Les opposants à Trans Mountain : de la contestation à la résignation
En 2018, des opposants au pipeline Trans Mountain réagissaient à la décision du fédéral d'aller de l'avant avec l'agrandissement de l'oléoduc.
Photo : Radio-Canada / Francis Plourde
Les opposants au projet de dédoublement de l'oléoduc Trans Mountain, qui entre en activité cette semaine, se font discrets depuis que le pipeline a été racheté par le gouvernement fédéral en 2018. Malgré tout, leurs craintes d'un désastre environnemental et du non-respect des cibles de réduction des gaz à effet de serre demeurent toujours aussi fortes.
Depuis le parc Cates, à North Vancouver, qui fait partie du territoire ancestral de la Première Nation Tsleil-Waututh, on peut voir le terminal pétrolier Westridge de Trans Mountain, à Burnaby, de l'autre côté de l'anse Burrard.
C'est là que le pipeline Trans Mountain aboutit, à environ 1100 kilomètres de son point de départ, dans les environs d'Edmonton.
Depuis North Vancouver, Rueben George a été témoin des travaux d'agrandissement au terminal pétrolier Westridge de Trans Mountain, pour accueillir davantage de pétroliers d'ici la fin du mois de mai.
Photo : Radio-Canada / Benoît Ferradini
Rueben George dirige l'organisation Sacred Trust (Nouvelle fenêtre), qui vise à s'opposer au pipeline Trans Mountain, depuis 2012.
Tsleil-Waututh veut dire "le peuple de l'eau". On fait partie de là où on vit.
Vous voyez l'eau derrière moi
, demande Rueben George. Quand la marée est basse, nos ancêtres avaient l'habitude de dire : "la table est mise."
La peur d'une marée noire
La principale crainte des Tsleil-Waututh, c'est un déversement pétrolier.
Car c'est depuis le terminal Westridge que les pétroliers transportent le pétrole albertain vers les marchés internationaux. Ils doivent passer devant la communauté Tsleil-Waututh, puis sous deux ponts, devant le centre-ville de Vancouver, puis contourner l'île de Vancouver avant d'arriver à l'océan.
En février 2020, neuf Premières Nations, Rueben George à leur tête, critiquaient durement la décision de la Cour d'appel fédérale de maintenir l'approbation du projet d'agrandissement du pipeline Trans Mountain.
Photo : Radio-Canada / Ben Nelms
Nous avons nettoyé l'anse Burrard
, explique Rueben George. On vient de récolter des palourdes pour la première fois depuis 45 ans. La zostère repousse près du terminal, ce qui a provoqué le retour des harengs.
Après avoir perdu de nombreuses batailles juridiques pour empêcher l'agrandissement du pipeline, les Tsleil-Watuth promettent qu'ils vont surveiller de très près les opérations de Trans Mountain.
Je ne vais pas m'arrêter parce que le pipeline est opérationnel
, dit Rueben George. On va continuer de protéger notre territoire, comme nos ancêtres l'ont fait avant nous. Ce n'est pas fini.
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Pour sa part, l'ancien maire de Burnaby Derek Corrigan a été l'un des plus farouches opposants au pipeline Trans Mountain.
C'était la bataille de David contre Goliath.
Nous, les politiciens qui étaient prêts à se battre contre le projet, on était dans la position de Don Quichotte qui se battait contre les moulins à vent, en espérant que le public allait se mobiliser
, raconte-t-il.
Derek Corrigan a été conseiller municipal, puis maire de Burnaby de 1987 à 2018.
Photo : Radio-Canada / Simon Charland
À l'époque, l'ex-maire était, comme les Tsleil-Waututh, insatisfait des mesures de sécurité prévues par Kinder Morgan, puis Trans Mountain, en cas de déversement pétrolier ou d'incendie dans le dépôt de carburant.
Mais comment est-ce qu'on peut conserver cette opposition à long terme
, se demande-t-il. Comment faire face à un gouvernement et à une industrie si déterminés et prêts à financer le projet?
Des manifestations à travers le pays
L'approbation du projet d'agrandissement du pipeline Trans Mountain a donné lieu à de nombreuses manifestations, partout au pays.
À Vancouver, des milliers de manifestants ont dénoncé le projet Trans Mountain, en novembre 2016.
Photo : La Presse canadienne / Darryl Dyck
Parmi les nombreux militants environnementaux qui se sont opposés au projet se trouve le Vancouvérois Yvon Raoul. Ex-professeur d'écologie, il a lui aussi assisté à l'essoufflement du mouvement anti-Trans Mountain.
Une fois que l'oléoduc a été acheté par le gouvernement, il y a eu un découragement qui s'est installé
, explique-t-il. C'était comme un fait accompli. On savait que, une fois que le gouvernement allait embarquer là-dedans, le projet allait continuer.
Avant le rachat du projet de Kinder Morgan par le gouvernement fédéral en 2018, Yvon Raoul a manifesté pour bloquer les grilles du terminal Westridge pendant six mois.
Photo : Radio-Canada
On était un petit groupe qui s'appelait la Justin Trudeau brigade
, se rappelle-t-il. On se pointait ici tous les matins à 4 h. Parce que c'était à 4 h que les premiers camions arrivaient.
Ce qu'on voulait, c'est attirer l'attention.
Toutefois, selon Yvon Raoul, le blocage n'a pas porté fruit, et l'appui de la population ne s'est jamais matérialisé, bien qu'il considère l'agrandissement du pipeline comme présentant des risques majeurs.
Des manifestations contre l’achat par Ottawa du pipeline Trans Mountain ont eu lieu à Vancouver, à Winnipeg, à Ottawa et à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy
Ça va avoir un impact sur la vie marine, la vie naturelle
, explique Yvon Raoul. Il y aura aussi bien sûr un impact au niveau de l'effet de serre. La consommation de pétrole dans le monde continue à augmenter, et le Canada participe à cette augmentation. On se dit qu'on coupe le pétrole ici, mais on vend du pétrole pour que ça soit brûlé ailleurs. Alors, donc, le résultat revient au même.
L'échec de la voie légale
Depuis 2012, plusieurs politiciens de Colombie-Britannique se sont opposés au projet d'agrandissement du pipeline Trans Mountain.
En 2017, John Horgan avait promis d’utiliser tous les outils de sa boîte à outils
pour freiner l’agrandissement de l’oléoduc. Son opposition avait entraîné une dispute interprovinciale avec son homologue albertaine.
Après plusieurs revers devant les tribunaux, la Colombie-Britannique n'a pas réussi à bloquer le projet.
Les installations de Trans Mountain sont situées entre l'anse Burrard et des zones densément peuplées à Burnaby.
Photo : La Presse canadienne / Jonathan Hayward
Mike Hurley, le nouveau maire de la Ville de Burnaby, est un ancien pompier. Il a pour sa part tenté de faire réviser les plans de prévention des incendies de Trans Mountain pour son dépôt de pétrole.
À Burnaby, on a 80 % des risques
, explique Mike Hurley. C'est ici qu'ils vont remplir les navires pétroliers. C'est ici qu'ils stockent le pétrole lourd. La taille du dépôt de carburant a triplé. Et je ne pense pas qu'il y a eu assez d'attention portée aux problèmes de sécurité, pendant l'agrandissement du pipeline.
Le maire reconnaît que la région ne peut que subir le début des activités du nouveau pipeline Trans Mountain. Toutefois, la position du conseil municipal de Burnaby n'a pas changé depuis plus de 10 ans : la Ville reste officiellement opposée au projet.