Le 3 décembre 2000

La grenouille xénopus

Originaire des marécages d'Afrique du Sud, elle a conquis les laboratoires du monde entier. Elle fut le premier vertébré cloné. Elle a même fait le grand saut dans l'espace à bord d'une navette spatiale américaine. Et aujourd'hui, elle révèle aux hommes la fonction des gènes. Place à la pionnière du clonage, à l'amphibien de l'espace, à l'étonnante et sautillante grenouille Xénopus.

Le premier vertébré cloné, bien avant la brebis Dolly ou le taureau Starbuck , fut une grenouille Xénopus durant les années 1950. Ce fut elle qui a ouvert la voie au clonage chez les vertébrés.

La grenouille Xénopus possède des cuisses puissantes et un corps d'athlète. Elle est une championne à sa façon. Native des marais d'Afrique du Sud, elle a su conquérir en quelques décennies les laboratoires du monde entier. Elle a même fait le grand saut dans l'espace. À bord d'une navette spatiale américaine, elle a goûté aux joies de l'apesanteur.

Ce n'est pas d'hier que les grenouilles font bon ménage avec la science. Le regretté biologiste Jean Rostand fut l'un des premiers à manifester son amour des grenouilles. Durant les années 1960, à l'émission Le sel de la semaine, il s'était fait le chantre des grenouilles : « On peut étudier chez la grenouille tous les problèmes, disait alors Jean Rostand. Les gens croient que la grenouille est un petit sujet mais ce n'est pas un petit sujet. Il y a tout la biologie dans la grenouille. On peut étudier les cellules, les spermatozoïdes, les ovules, la parthénogenèse, etc. Enfin, même la mutation et l'hérédité. On peut tout étudier sur la grenouille. »

Aujourd'hui, c'est l'hérédité, rebaptisé génétique, qui intéresse les chercheurs. Grâce à la grenouille Xénopus, on veut percer le mystère des gènes. Au Québec, la grenouille Xénopus a pris d'assaut l'un des temples de la recherche : le Centre de recherche en cancérologie de l'Université Laval à Québec. À l'animalerie, les grenouilles Xénopus se reposent dans leurs quartiers sous l'œil du biologiste Tom Moss. Certaines sont albinos, alors que d'autres affichent sans retenu leurs couleurs. Ces amphibiens vivent longtemps et facilement en laboratoire. Plusieurs ont plus de dix ans.

« Les grenouilles viennent d'Afrique du Sud, et restent généralement dans l'eau . Elles voyagent la nuit apparemment. Par contre, on peut les garder dans le laboratoire facilement dans l'eau tout le temps. Elles sont habituées à cela et elles ne veulent pas nécessairement sortir. »

La grenouille Xénopus a su s'attirer les faveurs des scientifiques grâce à ses étonnantes qualités de pondeuses. Les œufs de la grenouille Xénopus sont très gros. Ils sont noirs et blancs. On dirait de petites boules de billard. Après la ponte, ils s'agglutinent entre eux, formant une sorte de gelée.

« L'amphibien a un œuf beaucoup plus gros qui se développe à l'extérieur de l'animal et cela nous permet de suivre le développement, nous dit Tom Moss, ce qui est impossible chez l'homme. »

L'œuf de la grenouille Xénopus permet aux chercheurs de suivre le miracle de la vie en direct. Et Tom Moss ne se contente pas d'être spectateur. Il cherche à comprendre le rôle des gènes dans le développement de l'embryon. Il a mis sous microscope des œufs immobiles. Il attend la première division avant d'intervenir. Chacune des deux premières cellules donnera naissance aux côtés droit et gauche du corps de la future grenouille. La stratégie de Tom Moss est simple. Il injecte dans l'une des deux cellules le matériel génétique dont il veut connaître le rôle. Une opération peu compliquée qu'il répétera des dizaines de fois.

Pour découvrir le rôle des gènes injectés, il lui suffira de comparer les différences entre la moitié ayant reçu le matériel génétique et la moitié qui se développera normalement. Et cette comparaison peut se faire tout le long des nombreuses divisions que subira l'œuf. À mesure que les cellules se multiplient, on peut suivre le rôle des gènes ainsi que les subtils changements biochimiques et morphologiques qui s'opèrent.

Après une semaine, sous l'action des gènes, le miracle a lieu. Des têtards pleins d'énergie frétillent. On peut voir les yeux, le cœur, l'estomac. Obéissant aux gènes, ils continuent de se développer sous l'œil curieux des chercheurs. La grenouille Xénopus ne cesse de nous révéler le rôle de certains gènes dans la formation d'organes comme le cerveau, le cœur, les reins. Et ces connaissances sont précieuses à l'homme. Car plus on connaît la grenouille, plus on connaît l'homme : « La grenouille, en réalité, a tous les organes de l'homme, précise Tom Moss. Donc, la formation de ces organes est le même. Il y a de petites différences mais ce sont des différences minimes. »

Avec ses cuisses énormes, ses yeux proéminents et ses bras minuscules, la grenouille ne paie pas de mine. Et pourtant, en science, elle est depuis 60 ans, le miroir de l'homme.

 


Journaliste : Claude D'Astous
Réalisateur : Yves Lévesque
Adaptation pour Internet : Jean-Charles Panneton



 

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