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Rendez-vous avec un médecin spécialiste : record de patients traités « hors délais »

Une affiche de salle d'attente.

L'inefficacité du système informatique et le vieillissement de la population seraient à l'origine de grand retard dans le traitement des rendez-vous.

Photo : Radio-Canada

Signe d’un réseau de la santé débordé, près de 60 % des patients québécois attendent au-delà des délais acceptables pour obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialiste. L'inefficacité du système informatique et le vieillissement de la population seraient à l'origine de ce chiffre record.

Parlez-en à Martin Desrosiers, dont le bras gauche est quasi paralysé par une déchirure à l'épaule.

En juin 2023, son médecin de famille a ajouté son nom au Centre de répartition des demandes de service (CRDS), le guichet qui aurait dû lui permettre de voir un orthopédiste en moins d'un mois.

Or, près d'un an plus tard, M. Desrosiers attend toujours sa consultation, dans la douleur.

Martin Desrosiers en entrevue.

Martin Desrosiers attend depuis juin 2023 pour consulter un orthopédiste.

Photo : Radio-Canada

L'entrant excède l'offre

Les médecins spécialistes sont débordés par le nombre de patients du CRDS comme M. Desrosiers, atteste le Dr Rafik Ghali, directeur des affaires professionnelles de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ).

Les données du ministère de la Santé témoignent en effet d'une surcharge : le nombre de Québécois qui attendent un rendez-vous avec un médecin spécialiste est passé de 520 000 en mars 2021 à 824 000 trois ans plus tard.

En 2021, les patients dits hors délais représentaient 50 % du total des personnes en attente d'un rendez-vous avec un spécialiste.

Et aujourd'hui, cette proportion a bondi à 59 %, un sommet.

Tableau des patients hors délais du CRDS.

Près de 60% des patients québécois attendent au-delà des délais acceptables pour obtenir une consultation avec un médecin spécialiste.

Photo : Radio-Canada

C’est évident que l’entrant excède l'offre [...] et je pense que ceci va continuer, parce qu’on a une population vieillissante jumelée à une complexification des pathologies, explique le Dr Rafik Ghali.

Ce n’est pas un manque de volonté de la Fédération des médecins spécialistes : on essaie par tous les moyens d’offrir autant de plages [horaires] qu'on peut pour les patients du CRDS. Mais on a aussi de notre côté un manque de spécialistes, actuellement. Il faut rehausser le nombre de médecins spécialistes pour traiter la population québécoise.

Une citation de Dr Rafik Ghali, directeur des affaires professionnelles de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Système informatique archaïque

Qui plus est, dénonce Dr Ghali, le système informatique archaïque utilisé dans le réseau de la santé complexifie la prise en charge des patients, qui doivent prendre leur mal en patience.

Quand un médecin spécialiste voit un patient du CRDS, ça lui prend les informations : les radiographies, les scans, les prises de sang que le patient a eues, donne-t-il en exemple. Et ça, ça ne suit pas toujours.

L'attente des documents allonge donc les délais avant l'obtention d’une consultation avec un spécialiste, déplore le Dr Ghali.

Même le ministère [de la Santé] admettra que les problèmes informatiques du réseau sont une des raisons pour lesquelles le CRDS ne fonctionne pas optimalement.

Une citation de Dr Rafik Ghali, directeur des affaires professionnelles de la Fédération des médecins spécialistes du Québec
Gros plan sur les mains de médecins en train de remplir des formulaires.

Le système informatique « archaïque » utilisé dans le réseau de la santé complexifie la prise en charge des patients, dénonce le Dr Rafik Ghali.

Photo : Envato

Pour corriger le tir, la FMSQ, la FMOQ et le MSSS travaillent actuellement à moderniser le système informatique en créant un « CRDS 2.0 », mentionne le Dr Ghali. Ce système permettra d’informatiser les formulaires, ce qui simplifiera la tâche aux médecins de famille qui recommandent leurs patients à des spécialistes.

Le Dr Ghali suggère par ailleurs la mise en place dans le réseau d'un système de rappel de rendez-vous par message texte, ce qui permettrait de diminuer le phénomène des absences aux rendez-vous. Ce sont environ 15 à 20 % des patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous, rappelle-t-il.

Diminuer les requêtes superflues

Une autre des solutions pour réduire le temps d’attente est d’offrir aux médecins de famille des outils pour qu’ils diminuent la quantité de requêtes envoyées aux 10 000 médecins spécialistes.

Le CRDS 2.0, une fois mis en place, pourrait ainsi aider les médecins de famille à déterminer si une consultation en spécialité est réellement nécessaire, indique le Dr Ghali.

Le journaliste Davide Gentile a rencontré un patient qui attend depuis plus d'un an un rendez-vous avec un orthopédiste.

Ce dernier explique que le « CRDS 2.0 » élargira l'utilisation du Conseil numérique, un outil lancé en 2021.

Le Conseil numérique permet aux médecins de famille de poser une question clinique à un médecin spécialiste afin d’obtenir une réponse dans un délai de 7  jours. Dans environ 50 % des cas, cela évite une consultation en personne avec le spécialiste, selon le MSSS.

Autrement dit, cet outil permet de donner la réponse rapide à des petits problèmes qui n’ont pas besoin de consultation avec un médecin spécialiste, résume le Dr Ghali.

Bien que les demandes de consultation auprès de médecins spécialistes – justifiées ou non –se multiplient, le Dr Ghali veut éviter de jeter le blâme sur les médecins de famille. La médecine devient plus complexe avec la population vieillissante, tient-il encore à rappeler.

C'est difficile pour eux d’attendre

Le Dr Ghali se dit particulièrement sensible à la réalité des patients hors délais, dont certains se tournent vers le privé pour obtenir une prise en charge plus rapide. Or, Martin Desrosiers, malgré sa douleur à l'épaule, refuse catégoriquement de payer de sa poche une chirurgie au privé.

On a considéré aller au privé, mais c'était 13 ou 14 000 dollars, et ça n'a pas de sens qu'on soit quasiment rendus à considérer de payer une somme comme ça, témoigne la conjointe de M. Desrosiers.

Martin Desrosiers et sa conjointe en entrevue.

Martin Desrosiers, qui a subi une déchirure à l'épaule, et sa conjointe refusent de se tourner vers le privé.

Photo : Radio-Canada

Le Dr Ghali reconnaît que c'est difficile pour eux d’attendre. Un patient qui attend trop longtemps, c'est un patient de trop.

Pour réduire la proportion de patients hors délais, il insiste pour que la FMSQ travaille très fort avec le ministère et la FMOQ pour trouver des solutions. [...] Il faut investir dans le réseau informatique, réitère-t-il.

Bien que la FMSQ travaille d'arrache-pied à la mise en œuvre du « CRDS 2.0 », il y a un bout qui ne nous appartient pas. On met de la pression sur le ministère, dit le Dr Ghali.

La mise en œuvre des programmes, ça reste le travail du ministère et maintenant de l’agence [Santé Québec], conclut-il.

Avec des informations de Daniel Boily et de Davide Gentile

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