Le 6 mai 2001

Le casque de vélo

Quatre millions de Québécois utilisent régulièrement le vélo soit comme moyen de transport ou de façon récréative. Mais seulement un peu plus du quart, soit 27 %, portent un casque de protection. Malgré le fait qu'il y a eu deux commissions parlementaires au Québec, il n'y a pas encore de lois sur le port obligatoire du casque. Mais le casque de vélo protège-t-il vraiment la tête du cycliste?

« Votre cerveau est précieux, et il ne se répare pas, nous dit le Dr Ronald Denis, traumatologue à l'Hôpital du Sacré-Cœur. Vous vous fracturez une jambe on peut vous la réparer, vous vous brisez la rate, vous vous traumatisez le foie, on peut réparer tout cela! Mais le cerveau, on ne peut pas vous le réparer, c'est impossible. Et même chez des traumatismes crâniens légers, il y a des séquelles. »

Le Dr Ronald Denis est responsable du programme de traumatologie à l'Hôpital du Sacré-Cœur. Il est l'un de ceux qui a pris position en faveur du port obligatoire du casque de vélo. Mais il admet que le casque ne protège pas de tous les traumatismes crâniens : « Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que si vous comparez les patients qui portaient un casque, et ceux qui portaient pas un casque, et que vous évaluez les lésions; ceux qui en portent sont beaucoup mieux protégés et ont beaucoup moins de séquelles. C'est tout ce qu'on peut vous répondre. On peut pas vous dire le casque, si tu te fais frapper à telle vitesse, il va te protéger, non. »

Comme tous les casques, le casque de vélo n'offre pas un protection absolue. Mais protège-t-il suffisamment? La norme canadienne stipule qu'un casque doit résister à un impact d'une énergie de 80 joules.

Louis Garneau est le plus important manufacturier de casques de vélo au Québec. Avant de mettre ses casques sur le marché, ce manufacturier utilise un banc d'essai pour vérifier s'ils répondent à la norme. On place le casque sur une tête métallique. On laisse ensuite tomber la tête sur cet enclume d'acier à une vitesse d'environ 20 kilomètres à l'heure.

« Sur un casque qui a subit plusieurs impacts frontals, nous explique Denis Gingras, ingénieur chez Louis Garneau, on peut voir, si on retire le micro plastique, toute la déformation que le casque a subi, donc l'énergie qui a été absorbée par le casque. Cette énergie a été absorbée par le casque et pas par la tête du cycliste. »

C'est donc la coquille de polystyrène qui protège la tête. La coquille extérieure, fabriquée de micro plastique n'est pas seulement décorative. Sa surface lisse permet de glisser lors d'un impact, minimisant les fractures cervicales. Mais lorsqu'un casque répond à la norme, est-ce qu'il protège vraiment le cycliste d'un impact de 20 kilomètres à l'heure?

« Lorsque l'on traduit ça dans l'environnement, c'est une autre chose, précise Denis Gingras. Qu'est-ce qu'on va frapper? Est-ce qu'on va frapper une voiture? Est-ce qu'on va frapper un gros camion, ou est-ce qu'on va simplement frapper un arbre? Toutes ces données influencent énormément le type d'impact que l'on va recevoir. Il est certain que le port du casque protège de façon significative. Cependant, le type d'impact se produisant dans l'environnement est très difficile à définir en laboratoire. »

En pratique, le casque protège mieux la tête dans des accidents à basse vitesse que dans le cas de collisions avec un véhicule. Si les normes ont leurs limites, c'est que le casque de vélo est le résultat d'une série de compromis. Prenons le casque qui offrirait la plus grande protection: le casque pour motocycliste. Imposant mais pas très commode pour faire du vélo! Il a donc fallu le raccourcir, le perforer - pour permettre une aération -, et utiliser des matériaux plus légers.

Jean-François Pronovost est directeur général de Vélo Québec, le plus important groupe de promotion du vélo de la province. Selon lui, le casque peut, dans certaines conditions, prévenir un traumatisme crânien chez un cycliste. Mais l'effet du port du casque sur toute une population est presque impossible à déterminer : « Il est très difficile actuellement de faire une équation directe entre l'équipement de protection qui est le casque et la réduction des traumatismes et des blessures, il n'y a pas d'étude qui le démontre clairement. »

En fait, selon les études, d'autres facteurs comme l'adoption de lois sur la sécurité routière, réduirait tout autant le nombre de traumatismes graves et de décès. Mais il n'en reste pas moins qu'au Québec - l'an dernier - 22 cyclistes sont morts. Près de la moitié étaient des adolescents de moins de 15 ans. Surtout dans des accidents impliquant une voiture et un cycliste qui ne portait pas de casque.

Marjolaine Letang aurait pu être de ce nombre. Un jour de juillet 1997, elle décide d'aller rejoindre des amis en vélo. Elle met son casque pour sortir, mais une fois éloignée de la maison, comme beaucoup d'adolescents, elle décide de l'enlever. À l'intersection d'un boulevard, elle évalue mal ses chances et un véhicule la heurte. Trois ans plus tard, elle a des dommages permanents, dont des maux de tête et d'importantes pertes de mémoire. Avec son orthopédagogue Roseline Lefebvre, elle apprend des techniques pour compenser ses pertes de mémoire.

Selon son médecin, si elle avait porté son casque, ses séquelles auraient été moins importantes. Marjolaine Letang est comme la majorité des adolescents : ils ne veulent tout simplement pas porter de casque. Et quand ils le portent, il est souvent mal placé sur la tête ou tout simplement pas attaché. Un casque mal attaché ne permet pas d'absorber l'énergie de l'impact lors d'une collision.

« Chez les enfants, le casque se désajuste très facilement; les petits coussinets que l'on met à l'intérieur des casques, les enfants jouent avec et peuvent les perdre assez rapidement. Donc, il faut s'assurer d'un bon contrôle des équipements, nous explique M. Pronovost. »

Récemment, de nouvelles sangles permettent un meilleur ajustement, plus confortable et plus sécuritaire. Mais le casque de vélo reste un élément parmi d'autres faisant partie d'une stratégie globale qui vise à réduire le nombre de traumatismes crâniens : pistes cyclables, signalisation, lois sur l'alcool au volant, l'éducation. Des mesures qui s'ajoutent au libre choix afin de protéger l'organe le plus précieux : notre cerveau!

Journaliste : Michel Rochon
Réalisatrice : Chantal Théorêt
Adaptation pour Internet : Jean-Charles Panneton

Hyperliens pertinents :

Ministère des Transports du Québec

Vélo Québec