«Soldats, du haut
de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent.» Cette harangue bien
connue de Napoléon illustre sa fascination pour le faste de l'Égypte antique.
Les vestiges de cette civilisation sont d'une richesse prodigieuse. Des temples aux statues colossales, des personnages aux têtes d'animaux, des œuvres d'un grand raffinement. Et partout, sur les murs et sur les monuments, une écriture étrange, dont les caractères sont empruntés aux éléments de la vie quotidienne : parties du corps, animaux, ustensiles. Une écriture indéchiffrable.
Mais au 4e siècle après Jésus-Christ, on ferme les temples, on interdit le culte des dieux millénaires, comme Rê, Isis et Osiris. Les chrétiens dominent maintenant l'Égypte. Désormais, plus personne n'écrit en hiéroglyphes. Le secret de cette écriture se perd.
Pendant plus de 1000 ans, le sable du désert ensevelira les restes d'une civilisation somptueuse.
Napoléon les a recrutés pour le conseiller sur la bonne marche des opérations militaires, mais surtout pour entreprendre l'étude scientifique de l'Égypte ancienne et moderne.
Cette initiative du général va révolutionner l'égyptologie. À l'époque, l'Égypte est à la mode. Des collectionneurs d'antiquités la vident de ses trésors pour en remplir les musées. Mais l'essentiel de la civilisation égyptienne échappe à la compréhension. Car même les grands savants qui accompagnent Napoléon sont analphabètes face à l'écriture égyptienne.
Dès le premier coup d'œil, on remarque les caractères de trois écritures différentes : les hiéroglyphes, une écriture indéfinissable, et enfin, l'écriture grecque, qui donnera la clé de l'énigme.
Les savants de l'expédition entreprennent de déchiffrer le texte grec. C'est un décret du jeune pharaon d'origine grecque Ptolémée V, qui veut assurer son pouvoir.
Il est un dieu fils de dieu et de déesse, quelqu'un dont le cœur est bénéfique envers les dieux, quelqu'un qui a donné toutes sortes de bonnes choses pour faire qu'advînt la paix en Égypte, quelqu'un qui a aussi donné des récompenses à l'armée entière.
Taxes et impôts qui avaient cours en Égypte, il les a éliminés ou supprimés.
Les dieux lui donnèrent en échange de cela force, victoire, vaillance, prospérité, santé et tous les autres bienfaits…
"Qu'on inscrive ce décret sur une stèle de pierre dure en écriture sacrée, en écriture documentaire et en écriture grecque et qu'on la fasse dresser dans les temples."
Un texte, trois écritures. Tous les éléments sont en place pour enfin élucider le mystère des hiéroglyphes. On s'empresse de faire des copies de la pierre de Rosette, pour faciliter le travail des scientifiques.
Au musée Redpath, à Montréal, il y a une copie de la stèle. C'est un moulage en plâtre, qui reproduit parfaitement les caractères gravés dans la pierre originale.
Nous allons tenter de vous en présenter les principaux éléments… en quelques minutes. Allons-y!
En français, un chat et un grain pourraient représenter le mot chagrin.
En anglais, le mot belief (croyance) , pourrait s'écrire avec une abeille (bee) et une feuille (leaf).
Extrait d'entrevue avec Michel Guay:
"C'est une représentation de la déesse Maat, une déesse très importante de la civilisation égyptienne. Ça représente la justice, la vérité, l'ordre social. D'ailleurs, le pharaon était supposé agir en fonction de Maat. On voit la déesse, mais en haut de son visage, à gauche, on voit son nom écrit en hiéroglyphes. Une expression qui la définit bien. Ça se lit Maat sat rê, c'est-à-dire Maat, la fille de Rê."
En-dessous du mot Maat, il y a un dessin qui représente la déesse. Ce signe ne se prononce pas. Il précise le sens du mot Maat.
L'écriture en hiéroglyphes a aussi ses règles de grammaire, comme le français.
Alors nous avons d'abord Maat et ensuite, nous avons le soleil, le canard et un autre t. Alors le canard, c'est le son sa, qui représente le mot fils. Or, nous avons le féminin de fils, c'est fille. Le féminin de sa, c'est sat.
Et puis, on a le soleil, qui est juste en haut du canard. Et c'est pas pour rien. C'est pas écrit Maat sat Rê. C'est écrit Maat Rê sat. Pourquoi? Parce qu'on a fait une inversion du signe par respect pour le dieu Rê. On l'a mis avant la déesse, tout simplement.
Au musée Redpath, à Montréal, on peut voir ce cercueil vieux de près de 3000 ans. En plus des inscriptions funéraires rituelles, le texte en hiéroglyphes mentionne le métier de celui qui y est embaumé. C'était un serviteur du culte du dieu Amon.
"L'écriture nous a permis d'entrer en contact dans le fond avec les gens de l'époque, de toutes les périodes.
Par exemple les grandes batailles que les pharaons ont menées, les empires qu'ils ont conquis, les stèles qu'ils ont laissées un peu partout dans le désert, signalant leur passage, par exemple. Ça nous permet par conséquent de rentrer dans la vie politique, dans la vie économique, dans la vie sociale, dans la vie quotidienne des gens."
Deux siècles après la campagne d'Égypte, la civilisation égyptienne est encore loin d'avoir livré tous ses secrets.
D'un point de vue militaire, l'aventure est un demi-échec : la flotte est anéantie, l'armée est décimée par la peste, les populations locales sont en constante rébellion. Un an après le débarquement, Napoléon abandonne ses hommes et retourne en France.
Le véritable butin de la campagne d'Égypte a été scientifique. Par leurs dessins et leurs récits, les savants qui accompagnaient Napoléon ont révélé le nombre et la grandeur des monuments antiques de l'Égypte. Et sans le déchiffrement des hiéroglyphes, grâce à la pierre de Rosette, la civilisation égyptienne n'aurait jamais pu être comprise.
Peu à peu, il s'empare de tous les leviers du pouvoir, entreprend de conquérir l'Europe et se sacre lui-même empereur.
Peut-on imaginer que son séjour au pays des pharaons a nourri son insatiable ambition?
Ancient Egypt The
hieroglyph translator
Le secret des hiéroglyphes
Le 21 novembre 1999
Transcription
Site du British Museum sur l'Égypte ancienne. En anglais.
Site du Royal Ontario Museum.
Un amusant traducteur de hiéroglyphes. En anglais.