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ChroniqueLa mort d’un grand descripteur et la mutation de la description sportive

Un homme âgé sur la galerie de presse du Centre Bell, regarde la glace en bas. Il porte des écouteurs et un micro. Il est écrit Hockey Night in Canada sur un écran.

Bob Cole au Centre Bell en 2019 pour un match entre le Canadien et les Maple Leafs de Toronto lors de la dernière description de sa carrière.

Photo : The Canadian Press / Graham Hughes

Les éloges fusent de l’ensemble du Canada anglais depuis qu’on a appris, mercredi, le décès de l’excellent descripteur Bob Cole.

M. Cole, qui nous a quittés à l’âge de 90 ans, avait décrit son dernier match au Centre Bell (un affrontement Canadien-Maple Leafs) le 6 avril 2019 à l’âge vénérable de 85 ans.

Le confrère montréalais Dave Stubbs, qui est devenu chroniqueur-historien pour le compte du site de la LNH, rappelait jeudi que Bob Cole avait décrit son premier match sur les ondes de la radio de la CBC exactement 55 ans avant son décès, soit le 24 avril 1969. Dans ce match de demi-finale, Jean Béliveau avait scellé la série opposant le CH aux Bruins de Boston avec le but décisif en deuxième période de prolongation.

Durant ses 50 années passées derrière le micro, Bob Cole a bercé des générations d’amateurs de ses descriptions vivantes et de ses exclamations imagées comme Oh Baby! ou Everything is happening! Cole ne décrivait pas un match. Il racontait une histoire.

Quand il était affecté à la description d’un match à Montréal, il passait faire son tour dans le vestiaire du Tricolore après l’exercice matinal. Il aimait s’entretenir avec les joueurs afin de peaufiner sa préparation, et il était fascinant de constater toute la déférence que ces derniers lui témoignaient.

Durant l’enregistrement de notre balado Tellement Hockey vendredi matin, le confrère Marc Antoine Godin soulignait que l’entraîneur du Lightning de Tampa Bay, John Cooper, avait tenu à rendre hommage à Bob Cole jeudi soir après la défaite de son équipe.

Je m’en voudrais de ne pas souligner le décès de Bob Cole. Je sais que ça n’a aucun rapport avec le match. Mais en même temps, il existe un lien parce que je ne serais probablement pas entraîneur dans cette ligue si la voix de cet homme ne m’avait pas inculqué la passion du hockey quand j’étais enfant, a-t-il confié.

***

Curieusement, le décès de M. Cole est survenu lorsque j’étais en train de préparer une chronique sur l’avenir du métier de descripteur, ou plutôt sur des changements intéressants et importants qui sont en train de s’opérer dans l’industrie de la télédiffusion d’événements sportifs.

Depuis mercredi, la chaîne française Canal+ propose un produit différent à ses abonnés qui regardent les matchs de foot de la Premier League. Quand ils s’installent pour voir un match, les téléspectateurs peuvent désormais choisir entre le mode commentaires et le mode tribunes. Le mode commentaires permet de visionner les matchs de façon conventionnelle avec un descripteur et un analyste. L’autre option, le mode tribunes, se veut une expérience immersive. Elle ne donne accès qu’au son du stade, comme si on était assis parmi la foule.

Le quotidien français L’Équipe soulignait ces derniers jours que le mode de diffusion sans commentaires ni analyses est en train de se répandre chez les diffuseurs européens. Depuis qu’elle a commencé à retransmettre les matchs de la Ligue 1 en 2021, Amazon propose sur sa plateforme Prime Video une option appelée « Stadium FX ». Amazon diffuse aussi les matchs de tennis de Roland-Garros en mode immersif. Pour sa part, beIN Sports présente depuis 2012 des matchs de foot de championnats étrangers sans commentaires ni analyses.

***

C’est maintenant le moment des questions qui tuent. Les diffuseurs nord-américains offriront-ils un jour de telles options à leurs clients? Sera-t-il un jour possible de s’installer en famille, un samedi soir, pour regarder un match de hockey en s’imprégnant uniquement de l’ambiance du Centre Bell? Et si c’était possible de le faire, les clients intéressés seraient-ils nombreux?

Certains partisans du Canadien se souviennent peut-être d’avoir déjà vécu cette expérience lors des séries éliminatoires de 2002.

Les techniciens de Radio-Canada étaient alors en grève, ce qui rendait impossible la participation d’un descripteur et d’un analyste à la télédiffusion des matchs. Pendant quelques semaines, les amateurs avaient donc dû s’habituer à regarder les matchs différemment, mais en bénéficiant d’un meilleur accès au son des lames de patin fendant la glace, au bruit des mises en échec, des coups de sifflet et aux clameurs de la foule.

Certains en parlent encore.

***

Si de plus en plus de diffuseurs européens offrent le mode tribunes à leurs clients, c’est probablement parce que la demande est importante. Ce n’est certainement pas pour économiser les salaires des descripteurs et analystes, puisque le mode de diffusion conventionnel est encore très populaire.

Le Centre Bell fait salle comble pour le match de la LPHF opposant les Torontoises aux Montréalaises.

Le Centre Bell fait salle comble pour le match de la LPHF opposant les Torontoises aux Montréalaises.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Il serait par ailleurs intéressant de savoir si ce nouvel intérêt du public pour le mode tribunes découle du fait que les amateurs connaissent davantage le sport ou s’il résulte plutôt des progrès technologiques en matière de télédiffusion.

Lorsqu’un amateur s’assoit dans un stade ou un amphithéâtre, personne ne lui chuchote à l’oreille où se trouve la rondelle, la balle ou le ballon. Personne ne l’informe sur l’identité des joueurs qui animent l’action. Et on ne lui présente qu’un nombre très limité de reprises sur les écrans géants.

Malgré tout cela, les gens qui assistent aux matchs en personne n’ont pas l’impression de vivre une expérience incomplète. Ils déboursent au contraire de très grosses sommes et franchissent parfois des distances importantes pour s’imprégner de la véritable ambiance du match.

En combinant la véritable ambiance des matchs aux grands formats des téléviseurs modernes et à la parfaite qualité des images en haute définition, les diffuseurs comme Canal+ sont peut-être en train de lancer une véritable révolution. Ils ont peut-être déniché une troisième voie.

« Everything is happening! », comme disait Bob Cole.

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