•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Procès à New York : « Paie comptant », dit Trump dans un enregistrement soumis en cour

Donald Trump regarde devant lui.

L'ancien président Donald Trump à son procès criminel à New York, le 2 mai 2024.

Photo : Getty Images / Mark Peterson

Les jurés ont entendu retentir en cour la voix de Donald Trump jeudi dans un enregistrement d'une conversation réalisé à son insu par son ancien avocat Michael Cohen : l'ex-président américain y semble conscient des démarches destinées à acheter le silence d'une maîtresse présumée.

L'enregistrement, dont l'existence avait été révélée par CNN en décembre 2018, a capté une discussion qui semble concerner le versement fait à Karen McDougal, une ancienne playmate qui affirme avoir entretenu une relation avec Donald Trump entre 2006 et 2007.

Le premier témoin appelé à la barre la semaine dernière, l'ex-PDG du groupe de presse American Media Inc. (AMI), David Pecker, a raconté que son entreprise lui avait versé 150 000 $ US pour avoir les droits exclusifs sur son histoire dans le but d'enterrer un scandale qui aurait pu nuire à son ami Donald Trump.

Dans cette discussion qui date de septembre 2016, Michael Cohen semble parler entre autres de la société-écran qu’il comptait ouvrir pour rembourser le groupe de presse AMI.

Je dois ouvrir une société en vue du transfert [vraisemblablement d’argent] pour toutes ces informations au sujet de notre ami David, tu sais, je vais le faire tout de suite, dit-il. Et j'ai parlé à Allen Weisselberg de la façon de mettre tout ça en place, enchaîne-t-il, se référant à l’ancien directeur financier de la Trump Organization.

Donald Trump face à la justice

Consulter le dossier complet

Dessin de Donald Trump lors de sa comparution.

Donald Trump semble lui-même suggérer de payer 150 000 $.

Alors, qu'est-ce qu'on doit payer pour ça? 150?

Une citation de Donald Trump, entendu dans un enregistrement présenté en cour

Oui. [...] Et c’est [pour] toutes les choses, répond Michael Cohen. Au cours de son témoignage, David Pecker avait affirmé qu’il devait aussi lui rendre les documents liés à Karen McDougal au cas où il lui arriverait quelque chose.

Paie comptant, dit plus tard Donald Trump.

Non, non, non, je gère la situation, assure son ancien homme de confiance.

Le virement n'a ultimement pas eu lieu, a expliqué David Pecker lors de son témoignage. Le magnat des médias a lui-même décidé de ne pas se faire rembourser, craignant de faire l'objet de poursuites pour violations à la loi électorale fédérale.

La transcription de cette conversation a été déposée en preuve lors du témoignage d'un expert, Douglas Daus, qui a extrait les données des cellulaires de Michael Cohen. Les procureurs font alterner les comparutions des témoins qui ont joué un rôle dans cette affaire et celles des témoins dont la présence sert à présenter des documents en preuve.

Même si les accusations de falsification de documents portées contre Donald Trump dans ce procès ne sont pas liées au versement fait à Karen McDougal, les procureurs allèguent que l'achat de son silence permet d'expliquer le « plan criminel » fomenté par l'accusé « pour corrompre l’élection de 2016 ».

Karen McDougal, souriante.

Karen McDougal est une des femmes qui allèguent avoir couché avec Donald Trump.

Photo : Getty Images / Dimitrios Kambouris

Michael Cohen avait par ailleurs 39 745 contacts inscrits dans un de ses téléphones; 10 pages entières détaillaient des informations liées à Donald Trump, a indiqué M. Daus.

Le témoin a en outre authentifié une photo montrant Michael Cohen à la Maison-Blanche le 8 février 2017. Les procureurs allèguent que c'est à cette date que Donald Trump a convenu de rembourser Michael Cohen pour le paiement que ce dernier a versé à Stormy Daniels.

Cette dernière, une ancienne actrice de cinéma pornographique dont le vrai nom est Stephanie Clifford, a reçu 130 000 $ en échange de son silence par le biais d'une société-écran créée par Michael Cohen. Celui-ci a purgé une peine de prison pour son rôle dans les paiements faits aux deux présumées maîtresses de Donald Trump.

La défense attaque l’intégrité de l’avocat de Stormy Daniels

Plus tôt en journée, les avocats de Donald Trump ont mis en doute l'éthique de l'avocat de Stormy Daniels, Keith Davidson, qui témoignait pour une deuxième journée.

