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Des bagarres et aussi du hockey

Des bagarres et aussi du hockey

La Ligue nord-américaine de hockey (LNAH) veut dépoussiérer son image.

Un texte de Diane Sauvé Photographies par Pascal Ratthé

Publié le 24 avril 2024

Il y avait souvent une carte de boxe en début de match et une autre à la fin. Ça pouvait résulter en huit ou neuf combats dans la soirée.

Quand elle a vu le jour en 1996 sous le nom de Ligue semi-pro du Québec, la Ligue nord-américaine de hockey (LNAH) était la plus tough au monde, selon le copropriétaire des Pétroliers de Laval Lucien Paquette : Tu appelais des joueurs, les gars ne voulaient pas venir jouer.

Les images de ses débuts, celles d’un sport robuste, souvent violent, avec des durs à cuire et des dérapages, ont marqué l’imaginaire et restent en tête. Presque 30 ans plus tard, les choses ont-elles changé?

Ce n’est plus des bouffonneries, assure un entraîneur qui a connu les matchs très rugueux des premières années. Les matamores seraient même en voie d’extinction, selon un joueur actif qui a déjà goûté à la Ligue nationale (LNH).

Podium est allé voir en coulisses.

Un joueur de hockey en blanc debout, de dos, devant le vestiaire de son équipe.
Le dur à cuire Sébastien Laferrière, des Marquis de Jonquière Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

« Du Disney on Ice pour adultes »
« Du Disney on Ice pour adultes »

Vendredi 15 mars. Dernier match à domicile en saison des Pétroliers à Laval.

Il est à peine 17 h 30 et, déjà, certains spectateurs ont eu le temps de manger leur pizza dans le stationnement du Colisée. On veut s’assurer d’une bonne place en vue du match à 20 h.

On prévoit une foule record contre les Marquis de Jonquière. Ces partisans le sentent : ce sera du jeu viril, ça va brasser.

C’est du Disney on Ice pour adultes!, lance l’un d’entre eux en riant.

Huit personnes rassemblées dans un stationnement, certaines assises sur des chaises de camping.
Des partisans des Pétroliers en mode tailgate avant le match. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Ça fourmille de plus en plus aux abords du vieil amphithéâtre, à l’intérieur aussi. Le temps ici semble s’être arrêté. Ça sent les années 70 à plein nez et c’est parfait comme ça, nous dit le copropriétaire des Pétroliers.

Tu rénoves ça, tu mets des bancs avec des coussins, et je vous le dis, il y a moins de monde!, jure Lucien Paquette.

Un vieil aréna dans lequel entrent des partisans en vue d'un match de hockey.
Le Colisée de Laval se remplit à l'approche du match.  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

18 h. Les Marquis s’amènent avec leur capitaine Alexandre Picard, tout sourire malgré les cinq heures d’autobus qui les séparent de Jonquière.

Dans la LNAH, on ne compte pas les kilomètres. Les six équipes de la ligue (il y en avait une quinzaine au début des années 2000) sont réparties aux quatre coins de la province : Laval, Jonquière, Thetford Mines, Sorel, Rivière-du-Loup et Saint-Georges.

Souvent, les joueurs habitent loin de leur équipe. Picard, par exemple, vit à Québec, et pas à Jonquière.

Un joueur de hockey marche avec son sac d'équipement après être sorti d'un autobus.
Alexandre Picard est le capitaine des Marquis de Jonquière Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

La LNAH, c’est une ligue de travailleurs de tout acabit : avocats, policiers, pompiers, menuisiers, médecins, etc. La plupart des joueurs occupent un emploi à temps plein et disputent les matchs les week-ends.

À Laval, le vestiaire de l’équipe visiteuse manque décidément d’amour et d’espace. Ce qui n’a pas l’air de tourmenter Donald Brashear et les siens.

Parce que oui, l'ex-membre du Canadien de Montréal joue toujours au hockey à 52 ans.

