Le 14 janvier 2001

La puberté précoce

La médecine a toujours reconnu qu'une petite fille qui commençait sa puberté avant 8 ans était précoce. Or, il s'avère que ça n'est plus le cas. Il faut maintenant réévaluer ce seuil à 6 ou 7 ans et il semble que tout cela soit bien naturel.

Au début du XXe siècle, l'âge moyen de la puberté chez les filles était beaucoup plus près de 12 ou 13 ans et les premières menstruations se déclenchaient vers 14 ou 15 ans. Cet âge moyen a reculé à 9 ou 10 ans au fil des ans à cause entre autres d'une meilleure nutrition chez nos jeunes . Meilleure nutrition signifie plus de calories et le corps attend d'avoir une certaine réserve d'énergie (et masse graisseuse) pour déclencher le processus de la puberté. Mais alors que la médecine a toujours considéré qu'une puberté était précoce si elle commençait avant 8 ans, il semble qu'il faille maintenant réévaluer ce seuil à 6 ou 7 ans! (On ne traite que du phénomène chez les filles car la puberté précoce est très rare chez les garçons et est presque toujours reliée à une pathologie).

À 6 ou 7 ans, on saute à la corde à danser, on joue à la marelle ou encore à la poupée. On est loin de penser aux transformations de son corps et aux menstruations. Et pourtant ça peut arriver! Une puberté normale peut bien se produire n'importe quand après l'âge de 6 ans et demi, ou 7 ans pour les jeunes filles d'origine européenne de race blanche.

Ce que le Dr Barnes de l'Hôpital de Montréal pour enfants entend par « puberté », ce ne sont pas uniquement les menstruations. Il parle plutôt de ces premiers signes qui indiquent que le corps est en train de se transformer.

Le processus est déclenché au cerveau par l'hypophyse qui envoie le signal aux ovaires de commencer à produire de l'œstrogène. Ce phénomène entraîne d'abord le développement des glandes mammaires et la formation d'une petite saillie du mamelon.

Puis, c'est l'apparition du duvet pubien et des poils aux aisselles. Pendant ce temps, les organes comme l'utérus et les ovaires se développent sous l'influence de l'estrogène qui commence à circuler dans le corps. Les menstruations elles, ne se déclencheront que deux ou trois ans plus tard.

La médecine a cru pendant longtemps que le début de la puberté devait se produire au plus tôt à compter de 8 ans. Avant cet âge magique, on parlait de puberté précoce et on la considérait souvent comme une anomalie.

« On les voit à la clinique avec leurs parents et selon nos standards d'autrefois on leur donnait tous un diagnostic de puberté précoce bien que dans la majorité des cas on a pu rassurer pour dire que c'est juste un peu plus tôt que la zone normale et qu'on peut quand même les laisser tranquille, nous dit M. Barnes. Mais finalement on s'est posé la question aux États-Unis, est-ce que 8 ans c'est vraiment la division propre et finalement la réponse est non, c'est plus tôt.

Certains ont soulevé l'hypothèse de la pollution ou de l'ajout d'hormones à la nourriture. Mais, ils semble que la raison serait surtout dû à un manque de données : La majorité des études pour déterminer l'âge moyen de la puberté depuis 1948 ne comportaient pas d'enfants âgés de moins de 8 ans. Or en 1997, des chercheurs américains décidaient d'examiner le phénomène chez plus de 17,000 fillettes âgées de 3 à 12 ans.


Les résultats sont surprenants : à 7 ans, 6,7 % des fillettes de race blanche montraient déjà des signes de développement des seins et des poils pubiens. À 8 ans, ce taux passait à près de 15 %. On en conclut qu'une puberté est considérée précoce avant l'âge de 6 ans.

« On a pu constater qu'il y avait bon nombre de jeunes filles qui avaient leur puberté nettement avant l'âge de 8 ans et on les laissait tranquilles puis elles étaient en parfaite forme, il n'y avait rien de mal, nous dit M. Barnes. »

La médecine ne s'explique pas encore ce qui déclenche le processus de la puberté et encore moins pourquoi il se manifeste plus tôt que prévu. Ce que l'on sait cependant c'est que la puberté précoce peut avoir une incidence sur la croissance des os.

Dans les premières années de sa vie l'enfant va grandir sous l'influence des hormones de croissance. C'est la croissance pré-pubère . La puberté va amener une poussée de croissance, sous l'influence de l'estrogène qui commence à circuler. L'estrogène est responsable de l'allongement des os, de leur densité et aussi de leur maturation, c'est-à-dire de l'arrêt de la croissance. Chez l'enfant qui commence sa puberté plus tôt que la moyenne, la croissance va aussi se terminer plus tôt : « Ce que nous retrouvons maintenant c'est que les jeunes filles qui ont leur puberté commencent un peu plus tôt que la moyenne, ce qui est quand même toujours normale. Elles ne perdent pas nécessairement un grand nombre de centimètres, c'est toujours difficile à prévoir parce que nous n'avons pas de jumelles pour chaque enfant pour déterminer où elle aurait pu se trouver mais l'idée en général c'est que ça dépasse probablement pas plus que 3, 3 centimètres de variation si notre puberté commence un peu tôt ou un peu tard. »

Et c'est là que la question se pose : doit-on traiter ou pas? Doit-on administrer une injection d'hormone toutes les 3 ou 4 semaines à l'enfant qui connaît une puberté précoce pour ne pas perdre quelques cm de grandeur. Cette dose d'hormone va empêcher l'hypophyse de stimuler les ovaires et ainsi va stopper momentanément le phénomène de la puberté tout le temps que durera le traitement.

Par ailleurs, les médecins se demandent si ces traitements ont finalement l'impact recherché sur la grandeur de la jeune fille . Quant à savoir si la fillette de 5 ou 6 ans peut souffrir de voir son corps se transformer et se sentir différente de ses amies, le Dr Barnes croit plutôt que ce sont les parents qui ont plus de mal à accepter les transformations chez leur fille.

« J'ai l'impression que nous pouvons faire beaucoup plus de dommages en essayant de convaincre cette jeune fille qu'il y a quelque chose qui ne va pas, il faut donner un diagnostic médical à quelque chose de naturel et qu'il faut donner une injection dans les fesses à chaque mois pour supprimer quelque chose qui est entièrement normal, nous dit le Dr Barnes. L'aspect psychologique de tout cela m'effraie un peu plus que l'aspect de devoir se préparer pour des changements physiologiques naturels. »

Et puis, il y a le passage à l'adolescence! C'est peut-être celui qui finalement donne le plus de sueurs froides!

Journaliste : Hélène Courchesne
Réalisatrice : Chantal Théôret
Adaptation pour Internet : Jean-Charles Panneton