•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

AnalyseProtection du français : le plan de la CAQ en courtepointe

Jean-François Roberge arrive au micro pour présenter son plan.

Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, lors d'une conférence de presse sur le plan de protection du français

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Après avoir fait monter les attentes des Québécois pendant 15 mois, la CAQ a finalement déposé un Plan d’action pour la langue française qui regroupe, pour l'essentiel, soit des mesures déjà annoncées, soit des mesures qui restent encore à être précisées.

On comprend que l’exercice a été difficile à exécuter : le gouvernement voulait annoncer sans tarder des décisions qu’il avait prises – notamment en matière d’immigration et d’enseignement supérieur – et il s’est résolu à le faire avant de déposer son plan. À l’inverse, il avait en tête d’autres initiatives, mais n’a pas voulu retarder la publication du document, même si cela aurait permis de les détailler davantage.

À l’instar du projet de loi 96, adopté par Simon Jolin-Barrette en 2022, le plan d’action chapeauté par Jean-François Roberge ne propose pas une ou deux mesures-phares, mais un assemblage d’actions d’importance et d’impact possible inégaux.

En coulisses, on fait valoir une nouvelle approche : la défense du français ne doit plus être vue comme une question qu’on règle une fois pour toutes grâce à un plan d’action ou à un projet de loi, mais plutôt comme une préoccupation constante qui appelle sans cesse à de nouveaux gestes. Déjà, le ministre Roberge indique que d’autres actions, d’autres mesures risquent fort de vous être présentées [...] à l’intérieur du mandat.

Comme on pouvait s’y attendre, les partis d’opposition dénoncent un plan imprécis et insuffisant. Le gouvernement aurait pu s'éviter bien des critiques en orchestrant mieux sa stratégie dès le départ.

Madwa-Nika Cadet s'adresse aux médias.

« Six ministres, 15 mois, puis on accouche d’une souris », a dit Madwa-Nika Cadet, porte-parole du PLQ en matière de langue française. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Des constats aux actions

Sur le fond, les constats établis dans le document sont en droite ligne avec l’évolution des indicateurs linguistiques présentés ces derniers mois et ces dernières années. On y aborde notamment la question de l’immigration temporaire, dont la forte croissance accentue la pression sur le français.

Début 2024, 560 000 résidents non permanents se trouvaient sur le territoire québécois, selon Statistique Canada. Cela inclut notamment les étudiants étrangers, dont le nombre a beaucoup progressé depuis 20 ans, et que le gouvernement espère attirer davantage dans les institutions francophones que dans les établissements anglophones.

On insiste aussi sur l’influence qu’exercent les géants du web, particulièrement sur la jeune génération. Selon l’Office québécois de la langue française, le tiers des jeunes francophones de 18 à 34 ans consommeraient uniquement des contenus en ligne en anglais.

Actuellement, quand on ouvre Netflix ici, on se retrouve la plupart du temps aux États-Unis [...]. Tentez l’expérience, si vous avez la chance, d’ouvrir Netflix en France. Quand vous faites ça, vous arrivez en territoire français numériquement parlant, a lancé Mathieu Lacombe, enthousiaste.

Le ministre de la Culture a paru très motivé par l’annonce d’un projet de loi qui forcera les géants du web à assurer l’accessibilité et la découvrabilité des contenus culturels francophones.

Il répond à des questions en mêlée de presse à l'Assemblée nationale.

C’est le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe, qui aura le mandat d'obliger les plateformes numériques à mettre en vedette davantage de contenu en français.

Photo : Radio-Canada

Au-delà des formules emphatiques de circonstance sur l’importance du français, il faudra voir jusqu’où le gouvernement pourra ou voudra aller concrètement. S’il entend se donner de nouveaux leviers, ces derniers ont aussi leurs limites. En matière d’immigration temporaire, bien des décisions se prendront à Ottawa. Et au chapitre du contrôle des plateformes numériques, la tâche s’annonce ardue.

Québec plaide pouvoir agir en vertu de ses compétences en matière de langue et de culture, mais des joueurs de l’industrie feront sans doute valoir que les télécommunications relèvent du gouvernement fédéral.

C’est sans compter que certaines entreprises ne montrent pas beaucoup d’empressement à appliquer les lois déjà adoptées par le gouvernement fédéral dans le même domaine. Le refus de Meta de négocier avec les groupes de presse, comme le prévoit la Loi sur les nouvelles en ligne, en est probablement la meilleure illustration.

Des mesures incitatives

Pour le reste, les nouvelles mesures proposées risquent de laisser sur leur faim ceux qui croient moins en la sensibilisation qu’en la coercition.

Le document utilise des formules comme promouvoir et faire rayonner la recherche en français, mettre en place des comités de travail avec les partenaires dédiés à la maîtrise du français des étudiants québécois ou encore assurer un leadership pour favoriser la diversité des contenus.

Le ministre Roberge a d’ailleurs confirmé que son gouvernement n’entend pas légiférer pour l’instant, hormis pour le projet de loi que portera son collègue Lacombe au sujet des plateformes numériques.

Il promet, en contrepartie, de rendre publics, sur une base périodique, une série d’indicateurs documentant la situation linguistique et son évolution. Ces derniers s’ajouteront aux travaux du Commissaire de la langue française, nouveau chien de garde en la matière. Bref, la pression se maintiendra sur le ministre et sur l’ensemble du cabinet.

Ces derniers mois, chaque fois qu’une statistique ou qu’un événement soulevait des inquiétudes sur l’avenir du français, les membres du gouvernement utilisaient le plan à venir comme bouclier pour se protéger des critiques. Cette défense ne pourra dorénavant plus être invoquée.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.