Un joueur en sandales marche dans un vestiaire de hockey.
Donald Brashear dans le vestiaire des visiteurs Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Celui qui compte plus de 1000 matchs dans la LNH n'est pas le seul issu du circuit Bettman. Les Marquis en ont même deux autres : Patrick Bordeleau, un ancien de l’Avalanche du Colorado, et Alexandre Picard, un choix de premier tour qui a joué à Columbus.

On disait la même chose il y a 10 ans et on le répète : le calibre de la LNAH grimpe continuellement alors que les duels de boxe sur glace et les dérapages sont à la baisse.

La grande majorité des joueurs actuels ont déjà fait un séjour dans la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ). Plusieurs sont aussi passés par la Ligue américaine, par l’ECHL ou par les circuits européens, comme Alexandre Picard.

L’attaquant dispute une quatrième saison dans la LNAH. Il n’avait pourtant aucunement l’intention d’en faire partie après son séjour en Europe.

Dans ma tête, j'avais encore les bagarres, les Jon Mirasty, les Joël Thériault. Les parties duraient quasiment cinq, six heures parce qu'il y avait trop de batailles, relate-t-il. Ça ne m'intéressait pas.

« À mon premier match, je pensais que ce serait facile, quasiment une ligue de garage. J'ai vraiment réalisé une chose : ce n’est plus la ligue que c'était. »

— Une citation de   Alexandre Picard, capitaine des Marquis de Jonquière
Il met du ruban blanc sur la lame de son bâton de hockey.
Alexandre Picard a été surpris du calibre de jeu dans la LNAH.  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Il y a beaucoup de jeunes maintenant, ce qui accélère le jeu, ajoute le hockeyeur de 37 ans.

Plusieurs n'hésitent pas à comparer le calibre à celui de l’ECHL. D’autres pensent qu’il est même plus relevé parce que les joueurs sont plus expérimentés (la moyenne d’âge est d’environ 30 ans) et que certains ont joué à un haut niveau. La différence? Les entraînements, presque inexistants dans la LNAH.

Si on avait une équipe tout étoile, affirme Alexandre Picard, et qu'on pratiquait pendant un certain temps, je suis sûr qu'on serait capables de jouer contre un club de la Ligue américaine. Peut-être pas les plus forts, mais milieu ou bas de classement.

Le logo des Pétroliers sur la porte donnant accès à leur vestiaire.
Le vestiaire des Pétroliers à Laval est plus beau et spacieux que celui des visiteurs Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

House of Pain
House of Pain

De l’autre côté de la glace, le vestiaire local est plus chic et spacieux, avec un salon des joueurs attenant et quelques vélos stationnaires.

Les Pétroliers ont gardé le surnom du mythique Colisée bien en vue : House of Pain, donné par les frères Morrissette à l’époque du Titan de Laval. Traduction libre : la maison de la douleur.

Un joueur de hockey sur un vélo stationnaire dans vestiaire où l'on voit une affiche sur laquelle il est écrit: House of Pain
L'expression House of Pain est bien en vue dans le vestiaire des Pétroliers. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Ce n’est pas innocent. Ça colle bien à l’identité des Pétroliers, souligne un de leurs proprios.

« Laval a cette étiquette-là d'une équipe robuste. C'est intimidant de venir jouer ici. Mais intimidant, ça ne veut pas nécessairement dire juste l’équipe et les joueurs, nos fans aussi sont intimidants. »

— Une citation de   Lucien Paquette, copropriétaire des Pétroliers de Laval
Des partisans font du bruit avant un match.
La Savage Squad Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

19 h 30. C’est l’heure de l’échauffement. Les partisans s’en donnent à cœur joie, certains plus que d’autres. Ce sont surtout ceux qui se trouvent dans la zone des purs et durs, la Savage Squad.

Il y a le super partisan Danick, avec sa chaîne en or, qui assiste à tous les matchs de l’équipe. Le groupe s’amuse à scander aux joueurs adverses des mots qu’on ne peut écrire ici.

On entend soudainement une clameur dans la foule. Derek Parker, des Pétroliers, vient de marquer un but. Nous sommes toujours à l’échauffement, rappelons-le. Le joueur de 40 ans n’a encore jamais touché la cible dans un match en quatre saisons à Laval.

