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Rejet d’eaux usées toxiques à Chalk River : des chefs anishinaabe exigent des explications

Une usine se trouve en bordure d'une rivière.

Les installations de Chalk River en bordure de la rivière des Outaouais

Photo : Radio-Canada

RCI

Des leaders anishinaabe demandent que les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) leur rendent des comptes à la suite du déversement d’eaux usées toxiques (nouvelle fenêtre) le long de la rivière des Outaouais plus tôt ce printemps.

La station d’épuration des eaux usées du site de Chalk River présentait un défaut de létalité aiguë, ce qui signifie que des tests ont révélé que les effluents d’eaux usées, ou rejets d’eaux usées traitées, étaient toxiques pour les poissons.

Laboratoires Nucléaires Canadiens déversait ses effluents dans de l’eau douce à cet endroit entre février et avril, enfreignant les règlements fédéraux en la matière. Des agents d’Environnement Canada sont donc intervenus, a confirmé le ministère.

Le chef de la Première Nation Kebaowek, Lance Haymond, ne fait confiance ni à Laboratoires Nucléaires Canadiens ni à Environnement Canada pour protéger ses membres des contaminants, qu’ils soient radioactifs ou non.

Qu’est qu’il y a dans les effluents déversés depuis février 2024 à Chalk River? a demandé le chef dans une lettre envoyée au ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, et à la Commission canadienne de sûreté nucléaire le 30 avril.

Portrait de Lance Haymond.

Le chef de Kebaowek, Lance Haymond

Photo : Radio-Canada / Brett Forester

Le leader, dont la communauté se situe au Québec en amont du site de Chalk River, demande la mise en place d’une initiative de nation à nation pour surveiller les déversements dans le bassin versant.

Les répercussions de cette non-conformité sont très troublantes, a écrit M. Haymond, soulignant au passage que cet épisode illustre le besoin d’avoir un organisme indépendant qui inclue les Premières Nations.

Laboratoires Nucléaires Canadiens a affirmé vendredi qu’une équipe encadrée d’experts externes est à l’œuvre pour identifier la source de déversements qui auraient pu perturber le système de traitement organique de la centrale. Il faudra toutefois du temps pour que ce système soit complètement rétabli.

L’enquête se concentre présentement sur l’usage de détergents et d’autres produits de nettoyage utilisés dans les laboratoires, a noté Laboratoires Nucléaires Canadiens dans une déclaration écrite.

Le déversement ne pose pas de risque pour l’environnement ou le public. Laboratoires Nucléaires Canadiens est également en mesure de confirmer que l’événement de non-conformité n’a pas de lien avec des contaminants radioactifs.

Le site de Chalk River, situé à 180 kilomètres au nord-ouest d’Ottawa, était l’un des principaux producteurs mondiaux d’isotopes médicaux avant que les réacteurs du centre de recherche ne soient mis hors service en 2018.

Son histoire est ponctuée d’incidents allant d’accidents dans les réacteurs en 1952 et en 1958 jusqu’à une fuite de tritium en 2009.

Le chef de la communauté de Kitigan Zibi, Dylan Whiteduck, n’a pas non plus confiance en la capacité des Laboratoires Nucléaires Canadiens de protéger la rivière des Outaouais, appelée Kichi Zibi en anishinaabemowin.

Un homme pose dehors devant un édifice.

Le chef de Kitigan Zibi, Dylan Whiteduck

Photo : Radio-Canada / Jean-François Poudrier

Il faudrait peut-être une enquête d’une tierce partie sur ce qu’il se passe, et toutes les personnes concernées devraient demander des comptes, a écrit le chef dans un courriel adressé à CBC Indigenous.

Greg Sarazin, chef de la Première Nation de Pikwakanagan, soutient lui aussi une surveillance accrue de ce qu’il se passe à Chalk River.

La nation anishinaabe prend son rôle de gardienne du territoire très au sérieux, souligne-t-il. Nous ne sommes pas contents que quoi que ce soit de possiblement dangereux se retrouve à être déversé dans l’environnement.

Pikwakanagan est la Première Nation la plus près du site de Chalk River, et elle a une entente de principe avec Laboratoires Nucléaires Canadiens

Nous avons des gens sur le terrain, et nous nous attendons à être impliqués à part entière dans toute l’enquête, sa gestion et la surveillance de cet incident, ou tout autre incident, a indiqué M. Sarazin.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire sous les feux de la critique

En janvier, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a donné le feu vert à la construction d’un site d’enfouissement pour les déchets radioactifs à Chalk River, ce qui a braqué les projecteurs sur la capacité de Laboratoires Nucléaires Canadiens et de la Commission à protéger la rivière des Outaouais de déversements potentiels.

La Commission n’a pas voulu commenter les récents déversements, renvoyant plutôt toutes questions vers Environnement Canada. Le ministre Guilbeault, pour sa part, n’était pas disponible pour une entrevue.

Kerrie Blaise, la fondatrice de Legal Advocates for Nature's Defence et avocate de Kebaowek, estime que la décision de la Commission canadienne de sûreté nucléaire de ne pas s’impliquer fait partie d’une tendance troublante qui soulève des questions sur sa volonté d’agir avec vigueur en tant qu’entité régulatrice.

Selon son site Internet, la Commission est chargée d’évaluer la mesure dans laquelle les titulaires de permis respectent les exigences réglementaires et répondent aux attentes. Selon Me Blaise, cela signifie que la Commission canadienne de sûreté nucléaire a l’autorité d’agir, mais décide de ne rien faire.

C’est une dynamique institutionnelle dans la culture de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, où elle n’agit pas comme l’organe de surveillance qu’elle est.

Pour le chef Haymond, l’incapacité de la Commission canadienne de sûreté nucléaire de mener une inspection et de sévir contre Laboratoires Nucléaires Canadiens dans ce cas-ci démontre pourquoi il ne peut pas lui faire confiance.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire est une entité de Ressources naturelles Canada, le ministère qui supervise également Énergie atomique du Canada limitée, la société de la Couronne qui détient Chalk River.

La Commission a souligné dans le passé qu’elle est indépendante et qu’en tant qu’organisation régulatrice, elle est à l’abri des pressions politiques.

Le bureau du ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, a décliné toute demande d’entrevue à ce sujet.

D'après les informations de Brett Forester, de CBC Indigenous

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