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Shell aurait vendu des millions de crédits carbone « fantômes »

Un employé devant une infrastructure de captage et stockage de CO2.

L'installation Quest, exploitée par Shell, est située au nord-est d'Edmonton, en Alberta. Quest a vu le jour à la suite d'un appel à projets lancé en 2008 par le ministère de l'Énergie concernant des installations de captage et de stockage du carbone en Alberta.

Photo : (Jason Franson/Bloomberg)

Le géant de l'industrie pétrolière Shell a perçu 203 M$ en vendant des crédits carbone fantômes, c'est-à-dire des crédits pour lesquels il n'y a eu aucune réduction d'émissions de GES, selon un rapport publié par Greenpeace.

À travers Quest, une installation de captage, utilisation et stockage du CO2 (CUSC) exploité par Shell, le gouvernement de l’Alberta avait comme objectif (Nouvelle fenêtre) (en anglais) de capter et de stocker plus de 139 millions de tonnes de carbone d’ici 2025.

Dans les faits, le projet exploité par Shell Canada, détenu par Canadian Natural ressources, Chevron et Shell, a permis de retirer en tout 9 millions de tonnes de CO2, d’après les registres du Carbone de l’Alberta (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

Un deux pour un sur les crédits carbone

En 2011, la province annonçait dans un communiqué de presse (Nouvelle fenêtre) (en anglais) qu’elle accorderait au projet Quest l'obtention de deux crédits carbone pour chaque tonne.

La norme est habituellement d’un crédit par tonne.

Ces crédits, Quest a pu les vendre à des entreprises à travers le système obligatoire de compensation des émissions de l'Alberta mis en place en 2007. Si les grands émetteurs produisent plus de dioxyde carbone que les niveaux qui leur sont alloués, elles doivent acheter des crédits pour compenser ces émissions.

Selon les plus récents rapports annuels de Quest, l’usine aurait perçu 406 M$ en vente de crédit carbone, dont l'équivalent de 203 M$ de crédits fantômes accordé par l’Alberta.

De telles ventes ne sont pas illégales, mais elles constituent une subvention cachée, qui réduit l'efficacité de la tarification des émissions de carbone, explique Keith Stewart, stratège principal en matière d'énergie chez Greenpeace et auteur du rapport (Nouvelle fenêtre)  (en anglais).

Un financement public pour des profits privés

Dans les documents financiers publiés sur le site du gouvernement albertain (Nouvelle fenêtre) (en anglais), Shell affirme que la mise en service de Quest et les frais opérationnels ont coûté plus de 1 milliard de dollars à la pétrolière entre 2015 et 2022.

Pour la même période, les deux ordres de gouvernement ont financé le projet à la hauteur de 777 M$. Ainsi, en incluant les 203 M$ de profit récoltés grâce aux crédits fantômes, 93 % du projet provient du financement public, affirme le rapport de Greenpeace.

Shell a fait un profit de 126 M$ pendant les sept ans d’activité de Quest, selon les états financiers de 2022.

Le porte-parole du ministère provincial de l'Environnement, Ryan Fournier, a répondu par courriel que le rapport était un travail de diffamation de la part de Greenpeace.

Il a reconnu que le gouvernement de l'Alberta avait déjà offert d'importantes [subventions] pour aider à accélérer le développement de CUSC.

Or, il décrit le programme comme une initiative ciblée pour aider à stimuler les investissements de CUSC à un moment où cette technologie n'avait pas encore fait ses preuves.

Un système inefficace

Plusieurs spécialistes de l'environnement s’entendent pour dire que la captation et la séquestration du carbone ne sont pas la solution à la crise climatique.

Le professeur et chercheur en politique énergétique à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, a dit que le rapport de Greenpeace illustre un problème sous-jacent essentiel pour le captage et le stockage du carbone, qui démontre que l'environnement économique n'est pas encore en place pour en faire une industrie rentable.

Il faut compter sur des subventions, ce qui devient problématique parce que le gouvernement finit par subventionner les pollueurs, a-t-il déclaré, ajoutant que cela montre également la nécessité d’imposer un prix plus élevé pour les émissions de carbone.

Sans cela, le chercheur estime que de tels projets de CUSC ne verront pas le jour, car ils ne sont pas aussi rentables que de rejeter directement du CO2 dans l'atmosphère , à moins que, comme dans le cas de Shell, ils ne soient fortement subventionnés.

En réponse à ce rapport, Stephen Doolan, porte-parole de Shell Canada, a écrit dans un courriel que la technologie de capture du carbone est essentielle pour atteindre les objectifs climatiques internationaux.

Grâce à des cadres fiscaux et réglementaires novateurs, 9 millions de tonnes de CO2 ont été capturées à l'installation Quest de Shell, alors qu'elles auraient autrement été rejetées dans l'atmosphère , a-t-il ajouté.

Il est temps que le secteur dépense de l'argent et mette en place des solutions qui réduisent la pollution carbone , dit pour sa part Carolyn Svonkin, une porte-parole du ministère des Ressources naturelles du Canada.

En référence au rapport de Greenpeace, elle fait remarquer que le gouvernement fédéral a mis à jour son référentiel national de tarification du carbone en 2021. Cela a mis fin à des processus qui auraient pu récompenser l'industrie pour des réductions d'émissions qui n'étaient pas réelles.

Avec des informations de Benjamin Shingler

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