Pour tout vous dire, son véritable échauffement s’est produit avant de sauter sur la glace… avec des mitaines de frappe.

Le colosse a fait ses débuts dans la LNAH en 2005 avec une saison de 72 combats. Il en a maintenant plus de 500 à son actif en 10 ans. C’est une légende à sa manière et le chouchou du public.

C'est sûr que c'est un gars qui va vendre des tickets parce qu'il y a encore une clientèle pour ce style de joueur, reconnaît Lucien Paquette. Chacune des équipes en a un ou deux parce qu’il y a des gens qui aiment ça.

« Quand Xhekaj lâche les gants, il y a plus de monde debout que pour Caufield qui score un but. La bagarre est là, elle va toujours être là, en autant que ce soit fait de la bonne façon. »

— Une citation de   Lucien Paquette

Lucien Paquette le dit franchement : l’aspect spectacle est important pour lui. Peut-être plus qu’ailleurs dans la ligue, selon plusieurs. Assez pour qu’il fasse venir Derek Parker de la Saskatchewan tous les week-ends pour jouer.

Des joueurs patinent vers la rondelle.
Nathan Larose (no 19) est l'un des quatre universitaires des Pétroliers. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Un vent de jeunesse
Un vent de jeunesse

La première période est ponctuée de quelques échauffourées, mais sans plus. Le rythme est soutenu. À la fin de l’engagement, Nathan Larose, des Pétroliers, ouvre la marque en avantage numérique avec un excellent tir sur réception.

Ce défenseur de 23 ans fait partie de cette nouvelle vague de joueurs que la LNAH attire, c’est-à-dire des étudiants. Après un passage dans la Ligue américaine et l’ECHL, l’athlète de Mirabel est retourné aux études en relations industrielles à l’Université McGill.

Les Pétroliers, qui comptent trois autres universitaires, lui ont soumis une offre l’an dernier, sachant qu’il ne pouvait pas se joindre à l’équipe de McGill à cause de son séjour chez les professionnels. Larose aurait pu tenter sa chance avec les Redbirds cette saison, mais il a préféré la LNAH.

Pour être 100 % franc, j'avais toujours dit : “Je ne jouerai jamais dans cette ligue-là.” Tout ce qu'on voyait sur Internet et tout ce qu'on entendait, ce n’était aucunement dans mes valeurs, admet-il.

L’idée a toutefois fait son chemin quand il a entendu parler des salaires.

« Je pensais qu’ils faisaient moins [d’argent] que ça. En restant au Québec, en restant dans ton milieu familial, tout en ayant des salaires qui peuvent compétitionner avec certaines ligues mineures à travers le monde, je pense que c'est du gagnant-gagnant. »

— Une citation de   Nathan Larose, défenseur des Pétroliers
Un joueur de hockey en rouge dans un vestiaire.
Nathan Larose est étudiant en relations industrielles à l’Université McGill.  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Le défenseur par excellence des deux dernières saisons dans la LNAH constate comme plusieurs qu’il y a de plus en plus de jeunes qui se joignent au circuit pour concilier études et hockey. Auparavant, les nouveaux joueurs de la ligue venaient y déposer leur valise après une longue carrière ailleurs.

Le hockey de la LNAH est aussi moins prenant que le hockey universitaire.

« Jouer au hockey universitaire, c'est un engagement. C'est comme si tu jouais junior majeur, mais tu ajoutes quatre ou cinq cours universitaires à ça. J'aime mieux aller à l'université, avoir la tête tranquille. La fin de semaine, je me concentre sur la LNAH, puis en plus, je suis rémunéré. »

— Une citation de   Nathan Larose

Pierre-Luc Veillette, du Cool FM de Saint-Georges en Beauce, a été doctorant en psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) avant de se réorienter vers la maîtrise en sciences de l’activité physique. Il sent, lui aussi, le virage jeunesse dans la ligue.