C'est lui qui, lors des négociations financières avec des alliés de M. Trump pendant la campagne électorale de 2016, a représenté Karen McDougal et Stormy Daniels.

Dans un contre-interrogatoire au ton hostile, les avocats de la défense lui ont notamment fait admettre qu'il avait dit à Michael Cohen que sa cliente perdrait son pouvoir de négociation s'il était défait.

Ils ont semblé sous-entendre que Keith Davidson se spécialisait dans l'extorsion de fonds visant des célébrités, ou du moins qu'il s'en approchait. Emil Bove lui a par exemple posé des questions sur des ententes conclues entre ses clients avec l'acteur Charlie Sheen et avec le lutteur Hulk Hogan.

M. Davidson a reconnu avoir fait l'objet d'une enquête pour déterminer s'il y avait eu extorsion dans l'affaire visant Hulk Hogan, mais il a précisé qu'il n'y avait pas eu d'inculpation.

Lors de l'interrogatoire des procureurs, il a notamment détaillé les interactions qu'il a eues avec Michael Cohen pour faire taire les rumeurs lorsque le paiement reçu par Mme Clifford a commencé à filtrer dans les médias.

Il a expliqué les dénégations initiales de sa cliente, qui avait été contactée par le Wall Street Journal, qui, en janvier 2018, a fait état de l'entente de confidentialité conclue deux semaines avant l'élection de novembre 2016.

Je nie cette aventure parce qu'elle n'a jamais eu lieu, affirmait dans une déclaration écrite Stormy Daniels.

Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels.

Le paiement de 130 000 $ à Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, est au cœur du dossier du procureur de Manhattan contre Donald Trump.

Photo : Getty Images / Ethan Miller

C'est en principe vrai si on lit ce démenti d'un point de vue extrêmement strict, a répondu M. Davidson aux procureurs, établissant une distinction entre une relation qui se serait poursuivie dans le temps et l'unique relation sexuelle que soutient avoir eue sa cliente avec l'accusé.

Je ne pense pas que quiconque ait prétendu qu'une interaction entre elle et M. Trump ait été de nature romantique.

Une citation de Keith Davidson, avocat de Stormy Daniels

Il ne s'agissait pas d'un pot-de-vin ni d'un paiement secret, a-t-il ajouté, préférant un terme juridique : Il s'agissait d'une contrepartie dans le cadre d'un règlement civil.

M. Davidson a aussi raconté l'état frénétique dans lequel Michael Cohen était après la publication de l'article du Wall Street Journal.

Qu'avons-nous fait?

M. Davidson a par ailleurs précisé que le contrat qui contraignait Stormy Daniels au silence incluait une clause prévoyant des dommages d'un million de dollars pour chaque rupture du contrat.

Il a également indiqué que l'entente de confidentialité désignait Stormy Daniels et Donald Trump par des pseudonymes, soit Peggy Peterson et David Dennison. Leurs vrais noms étaient spécifiés dans une entente parallèle, réservée à l'usage des avocats, a-t-il ajouté.

Les procureurs ont aussi montré un échange de textos entre M. Davidson et le rédacteur en chef de l'époque du tabloïd National Enquirer, Dylan Howard, qui l'a mis en contact avec Michael Cohen après le début des négociations entourant Stormy Daniels.

La semaine dernière, le premier témoin appelé à la barre par les procureurs, le grand patron de cette publication, a expliqué comment il avait mis son entreprise au service de la campagne de Donald Trump, notamment en payant une autre présumée maîtresse de l'accusé, la playmate Karen McDougal, pour enterrer son histoire.

Qu'avons-nous fait? a écrit M. Davidson à M. Howard le soir de l'élection. Oh mon Dieu, lui a répondu ce dernier.

On comprenait que [..] nos activités pouvaient, d'une certaine manière, avoir aidé la campagne présidentielle de Donald Trump.

Une citation de Keith Davidson, avocat de Stormy Daniels

Lors de sa comparution, mardi dernier, M. Davidson a dit estimer que l'intérêt des alliés de M. Trump pour le témoignage de Mme Clifford avait atteint un crescendo après la diffusion, quelques semaines avant l'élection de novembre 2016, d'un enregistrement sur lequel on entendait Donald Trump se vanter de pouvoir « attraper » les femmes par leur sexe en toute impunité.

À l'époque, la diffusion de l'enregistrement avait semblé menacer les perspectives électorales du candidat républicain.

Toujours mardi, M. Davidson a en outre expliqué les difficultés de sa cliente à se faire payer après la conclusion de l'entente, disant avoir cru que le camp Trump essayait d'étouffer l'affaire jusqu'après l'élection.

