Santé : des primes de 20 % pour le privé jugées « inconcevables » par un syndicat
Cette année, 21,5 % du personnel du CISSS de la Côte-Nord est de la main-d’œuvre indépendante. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
Le Syndicat des intervenantes et intervenants en santé du nord-est québécois (SIISNEQ) revient à la charge et dénonce l’état des négociations sectorielles avec Québec ainsi que les « inégalités » entre les conditions de travail de ses membres et celles de la main-d'œuvre indépendante.
Les représentants syndicaux ont rappelé ces préoccupations en marge de l’assemblée générale des délégués syndicaux du SIISNEQ à Forestville mercredi.
Les disparités entre les primes reçues par la main-d’œuvre indépendante et celles des employés font partie des inégalités
dans les conditions de travail que dénonce le Syndicat.
Selon la présidente de la SIISNEQ, Karine Ouellet-Moreau, si on prend pour la Côte-Nord, la main-d'œuvre indépendante reçoit une prime de 20 %, alors que les membres [issus du public] reçoivent une prime d’éloignement de 8 %
.
Karine Ouellet Moreau est la quatorzième présidente, mais la première à avoir occupé le poste d'infirmière auxiliaire. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Catherine Gosselin
[Les coûts de la main-d’œuvre indépendante et les primes ont] de fortes répercussions sur l’attraction et la rétention au sein du réseau public et entraînent des bris de services fréquents dans certains départements.
D’ailleurs, seuls les professionnels de la santé qui travaillent dans un centre de santé à Port-Cartier ou plus au nord sont admissibles à recevoir une prime d'éloignement. Les membres de la Haute-Côte-Nord et de Baie-Comeau n’ont rien
, affirme Mme Ouellet Moreau.
Tout ce phénomène pourrait être appelé à changer prochainement avec l’application de la loi 10 visant à éliminer d’ici 2026 le recours systématique aux agences de placement privées et à la main-d’œuvre indépendante.
Pendant ce temps, cette année, 21,51 % du personnel du CISSS de la Côte-Nord est de la main-d’œuvre indépendante. En soins infirmiers, ce taux augmente à 35,9 %, selon des données du CISSS.
Questionnée au sujet des conséquences que pourrait entraîner la fin du recours aux agences de placement sur les services aux usagers, la présidente du Syndicat répond que le gouvernement devra bonifier les conditions de travail pour ramener les gens du privé au public
et souligne que le gouvernement n'a pas donné les outils nécessaires aux CISSS et aux CRSSS
pour composer avec ce changement.
Santé Québec, l’éléphant dans la pièce
Avec l’adoption sous bâillon du projet de loi 15, le Syndicat s’inquiète aussi d’une centralisation
du système de santé qui n’améliorera en rien les soins offerts à la population
, peut-on lire dans un communiqué conjoint des syndicats.
Karine Ouellet Moreau garde un goût amer de la dernière réforme du système de santé, sous l’ex-ministre de la Santé Gaétan Barrette, et de la fusion subséquente des CISSS.
Le projet de loi 15 sur la réforme du système de santé a été adopté en décembre dernier. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Lors de la dernière fusion, on n’a pas vu d’amélioration de nos conditions de travail et des services à la population. On ressentait quand même les bris de service et le manque de main-d’œuvre.
La nomination de Geneviève Biron à la tête de Santé Québec est aussi une source de préoccupations
pour le Syndicat, qui y voit une présence accrue du secteur privé dans le système de santé québécois.
Geneviève Biron, ex-PDG de Biron Groupe, était jusqu’à tout récemment présidente de Propulia Capital, qui participe à l’essor d’entreprises en phase d’amorçage et de croissance. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Toutefois, la présidente nuance ces propos, et explique qu’il faut laisser sa chance
à celle que le ministre Dubé qualifie de top gun
.
Les négociations sectorielles avec Québec s’étirent
Les négociations sectorielles avec Québec continuent donc d’être difficiles
, juge le Syndicat. Selon la présidente de la SIISNEQ, les négociations tournent autour des conditions de travail des employés du milieu de la santé, du temps supplémentaire obligatoire et de la main-d’œuvre indépendante.
En janvier dernier, l’entente de principe avait été refusée par la délégation du conseil régional. La raison : les inégalités entre les employés à temps plein et à temps partiel ainsi que la mobilité du personnel.
Une cinquantaine de représentants du Conseil fédéral de la Fédération de la santé du Québec, affiliée à la Centrale des syndicats du Québec (FSQ-CSQ), membre du Front commun, ont rejeté à 98 % l’entente sectorielle intervenue le 24 décembre dernier. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Au sujet de la mobilité du personnel, pour nous, ça ne passe pas
, soutient Karine Ouellet Moreau. Les infirmières ne veulent pas arriver le matin et ne pas savoir sur quel département elles vont travailler.
Grâce à cette mesure, Québec souhaite améliorer l’efficacité du système de santé et souhaite déplacer le personnel en fonction des besoins du jour.
La mobilité du personnel, qui pourrait impliquer que des infirmières ayant l’habitude de travailler dans un CHSLD soient amenées à travailler dans un autre département comme les urgences d’un centre hospitalier, par exemple, pourrait augmenter le risque d’erreurs médicales, affirme la présidente de la SIISNEQ.
Même si ça reste une infirmière, ce n'est pas le même travail. Et ça, ça met nos membres en situation d'échec et c'est là qu'il peut arriver des erreurs.
Pour l’instant, le Syndicat affirme qu’il continue les négociations avec le gouvernement du Québec.