Les joueurs se rendent compte que ça peut être une super avenue de pouvoir joindre hockey et études en gardant une vie personnelle, car les engagements [dans la LNAH] sont moindres, dit-il.

Et c’est une bonne façon d’arrondir les fins de mois, estime le joueur de 27 ans.

Les salaires demeurent confidentiels et un sujet tabou entre joueurs. La LNAH nous dit qu’ils touchent entre 200 $ et 600 $ par match. Des joueurs nous ont plutôt parlé de sommes allant de 350 $ à 1000 $.

Comptez 36 matchs, avec un total possible de 55 en se rendant en finale, ça vous donne une bonne idée du revenu d’appoint.

Deux joueurs de hockey se battent.
Sébastien Laferrière (à gauche) et Derek Parker (à droite) se livrent un furieux combat. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Comme une pièce de théâtre
Comme une pièce de théâtre

Dès la mise au jeu après le premier but, Derek Parker et Sébastien Laferrière se mettent au travail. Les gants tombent, les casques aussi.

Les deux s’agrippent au chandail de l’autre et s’échangent quelques furieux coups. Puis Parker fait chuter son rival avant de tomber lui aussi. La sirène du Colisée retentit, la foule exulte. Laferrière lève le poing en guise de victoire et se fera copieusement huer.

Pour le nouveau gardien des Éperviers de Sorel, Philippe Desrosiers, choix de deuxième tour des Stars de Dallas en 2013, la bagarre et le théâtre dans la LNAH, c’est la même chose.

C'est organisé, tu le sais que ça va arriver. Les deux gars qui sont là pour se battre vont se battre. Ça dure 30 secondes, après ça, c'est fini. Puis, il n’y en a plus, explique-t-il.

Le code est clair : les durs à cuire ne s’en prennent qu’aux durs à cuire.

« On pourrait débattre de l’impact d’une bagarre dans un match, mais une chose est certaine, ça met les partisans dans le match et les joueurs respectent ça. »

— Une citation de   Derek Parker, dur à cuire des Pétroliers

Dès qu’il met un patin sur la glace, c’est simple, ses partisans sont sur le bout de leur siège et des caméras de cellulaires s’allument.

Des partisans enthousiastes lèvent les bras en l'air.
Derek Parker est un joueur populaire parmi les partisans à Laval. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Sans dévoiler son salaire, Derek Parker a bien voulu nous dire qu’il est parmi les mieux payés de son équipe. C’est la même chose pour les autres bagarreurs partout dans la LNAH, indique Christian Deschênes, entraîneur-chef, directeur général et copropriétaire des Éperviers de Sorel.

Le risque est toujours présent, lance-t-il. Faire cette job-là, c’est accepter de te présenter le lundi au boulot avec un oeil au beurre noir. Pour les risques de commotion, les coupures, etc., c’est pas cher payé.

Tous les joueurs à qui nous avons parlé acceptent d'emblée cette hiérarchie salariale. C’est amplement mérité, répète-t-on. Nathan Larose dit s’être habitué à ces scènes après s’être posé des questions à ses débuts.

« J’ai été témoin de blessures, puis des fois, tu te dis : “Est-ce que ça vaut vraiment la peine pour X dollars?” Chapeau à ces joueurs-là parce que je ne le ferais même pas pour 5000 piastres. »

— Une citation de   Nathan Larose

Avant même la mise au jeu suivante, c’est au tour de Patrick Bordeleau et de Chris Cloutier de se donner des coups de bâtons et de se chamailler. Une fanfaronnade qui n’impressionnerait pas l'entraîneur Christian Deschênes et son adjoint, eux-mêmes d’anciens joueurs de la ligue. Ils ont connu la période où le jeu était dur, très dur. 

Deschênes l’avoue sans gêne : il n’était pas un ange sur la glace et dérangeait beaucoup. À 1,83 m (6 pi) et 91 kg (200 lb), il était considéré comme petit à l’époque et devait surveiller ses arrières.

