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ChroniqueLa Coupe Telus, la machine à saucisses du hockey

Un arbitre se prépare à déposer la rondelle pour une mise au jeu.

La finale du tournoi opposait cette année Magog à Brampton.

Photo : Radio-Canada / Francois Leblanc

Est-il acceptable, dans un cadre de haute compétition, de laisser des hockeyeurs et des hockeyeuses disputer sept matchs en sept jours?

Les Cantonniers de Magog, de la Ligue M18 AAA, ont remporté la Coupe Telus dimanche en Nouvelle-Écosse. En finale, la formation québécoise a écarté les représentants de l’Ouest canadien, les Wheat Kings de Brandon, par la marque de 4-1.

Au sommet du hockey AAA canadien, les Cantonniers succèdent ainsi au Blizzard du Séminaire Saint-François qui avait remporté le titre à Saint-Hyacinthe l’an dernier. Après une inexplicable disette de 21 ans, les dirigeants de la Ligue M18 AAA voient donc l’une de leurs formations remporter le titre national deux années de suite et c’est une grande source de fierté.

En même temps, toutefois, il y a quelque chose de très anormal dans ce tournoi de la Coupe Telus : son calendrier est beaucoup trop chargé et ne tient pas compte des besoins de récupération des athlètes de 15, 16 et 17 ans qui y participent.


Au fil des saisons, on entend constamment les entraîneurs de la LNH admettre qu’ils s’attendent à une baisse de régime de leurs joueurs quand leur équipe réalise une séquence de deux matchs en deux soirs ou de trois matchs en quatre soirs.

Les instructeurs ont raison parce qu’il est impossible pour un athlète de se faire frapper, de bloquer des tirs, de fournir un effort maximal et de maintenir un haut niveau de concentration quand le temps de récupération qui lui est offert est insuffisant. Qui plus est, jouer dans un état de fatigue accru rend les athlètes plus susceptibles de subir des blessures.

Les joueurs du Blizzard sont alignés près du banc après un but.

Le Blizzard lors de sa conquête du championnat national l'année dernière.

Photo : Arianne Bergeron/Hockey Canada

Au tournoi de la Coupe Telus, Hockey Canada met les meilleurs jeunes hockeyeurs au pays dans des conditions extrêmes en leur imposant, tenez-vous bien, un calendrier de sept matchs en sept jours! J’ai beau fouiller et questionner des intervenants chevronnés du monde du hockey, il est extrêmement difficile de trouver un autre tournoi qui impose un fardeau aussi déraisonnable à ses athlètes.

À titre d’exemples, les équipes qui avancent jusqu’au bout de la phase des médailles au Championnat mondial junior disputent 7 matchs en 11 jours et les équipes finalistes de la Coupe Memorial jouent généralement 4 ou 5 parties en 9 jours.

En fait, le seul autre exemple de tournoi qui impose une séquence de sept matchs en sept jours à ses athlètes est aussi supervisé par Hockey Canada. Il s’agit de la Coupe Esso, le Championnat canadien féminin de hockey M18.

Tout cela nous mène à quelques questions importantes.

Les six équipes participant à la Coupe Telus la semaine dernière avaient toutes traversé de longs calendriers durant l’hiver et elles venaient toutes de conclure des séries éliminatoires exigeantes tant physiquement que mentalement dans leur ligue respective. Que pensait-on accomplir de positif en leur imposant une séquence de sept matchs en sept jours pour boucler leur saison?

Croyait-on placer les athlètes dans une situation favorisant l’exécution de leurs meilleures performances? A-t-on priorisé la santé et le bien-être des athlètes ou a-t-on plutôt choisi de compresser l’horaire pour des motifs économiques?

Ou encore pire : revient-on avec cette formule année après année parce qu’on a toujours fait les choses ainsi?C'est à peu près la meilleure réponse qu’on puisse offrir lorsqu’on souhaite freiner le progrès.