Donald Trump a nié tant les allégations d'aventures extraconjugales que les chefs d'accusation de falsification de documents au centre du procès.

Michael Cohen, un des vilains de l'histoire

Michael Cohen sort d'un tribunal.

Michael Cohen à sa sortie du tribunal dans un autre procès. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Lucas Jackson

Fait à noter, les procureurs n'ont pas hésité à laisser M. Davidson, comme d'autres témoins avant lui, dresser un portrait peu flatteur de Michael Cohen, témoin attendu de ce procès, dans une vraisemblable tentative de couper l'herbe sous le pied de la défense.

Leur stratégie : faire valoir que M. Cohen correspond peut-être au portrait qu'en font certains témoins – un interlocuteur difficile et au langage grossier qui se montre agressif par moments et qui inspire peu confiance – mais qu'il a agi sur les ordres de Donald Trump.

Leur approche consiste non pas à défendre l'intégrité de l'ancien avocat du politicien de 77 ans mais plutôt à amener certains des témoins à corroborer le témoignage qu'il devrait faire en cour.

Dès leur déclaration d'ouverture, la semaine dernière, les avocats de Donald Trump ont cherché à saper la crédibilité de M. Cohen, décrit comme un menteur déjà sanctionné par la justice. Ils l'ont dépeint comme un homme en quête de vengeance après avoir échoué à obtenir un poste dans l'administration Trump.

Interrogé par les procureurs, M. Davidson s'est rappelé une conversation téléphonique, en décembre 2016, au cours de laquelle Michael Cohen lui aurait fait part de ses doléances au sujet de Donald Trump.

Après tout ce que j'ai fait pour cet *** de gars-là, je ne peux pas croire que je n'irai pas à Washington. J'ai sauvé les fesses de ce type tellement souvent que tu ne peux même pas l'imaginer, a-t-il déclaré en citant M. Cohen. Cet *** de gars-là ne me rembourse même pas les 130 000 $.

Deuxième audience sur un outrage potentiel au tribunal

Pour la deuxième fois depuis le début du procès, le juge a par ailleurs entendu les arguments des parties au sujet de violations alléguées de l'ordonnance restreignant ce que peut dire Donald Trump au sujet du procès.

Mardi, le juge l'a déjà reconnu coupable d'outrage au tribunal pour neuf des dix commentaires litigieux que les procureurs avaient soumis et lui a imposé une amende de 9000 $.

Les procureurs affirment qu'il a violé cette ordonnance à quatre nouvelles reprises entre le 22 et le 25 avril; trois commentaires concernaient des témoins potentiels et un autre était au sujet du jury.

Contrairement aux propos pour lesquels Donald Trump a déjà été sanctionné, qui avaient été mis en ligne, les commentaires au centre de cette audience ont été formulés devant les caméras à la sortie du tribunal ou lors d'entrevues.

Ce jury a été sélectionné vraiment vite. 95 % démocrates, s'est-il notamment plaint. Il a aussi qualifié de menteur condamné son ancien avocat Michael Cohen.

En parlant du jury, M. Trump met en péril le déroulement du procès, a soutenu le procureur Chris Conroy.

Il a indiqué qu'il ne demandait pas que Donald Trump soit sanctionné par une peine de prison s'il est de nouveau reconnu coupable d'outrage au tribunal.

L'avocat de M. Trump, Todd Blanche, a rejeté les affirmations des procureurs, ajoutant que les déclarations de son client sur Michael Cohen étaient des réponses à ses attaques personnelles.

Cohen a invité – et a presque défié – le président Trump à répondre à presque tout ce qu'il disait, a-t-il plaidé en fournissant des messages publiés sur X par ce témoin potentiel, qui ne s'est pas gêné pour insulter son ancien patron sur les réseaux sociaux.

Ce n'est pas un homme qui a besoin d'être protégé par une ordonnance de bâillon, a argué Me Blanche.

Le juge n'a pas encore rendu sa décision.

Avant le procès, le juge Merchan a interdit à l'accusé de s'en prendre publiquement aux témoins, aux jurés et au personnel du tribunal, une restriction qu'il a ensuite étendue aux membres de sa propre famille et à celle du procureur du district de Manhattan.

À l'issue de l'audience, Donald Trump a par ailleurs affirmé faussement que l'ordonnance lui interdisait de témoigner.

Avec les informations de New York Times, CNN et NBC News

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.