français par exemple, pour laquelle il n'a aucun repère
auditif!
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Au
Québec, 80 % des 50 000 sourds profonds sont d'ailleurs
analphabètes.
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Dans une
classe de l'école Gadbois, certains des enfants ont quelques restes auditifs,
d'autres ont des implants cochléaires, d'autres enfin sont des sourds
profonds. Ils maîtrisent donc la LSQ et le français écrit à des degrés
très divers. Jeremy a été stimulé très tôt en langue des signes. Toutes
les chances sont donc de son côté. Toute sa vie, il va pouvoir exprimer
ses besoins et comprendre ceux des autres. En un mot, communiquer. Il
n'aura aucun handicap au plan de la communication.
Journaliste stagiaire:
Anne Fleischman
Réalisatrice: Hélène Naud
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