« On allait jouer au hockey pour 150 $, puis on risquait notre vie. Une fois, je me suis présenté à une mise en jeu et le joueur de l’autre côté m’a dit : “Fais attention à soir, les propriétaires ont mis 500 $ sur ta tête.” J’ai reçu un double-échec derrière la tête. On a suspendu le joueur au moins trois matchs. »

— Une citation de   Christian Deschênes, entraîneur-chef, directeur général et copropriétaire des Éperviers de Sorel

Sa mère et sa femme n’allaient pas le voir jouer. Mais le public en redemandait.

Des joueurs en rouge célèbrent un but.
Nathan Hudgin a marqué le deuxième but des Pétroliers. Photo : Radio-Canada / Pascal RatthÉ

La LNAH 2.0
La LNAH 2.0

Nous sommes en fin de première période à Laval. Le capitaine des Pétroliers et fils du proprio, Danick Paquette, remet la rondelle à Nathan Hudgin qui double l’avance des siens à 2-0. Il n’en faut pas plus pour que le gardien de Jonquière se fasse narguer par la foule : Bé-ru-bé! Bé-ru-bé!

Parce qu’on joue aussi au hockey dans la LNAH. Selon les données fournies par la ligue, on comptait en moyenne 1,19 combat par match pour la saison 2023-2024.

Le nombre de joueurs ayant accumulé plus de 100 minutes de pénalités en saison est passé de 71 en 2004-2005 à 5 cette saison. Ils étaient 30 il y a 10 ans.

Ce n’est plus des bouffonneries, lance Christian Deschênes. Ce n’est même pas comparable. Le côté danger n’est plus là.

La LNAH suit la tendance des autres ligues. Et l’arrivée des jeunes y est pour beaucoup, selon Alexandre Picard.

« Les jeunes n'ont quasiment pas vécu les bagarres. Ils arrivent du junior, où il y a beaucoup moins de combats parce que c'est sanctionné. Les toughs, on les appelle les dinosaures, parce qu'ils sont en voie d'extinction. »

— Une citation de   Alexandre Picard
Deux joueurs de hockey en blanc pendant une pause.
Alexandre Picard (à gauche) qualifie les bagarreurs de la LNAH de dinosaures Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

À Sorel, par exemple, 19 des 36 matchs des Éperviers cette saison ont été disputés sans laisser tomber les gants. Et on compte maintenant des joueurs à petit gabarit comme Mathieu Ayotte (1,80 m/5 pi 11 po, 75 kg/165 lb). Une chose impensable à l’époque.

Les joueurs unidimensionnels, au coup de patin douteux, ne peuvent plus s’en tirer aussi facilement qu’avant, note Christian Deschênes. À Laval en début de saison, il raconte avoir préféré la finesse à la rudesse.

« Un joueur [un dur à cuire] de Laval embarque, et moi, qui dirige de l’autre côté, j'embarque mon premier trio. Ils se retrouvent dans le pétrin. Dans le fond, ça devient un avantage numérique. »

— Une citation de   Christian Deschênes
Les partisans font la vague.
Les partisans font la vague.  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Début de troisième période au vieux Colisée, Jonathan Joannette porte à 5-1 l’avance de Laval sur Jonquière avec son deuxième but du match sur un retour de tir en avantage numérique.

Dans les gradins, les spectateurs font la vague. Au micro, on vient d’annoncer une foule record de 3029 spectateurs. Et des assistances à la hausse, on les observe partout dans la LNAH cette saison. Le mois dernier, la ligue signalait une augmentation globale de 20 %, les plus grosses foules depuis la saison 2007-2008.

C’est un signe pour plusieurs que les gens répondent bien au changement de la LNAH, que la clientèle change aussi. Lucien Paquette fait remarquer qu’il a vendu 60 forfaits familiaux pour ce match contre les Marquis.

Deux joueurs s'empoignent et se chamaillent après le sifflet de l'arbitre.
Il y a encore des débordements, sur la patinoire et à l'extérieur, dans la LNAH Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Le chantier du commissaire
Le chantier du commissaire

La Ligue nord-américaine veut dépoussiérer son image depuis quelques saisons et impose des sanctions plus sérieuses pour les débordements. La ligue a voulu marquer le coup en recrutant l’an dernier Justin St-Pierre, arbitre de la LNH, à titre de préfet de discipline.

