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L’émergence des hommes en natation artistique pour Paris 2024

Un nageur émerge hors de l'eau.

L'Espagnol Dennis Gonzalez Boneu à l'oeuvre lors des Championnats mondiaux, en juillet dernier, à Fukuoka au Japon.

Photo : Getty Images / Clive Rose

Présente aux Jeux olympiques depuis 1984, la natation artistique écrira une page d’histoire en faisant une place aux hommes à Paris en 2024.

Le Comité international olympique (CIO) entrouvre ainsi la porte aux hommes en natation artistique pour les épreuves par équipe. On pourra compter jusqu’à deux d'entre eux au sein d'un groupe de huit nageurs et nageuses.

Gilbert Émond, nageur récréatif médaillé sur la scène internationale, attend ce moment depuis plus de 40 ans.

Enfin, on normalise quelque chose qui existait avant, qui est revenu, mais qui a toujours existé. Il y a toujours eu aux États-Unis des championnats avec des hommes. Pour moi, ce sont des choses normales. Il faut apprendre à vivre dans la singularité, en sachant que je suis un des seuls adeptes au Canada, a dit celui qui a eu ses premiers contacts avec la discipline lorsqu’il étudiait à l’Université de Sherbrooke.

La présence masculine est déjà coutumière aux Championnats du monde depuis 2015. On y présente des épreuves en solo, en duos mixtes et en équipes mixtes.

Il est près d'une piscine.

Gilbert Émond, un pionnier de la natation artistique masculine au Canada

Photo : Radio-Canada / Étienne Bruyère

Ainsi, plusieurs pays présents à ces mondiaux sont prêts à répondre à l’invitation du CIO. Le Canada, s'il parvient à se qualifier pour les JO, n'aura pas de représentant masculin.

Nos meilleurs nageurs ont malheureusement passé l’âge de leurs meilleures performances, et la relève est à peu près inexistante. On ne compterait qu’une poignée de garçons répertoriés par Natation artistique Canada.

Du pain sur la planche

Ancienne membre de l’équipe nationale et entraîneuse dans un club récréatif montréalais, Nancy Bélanger attribue ce retard à la culture sportive nord-américaine.

Du bout des lèvres et à l’instar de Kasia Kulesza, elle-même ancienne nageuse et responsable du développement du programme masculin à Natation artistique Canada, il y a une image à déconstruire pour séduire la gent masculine.

Dans une société où des sports comme le hockey et le football sont encore synonymes de virilité et d’un certain machisme, il y a fort à faire pour changer les perceptions comme c’est encore le cas en gymnastique ou en patinage artistique.

C’est très malheureux. Il n’y a pas beaucoup d’hommes qui pratiquent la nage synchro en Amérique du Nord. Il y a eu Bill May aux États-Unis qui en a fait la promotion. Au Canada, nous n’avons pas eu notre Bill May, a souligné Bélanger, qui a d’abord nagé aux côtés de Sylvie Fréchette et qui est sortie de l’eau peu après les débuts de Jacinthe Taillon.

En Europe, ça fait longtemps que c’est ouvert, qu’il y a des équipes entièrement masculines. Je me souviens du jeune Marek Nosek, arrivé ici de Pologne. Pour lui, c’était tout naturel de voir des hommes en natation artistique. Ici, nous étions même surprises de voir un garçon s’intéresser à la natation artistique.

Il faut briser des barrières au Canada comme tel. Je pense qu’il y a aussi un travail de la part des fédérations provinciales. Elles s’y sont prises un peu tard pour faire la promotion des hommes en natation artistique. C’est comme si elles ne l’avaient pas vu venir.

Une citation de Nancy Bélanger, entraîneuse de natation artistique

Elle ajoute qu’il y a beaucoup d’enjeux en ce moment pour la natation artistique canadienne autre que la place à donner aux hommes.

On a des problèmes à se qualifier pour les Jeux olympiques. Les Jeux panaméricains sont passés et on n’est pas encore qualifiés pour les Olympiques. Il est possible que l’on rate la qualification. La natation artistique [canadienne] et les résultats descendent d’année en année.