Après la victoire des Cantonniers, Jacques Émond m’a écrit dimanche pour me faire part de son indignation. Ex-gouverneur d’une équipe de la Ligue M18 AAA et détenteur d’une maîtrise en éducation, M. Émond a participé en 2016 à la rédaction d’un document affirmant la nécessité de modifier le calendrier du tournoi de la Coupe Telus.

Il est difficile de comprendre qu’on ait établi un tel programme de matchs sans tenir compte des particularités des personnes concernées, de la physiologie du sport, de ses principes, des dynamiques du processus de récupération. On ne semble pas se soucier de l'état physiologique et psychologique des jeunes hockeyeurs, indique M. Émond, qui trouve scandaleux que le calendrier de la Coupe Telus n’ait toujours pas été modernisé.

Préparé à l’initiative de la Ligue M18 AAA, le document de 2016 avait été remis dans les deux langues à Hockey Canada. Son contenu avait été inspiré par des témoignages d’organisateurs et de participants du tournoi de la Coupe Telus. L’argumentaire était par ailleurs appuyé par une riche documentation scientifique. Par-dessus le marché, les dirigeants de la Ligue M18 AAA y affirmaient carrément que le calendrier de la Coupe Telus allait à l’encontre de leurs valeurs, qui consistent à prioriser le bien-être des athlètes.

Les parents souhaitent que leurs jeunes sortent de la Coupe Telus non pas avec de l’épuisement, de la fatigue ou le vécu de contraintes qui réduisent la performance, mais avec un état d’épanouissement, de pratique du meilleur hockey possible, et une expérience positive, rappelaient-ils.

Par ailleurs, leur solution pour alléger l’horaire était incroyablement simple. Au lieu de forcer les six formations participantes à s’affronter au tour préliminaire, on suggérait de former deux groupes de trois équipes. Le tour préliminaire était ainsi réduit à deux matchs, et les quatre meilleures formations croisaient ensuite le fer en demi-finale, puis en finale ou dans un match pour la médaille de bronze.

Non seulement cette solution permettait-elle de réduire le nombre de matchs de sept à quatre, mais elle permettait aussi aux équipes d’arriver sur les lieux de la compétition une journée plus tard et de faire des économies importantes.


Le regretté président de la Ligue M18 AAA, Denis Baillairgé, estimait que la Coupe Telus était le tournoi le plus difficile à remporter du monde, mais pour les mauvaises raisons, à cause des exigences de son calendrier.

Huit ans plus tard, les nouveaux intervenants du hockey québécois n’ont pas changé d’avis.

Ces observations sur le calendrier de la Coupe Telus sont réfléchies et ceux qui le dénoncent ne le font pas seulement pour la forme. Aucune autre compétition n’est structurée de cette manière et ça n’a pas de bon sens pour les athlètes, affirme le directeur général de la Ligue M18 AAA, Yanick Gagné.

J’ai toujours trouvé que la Coupe Telus n’avait pas de bon sens. J’ai assisté à plusieurs compétitions internationales impliquant des joueurs de divers groupes d’âge ainsi qu’à des compétitions nationales comme les Jeux du Canada, et je ne comprends toujours pas pourquoi on laisse jouer sept matchs en sept jours à la Coupe Telus, raconte-t-il.

Jeudi dernier, les dirigeants des Cantonniers ont proposé des activités à leurs joueurs pour leur changer les idées et leur faire découvrir la région de la Nouvelle-Écosse où se déroulait le tournoi. Les joueurs ont refusé parce qu’ils voulaient se reposer.

Une citation de Yanick Gagné, directeur général de la Ligue M18 AAA

Dans ces circonstances, il est presque héroïque que les Cantonniers soient parvenus à remporter sept matchs en sept jours à la Coupe Telus. Seulement six autres équipes sont parvenues à réussir un tel tour de force dans l’histoire du tournoi.

Mais le fait demeure : ils n’auraient jamais dû avoir à disputer autant de matchs.

Par l’entremise de Hockey Québec, la Ligue M18 AAA entend continuer à rappeler l’état de la science et à plaider les bienfaits d’un calendrier allégé auprès de Hockey Canada. Puisse-t-elle un jour être entendue.

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