Je le dis aux propriétaires : ils ont beaucoup fait évoluer cette ligue-là, affirme le nouveau directeur général et commissaire par intérim, Jessy Girard. On est loin des premiers coups de patin d’il y a 25 ans.

Arrivé en poste en septembre dernier quand le profil de la saison était déjà établi, Jessy Girard travaille à apposer sa propre couleur à la LNAH.

Il a notamment de sérieux projets d'expansion de deux équipes en vue de la saison prochaine. Une serait établie à Québec (dans deux amphithéâtres) et l’autre à Saint-Hyacinthe. Il y en aurait possiblement une troisième en 2025.

Il veut voir le calibre grimper en faisant place notamment aux jeunes.

Le paquebot change doucement de direction, insiste-t-il, et les gens s’en rendent compte. Il reste que l’image d’une ligue robuste à outrance colle.

« C'est de notre faute. On s'est donné cette image-là. Tu ne veux plus que ce soit ça, mais tu as été ça pendant tant d'années. »

— Une citation de   Jessy Girard, commissaire par intérim de la LNAH

Pour l’ancien gestionnaire principal marketing & développement à Sports Québec, le produit sur la glace fera foi de tout et la façon de le promouvoir aussi.

Je vois passer par exemple une photo ou une image ou une publication d'une de nos équipes avec un joueur de hockey qui n'a pas de gants ni de bâton. Ça ne me dérange pas que tu mettes à l'avant-plan un joueur robuste, mais c'est un joueur de hockey. Il n'est pas habillé en hockey pour nous faire des crêpes le matin.

Des joueurs de hockey dans une mêlée après un sifflet.
La LNAH aimerait dépoussiérer son image en mettant davantage le hockey en valeur. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Un détail nous a toutefois fait sursauter. Si vous allez sur YouTube et faites une recherche avec les mots LNAH bagarres, vous tombez d’abord sur une chaîne qui publie des combats et de scènes violentes de la ligue toutes les semaines.

Cette chaîne est alimentée par un employé de la LNAH, responsable de TV LNAH. Y a-t-il ici un double discours?

Jessy Girard affirme ne pas avoir été au courant de l’existence de cette chaîne, créée avant l’embauche de l’employé, et précise que la ligue ne la cautionne pas.

Ceux qui suivent cette chaîne-là, c'est la base des fans de la Ligue nord-américaine, explique-t-il. Est-ce que l'année prochaine, cette chaîne-là va être encore là? Je ne suis pas prêt à te dire oui.

Mais Jessy Girard ne promet pas qu’elle disparaîtra non plus. Il faut laisser le temps au temps, mentionne-t-il.

Ça ne fera pas disparaître par magie les débordements dans la LNAH. Ils existent encore, comme à Jonquière en novembre dernier, sous les yeux mêmes du préfet de discipline. Deux joueurs de Thetford s’en sont pris à des spectateurs qui les avaient invectivés. Résultat : trois et quatre matchs de suspension.

Le mois d’avant, un joueur de Rivière-du-Loup a écopé d’une suspension de huit matchs (réduite à six matchs) pour des propos discriminatoires envers un rival. Ce n’est pas sans rappeler les gestes et propos racistes dont avaient été victimes Jonathan Diaby et sa famille à Saint-Jérôme en 2019.

Ces malheureux dérapages ramènent la LNAH à son folklore.

« Ça me fâche parce que je trouve que les médias vont rapidement prendre un élément et le positionner comme si c’était ça qu'on est encore. On ne sortira pas un communiqué toutes les semaines pour dire : “Ben non, c'est plus ça, notre ligue!” »

— Une citation de   Jessy Girard
Deux joueurs se battent sous le regard d'un arbitre qui les laisse aller.
Danyck Calgaro, des Pétroliers, et Simon-Claude Blackburn, des Marquis, se battent sur la glace. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Une ligue sans bagarres?
Une ligue sans bagarres?

