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Musée national de l’histoire du Québec : des Premières Nations craignent d’être oubliées

Des travaux devant le pavillon Camille-Roy.

Le reportage de Guylaine Bussière

Photo : Radio-Canada / Frédéric Vigeant

Deux semaines après l’annonce de la création d’un Musée national de l’histoire du Québec, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) rappelle à François Legault que l’histoire du Québec a débuté bien avant l’arrivée des Européens. Elle exige aussi que les Premières Nations aient la place qui leur revient dans le musée.

Par voie de communiqué, l'APNQL estime que le premier ministre a mis de l'avant l'importance de débuter avec Champlain lorsqu'il a dévoilé son projet de Musée national de l'histoire du Québec.

Le 25 avril dernier, François Legault a fait cette déclaration qui pourrait se traduire ainsi, alors qu'il répondait en anglais aux questions des journalistes : Je pense qu’il est important de commencer avec Champlain, au tout début, de montrer comment ce n’était pas facile de survivre en Amérique, une petite minorité qui parle français.

Les propos tenus sont inacceptables. Nous sommes indissociables de l'histoire de cette terre, et l'arrivée de Champlain ne définit pas le Québec. Les Premières Nations sont présentes ici depuis des millénaires et sont profondément attachées à ce territoire qu'elles occupent, s’indigne Ghislain Picard, chef de l’APNQL, dans un communiqué.

Il est impératif pour les responsables du projet de musée d'impliquer activement des historiens autochtones reconnus.

Une citation de Ghislain Picard, chef de l’APNQL, dans un communiqué
Ghislain Picard en conférence de presse.

Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, estime que Québec doit « impliquer activement des historiens autochtones reconnus » dans le projet.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Contexte

Au début de la conférence de presse du 25 avril dernier, François Legault a vanté le fait que le français soit encore parlé au Québec.

Qu'on parle encore français après 400 ans, c'était improbable quand on regarde le contexte. Mais ça a commencé, bon... d'abord avec les explorateurs : Cartier, par après Champlain, qui est le fondateur de notre nation. Il y a eu aussi de grandes bâtisseuses, comme Jeanne Mance, comme Marie de l'Incarnation. On a aussi, puis c'est important de le souligner, la présence des nations autochtones qui étaient là avant nous autres, qui nous ont aidés à travers les années. Ça n'a pas toujours été facile, a-t-il déclaré.

Lorsqu’il a fait la déclaration jugée problématique par l’APNQL, le premier ministre répondait en anglais à une journaliste qui lui demandait pourquoi la création du Musée national de l’histoire du Québec était si importante, alors qu’il existe déjà d’autres musées qui abordent l’histoire et la culture québécoise.

Les Premières Nations associées à la préhistoire du Québec

L’APNQL critique aussi des propos tenus par Éric Bédard, historien et professeur à la TÉLUQ, nommé pour siéger au comité qui se penchera sur le volet historique et numérique du musée.

L'histoire commence avec l'écriture, et avant cela, il y avait la préhistoire, avait-il déclaré lors d'une entrevue avec La Presse le jour de l’annonce. Il s’était ensuite demandé si les Autochtones représentaient en quelque sorte la préhistoire du Québec.

Cette comparaison avec la préhistoire ne passe pas du tout à l’APNQL. Suggérer que nous sommes la préhistoire revient à nous reléguer à un rôle secondaire, alors que notre contribution à la formation du Québec moderne est fondamentale. Ce nationalisme étroit ne représente pas l'histoire du Québec; il omet des pans entiers pour des raisons politiques, s’insurge Ghislain Picard.

Cette citation d’Éric Bédard a été publiée dans un article de La Presse le jour du dévoilement du projet de musée. L’historien était alors questionné sur son mandat à la tête du comité scientifique chargé de déterminer le contenu du musée à ses débuts.

Il affirmait que les concepteurs du musée devraient notamment s'interroger sur l’époque qu’il couvrira, d’où ses interrogations concernant les Autochtones et la préhistoire.

Portrait d'Éric Bédard

L'historien Éric Bédard a refusé d'accorder une entrevue à Radio-Canada en lien avec cette affaire.

Photo : Radio-Canada / Fanny Bourel

Ghislain Picard plaide que la tradition orale autochtone, plus ancienne que l’arrivée de l’écriture au Canada, est déjà admise par les tribunaux au pays. En 1997, dans l’affaire Delgamuukw par exemple, la Cour suprême du Canada avait permis d'admettre en cour des récits oraux à titre de preuves, souligne-t-il.

Éric Bédard a refusé d’accorder une entrevue à Radio-Canada sur le sujet. En entrevue avec Le Devoir mardi matin, il a expliqué que pour étudier l'histoire des peuples autochtones avant le 17e siècle, les historiens se rabattent souvent sur des travaux d’archéologie et d’ethnohistoire, à défaut d’avoir des traces écrites.

Un musée sur la nation québécoise

Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a été questionné sur le sujet dans les couloirs de l’Assemblée nationale mardi midi.

C'est un projet de musée sur l'histoire de la nation québécoise et je pense que c'est important de faire cette distinction-là d'abord. Ce ne sera pas un musée sur l'histoire de l'occupation de la vallée du Saint-Laurent. C'est un musée sur l'histoire de notre nation, la nation québécoise, a-t-il déclaré.

On est très respectueux de l'histoire des Premières Nations elles-mêmes. On est des nations différentes, on travaille de nation à nation, eux-mêmes nous disent qu'ils souhaitent avoir cette posture-là. Ça ne nous empêche pas de travailler avec elles, mais je pense que ça ne nous empêche pas d'avoir un musée sur notre nation, a-t-il poursuivi, admettant qu’il se trouvait en terrain glissant.

Est-ce que c'est envisageable de voir un musée de la nation québécoise arriver sans qu'on ne parle de l'apport des Premières Nations et des Inuit? Évidemment que non. Évidemment, pour moi, les nations autochtones, les Inuit ont influencé l'histoire de la nation québécoise, ils y ont contribué, donc nécessairement, j'imagine bien qu'il y aura aussi cette portion-là qui sera intégrée, a-t-il conclu.

Ces explications laissent Ghislain Picard perplexe. Ça change par rapport à l'annonce qui a été faite par le premier ministre il y a deux semaines, soit un Musée national de l'histoire du Québec.

On aura toujours une réserve par rapport à l'histoire, à la façon dont elle est contée, lorsqu'elle est uniquement contée à travers les yeux du colonisateur, conclut-il.

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