Je pense qu’il y a un gros travail à faire au niveau de l’inclusion, comme au niveau de la promotion pour que l’on devienne plus compétitives.

Elle suit attentivement les actions des nageurs.

Nancy Bélanger entraîne des nageurs et nageuses de la catégorie des maîtres.

Photo : Radio-Canada / Étienne Bruyère

Pour Gilbert Émond, l’arrivée des hommes apporte énormément à son sport de prédilection. Mais trop peu a été fait au Canada pour amener les messieurs au plus haut niveau.

On a négligé cet aspect. Si on a vu des hommes, on s’en est servi comme poussoirs ou des faire-valoir pour la femme. Ça manque encore d’équité. Faire une routine, où l’homme et la femme s’expriment, en n’étant pas l’un au service de l’autre, ça demande de la créativité. On ne l’a pas encore vu en ballet, en patinage artistique ni en d’autres sports.

Une citation de Gilbert Émond, nageur synchronisé, catégorie maîtres

Pour lui, aujourd'hui professeur à l'Université Concordia, le rapport homme-femme, genré de cette manière, constitue la principale barrière qui a empêché les garçons de s’exprimer.

Nancy Bélanger espère que cette place faite aux hommes dans les épreuves par équipe l’été prochain à Paris ne soit qu’un premier pas, un test, vers une participation élargie.

On l’espère. Il faut quand même savoir que les compétitions de natations artistiques sont longues. C’est souvent un ou deux nageurs à la fois, une routine à la fois. Ça prend beaucoup de temps de piscine. Je pense que c’est pour ça qu’ils (le CIO) limitent les catégories, a-t-elle ajouté.

Recrues recherchées

Comme on le soulignait, les jeunes garçons intéressés par la natation artistique sont une denrée rare sur le continent nord-américain.

Au Québec, ils se comptent probablement sur les doigts de vos deux mains. Le club Performance Synchro de Saint-Eustache accueille de ces perles rares.

Matteo Doulas et Sébastien Fleury sont non seulement des coéquipiers, mais ils sont aussi cousins.

C’est par curiosité et parce qu’ils étaient à la recherche d’une activité qu’ils ont découvert leur sport en accompagnant la sœur de Sébastien à la piscine.

Deux garçons au bord d'une piscine.

Matteo Doulas et Sébastien Fleury

Photo : Radio-Canada / Étienne Bruyère

Le plaisir se lit dans leurs regards quand ils parlent de la natation artistique. La fierté est palpable. Et quand on leur demande d’aborder la réaction et le comportement de leurs amis à leur endroit, ils n’ont rien de particulier à signaler. Ils nagent, c’est tout. Ils ne sont victimes d’aucune moquerie.

Quand on leur souligne que les Jeux olympiques vont s’ouvrir aux hommes, ils se prennent aussitôt à rêver du moment où leur tour viendra.

C’est mon objectif, lance Matteo. Comme il n’y a pas beaucoup de garçons, ça me donne plus de chance d’y aller, renchérit Sébastien avec un large sourire.

Vous aurez compris que la réalisation du rêve olympique n’est pas pour demain. Il faut des années pour mener un athlète à un niveau de performance international.

Ça dépend de l’âge des garçons quand ils commencent à pratiquer. Ça dépend du background. Si on est capable d’attirer des garçons issus de la gymnastique ou du patinage artistique ayant une certaine base artistique, je pense que l’on peut faire quelque chose pour 2028, a soutenu Nancy Bélanger.

Si on prend l’exemple de Matteo et Sébastien, ils ont 10-12 ans, mais ils ne peuvent pas nager aux Olympiques avant l’âge de 18 ans. Compte tenu du temps qu’il faut pour les développer à leur maximum, on ne parle pas avant 2032.

L’avis de recherche est officiellement lancé.

Comme les Jeux de Paris offriront une première occasion de voir des hommes en natation artistique aux JO, cela pourrait inciter quelques jeunes garçons à tenter l'expérience.

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