Le 1er octobre 2000

Les hippocampes

Ils sont mystérieux, mi-cheval, mi-monstre marin. Ils sont romantiques pouvant se promener enlacés pendant des heures. Ils se jurent fidélité pour la vie : ce sont les hippocampes. Ils sont passés maîtres dans l'art du camouflage et de plus le mâle joue un rôle primordial : c'est lui qui est enceint. Pas surprenant que la biologiste de l'Université McGill, Amanda Vincent, en soit tombée follement amoureuse. Mais l'espèce est maintenant menacée par une pêche trop abondante et Amanda Vincent s'est donnée comme tâche de protéger les hippocampes.

Amanda Vincent est biologiste à l'Université McGill. Depuis 15 ans, elle passe une partie de sa vie sous l'eau pour observer les hippocampes. Elle est devenue l'experte mondiale en la matière : « Les gens me demandent sans arrêt pourquoi j'aime tant les hippocampes : c'est parce que je ne connais pas d'autre poisson qui vous tienne par la main. »

Les hippocampes sont aussi de grands romantiques. Tout en se laissant bercer par la vague, ils se jurent fidélité; ils sont monogames. Mais le plus spectaculaire, c'est que chez les hippocampes, c'est le mâle qui est enceint.

La femelle fabrique toujours les œufs. Mais, à un moment donné, elle les transfère au mâle, à gauche, dans une poche qu'il porte sur l'abdomen et qu'on appelle le marsupium; là, les œufs sont fécondés et se développent. Le moment du transfert des œufs est important ; au moindre faux mouvement, les oeufs peuvent tomber et sont perdus. Le mâle va ainsi porter ses bébés pendant 5 à 6 semaines. Puis il mettra ses petits au monde et ils peuvent être nombreux : « Je crois que le champion était un mâle que je connaissais qui s'appelait James. Et James était de la mer des Caraïbes. Il avait un marsupium de 8 ml, la moitié d'une cuillère à soupe. Et de ce marsupium est sorti 1572 jeunes. Il était le champion du monde! »

La femelle surveille de loin sa progéniture. Mais attention, elle risque de revenir dans l'heure qui vient avec une nouvelle provision d'oeufs et le tout recommence.

Grâce aux recherches d'Amanda Vincent, on sait aujourd'hui qu'il existe 32 espèces d'hippocampes . On en retrouve au large de la Nouvelle-Écosse jusqu'en Uruguay et de la Corée à l'Australie.

Une autre caractéristique qui rend l'hippocampe presqu'insaisissable c'est sa maîtrise de l'art du camouflage. Il s'agit d'un véritable défi pour les chercheurs!

« Vraiment, ils sont difficiles à trouver et je suis très fière de pouvoir les trouver toujours parce que c'est un de mes talents spécial. Pour les trouver, je cherche la queue, jamais les têtes parce qu'ils les cachent très bien. On cherche un petit bout de queue, nous dit Amanda Vincent. »

Malheureusement, c'est souvent dans les grands marchés orientaux que beaucoup d'hippocampes finissent leurs jours. Très prisé par la médecine chinoise plus de 20 millions de ces petits chevaux de mer s'envolent chaque année. On les retrouve sous forme de poudre, en capsule ou encore comme tisane. On pense guérir des maladies comme l'asthme ou des maladies du coeur . On lui prête aussi des vertus aphrodisiaques. Commerçants et pêcheurs sont bien conscients qu'ils affectent les stocks de poissons.

« Ils étaient tous conscients, les commerçants, les pêcheurs que le nombre d'hippocampes dans les populations exploitées avait diminué entre 15 et 50 %. Là où des études concentrées, plus dirigées ont été faites, les chercheurs ont découvert une baisse de 70 % en dix ans. Évidemment, avec ces pertes, il faut s'inquiéter, conclut Mme Vincent. »

C'est pour cette raison qu'elle est sortie de ses laboratoires et qu'elle a fait une sortie publique . Cela a donné lieu à la création du Projet hippocampe pour préserver l'espèce. Aujourd'hui, aux Philippines et dans d'autres pays, Amanda Vincent tente de trouver des solutions qui ne pénalisent pas les gens mais les aident à se prendre en main : « Nous travaillons avec les gens des villages pour qu'ils puissent faire mieux la gestion. On les aide à faire des études pour qu'ils puissent mettre en place des réserves marines où ils ne prennent rien et ces réserves peuvent servir comme source de poissons. »

Et, il faut également préparer la relève… Un programme de bourse d'études a été mis sur pied pour les jeunes. En retour, ceux-ci vont faire un stage en conservation marine. Comment ne pas déployer tous les efforts pour protéger un poisson aussi charmant, vieux de 40 millions d'années.




Journaliste : Hélène Courchesne
Réalisatrice : Francine Charron
Adaptation pour Internet : Jean-Charles Panneton

Hyperliens pertinents :

Projet hippocampe
Site officiel de Project Seahorse.
(En anglais seulement)

« Le Projet hippocampe : pour la conservation des ressources médicinales marines »
Article de Jennifer Pepall publié dans le magazine Explore du Centre de recherches pour le développement international du Canada (CRDIC).


« L'hippocampe, victime des médecines asiatiques et de son romantisme »
Article de Frederic Therin publié sur le site du quotidien français Le Monde.

 

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