Nous sommes en fin de match. Laval se dirige vers une victoire de 6-2. Après un geste dangereux de Danyck Calgaro, des Pétroliers, à l’endroit d’un rival, une mêlée générale éclate. Calgaro et Simon-Claude Blackburn jettent les gants pour le deuxième combat de la rencontre. La sirène du Colisée retentit encore une fois.

La LNAH pourrait-elle un jour éliminer ce genre de scène en bannissant les bagarres? Il y a un grand pas qu’on n'est pas prêt à franchir.

Ça donnerait un sérieux coup, croit Benoît Deschamps, joueur de la première heure dans la ligue et maintenant analyste à Laval sur TV LNAH. Mais cette tendance [à la baisse] est amorcée. Est-ce qu'ils vont bannir [les bagarres]? Je ne pense pas.

Un homme, casque d'écoute sur la tête, suit un match de hockey qui se déroule devant lui.
Le descripteur de matchs Benoît Deschamps ne pense pas que les bagarres vont disparaître dans la LNAH. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

La LNAH s'en tient à la réglementation de la LNH sur les bagarres, fait remarquer Jessy Girard.

Est-ce que c'est viable? Oui et non, répond-il. On a encore des gens qui nous suivent pour ça. Mais on a aussi des gens qui nous suivent pour le hockey.

Sauf qu’il y a des équipes où la robustesse est plus ancrée qu’ailleurs, reconnaît le patron de la LNAH, même si elles sont moins nombreuses qu’avant.

Ce copropriétaire des Pétroliers ne croit surtout pas à la disparition des bagarres.

« Quand tu viens à l'aréna, qu’il y a un ou deux combats dans la partie, et que ça finit 5-3, je pense que tu as vu des bons jeux, des buts. Et tu as donné un spectacle complet à toute ta clientèle présente. Il n'y a pas de mal à ça. »

— Une citation de   Lucien Paquette, copropriétaire des Pétroliers
Un homme assis seul dans des gradins rouges.
Lucien Paquette soutient que les bagarres font vendre des billets. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Dans les présentes séries, le deuxième match des demi-finales entre Laval et Rivière-du-Loup a été pour le moins houleux avec des débordements pendant l’échauffement et 163 minutes de pénalité. La LNAH a frappé fort avec un total de 21 matchs de suspension pour les joueurs impliqués.

Ça n’a pas empêché Laval de faire une publication sur ses réseaux sociaux en vue du match suivant en mettant l'accent sur la présence de deux de ses colosses.

C'est important [pour Laval] parce qu’ils jugent que la base de leurs partisans demande ça, souligne Jessy Girard. On va les avoir, les discussions, lors de la prochaine assemblée générale. Ils n'ont pas tort. Mais ils n'ont peut-être pas totalement raison non plus.

Tout le monde est bien conscient qu’à chaque débordement, c’est une prise de plus contre la ligue, Jessy Girard le premier.

« C'est ben plate! Pour moi, c’est beaucoup plus de travail de me retrouver dans une situation comme ça que de tenter de mettre en place deux ou trois nouvelles concessions. Parce qu'à chaque fois, je fais face autant à la critique sociale qu’à la critique des nouveaux partenaires potentiels dans la ligue. »

— Une citation de   Jessy Girard
Un joueur en rouge exulte en tapant la main d'un partisan.
Les partisans des Pétroliers félicitent les joueurs après le match. Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

C’est la fin du match au Colisée de Laval, les partisans saluent leurs favoris, heureux de la victoire de 6-2 des Pétroliers sur les Marquis de Jonquière.

Et qui reçoit la chaîne dorée du super partisan Danick? Derek la légende Parker.

Un joueur de hockey en rouge attrape une chaîne en or lancée sur la glace.
Une chaîne en or en souvenir pour Derek Parker  Photo : Radio-Canada / Pascal Ratthé

Un document réalisé par Radio-Canada Sports

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