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Les mots, au cœur des créations de Jean-Pierre Ferland

Jean-Pierre Ferland sourit.

Jean-Pierre Ferland, en 1987, alors qu'il animait l'émission L'autobus du show-business.

Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty

On se souvient de son album Jaune. On se souvient d’Une chance qu’on s’a, d’Un peu plus loin, du Petit roi. On se souvient de Jean-Pierre Ferland l’amoureux, l’interprète ou même l’animateur et le coach à La voix. Mais, 450 chansons et plus de 60 ans de carrière plus tard, que retenons-nous de Jean-Pierre Ferland, le créateur, l’artiste, le parolier?

En entrevue à Radio-Canada, de nombreux compositeurs, artistes et souvent amis de longue date de Jean-Pierre Ferland ont voulu souligner l'apport artistique du « petit roi », de ses paroles à son intensité créatrice.

Des mots simples

Le compositeur Alain Leblanc a collaboré avec Jean-Pierre Ferland. Ensemble, ils ont travaillé sur l’album Écoute pas ça, qui comprend la chanson Une chance qu’on s’a, une des plus célèbres du répertoire du chanteur, qui avait été inspirée par la mort de son chien.

Pour Alain Leblanc, cette collaboration a été la chance d’une vie.

C’est le genre de projet que t’essaies pas de refaire une deuxième fois, parce que c’est impossible. Tout a convergé dans un succès qu’on ne soupçonnait pas à l’époque.

Une citation de Alain Leblanc, compositeur

En entrevue avec Anne-Marie Dussault, le compositeur assure qu’au cœur du succès de cette œuvre se trouve la plume de Jean-Pierre Ferland.

En général, Jean-Pierre avait ce talent-là d'utiliser des mots simples, mais en même temps, les images qui se créaient avec tout ça, les gens se reconnaissaient là-dedans.

Pour Alain Leblanc, collaborer avec Jean-Pierre Ferland sur l'album « Écoute pas ça » et la chanson « Une chance qu'on s'a » a été la « chance d'une vie ».

Alain Leblanc est loin d’être le seul à partager cet avis. Les compositeurs sont nombreux à saluer le legs poétique du chanteur.

Aux yeux de Paul Baillargeon, Jean-Pierre Ferland est ni plus ni moins le plus grand parolier avec qui il a travaillé. Celui qui a travaillé avec lui sur le double album Soleil croit qu’un des talents de Jean-Pierre Ferland est de pouvoir cristalliser l’esprit d’une chanson en une seule phrase.

"Méchant amour, c’est pas la mort, c’est encore pire" : une fois qu’il a dit ça, la chanson est faite!

Une citation de Paul Baillargeon, compositeur

Des propos que corrobore Pierre Huet, membre du groupe Beau Dommage et admirateur de longue date de Jean-Pierre Ferland.

Jean-Pierre Ferland, c’est des "one-liners". Quand t’entends la phrase "Le petit roi" ou "Je sors de Sing sing", tu as une phrase et tu as la chanson. Et ça, c’est le métier de chansonnier.

Une citation de Pierre Huet, membre du groupe Beau Dommage

Il a rendu la chanson québécoise populaire au sens le plus pur, au sens le plus complet, au sens le plus global. Et ça se voit dans son vocabulaire. Ce n’est pas un vocabulaire qui cherche à être poétique ou littéraire. C’est un vocabulaire qui est toujours simple, mais qui résonne, qui a une valeur acoustique, estime pour sa part l’auteur-compositeur Stéphane Venne.

Il ne faut jamais oublier la portée poétique de son travail. Au début, il voulait vraiment s’inscrire dans une forme de poésie vocale, et c’est pour ça aussi que c’est un grand parolier, explique Danick Trottier, professeur de musicologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

L'auteur-compositeur-interprète d'exception Jean-Pierre Ferland, décédé samedi à l'âge de 89 ans, est à l’honneur sur toutes les plateformes de Radio-Canada. Voici un aperçu de la programmation consacrée à la mémoire du petit roi de la musique québécoise.

Des collaborations fructueuses

Au-delà des textes de Jean-Pierre Ferland, Danick Trottier juge que le milieu d’ébullition intellectuel et artistique dans lequel il se trouvait à l’époque a certainement contribué à la création de chansons originales.

Ferland [apprenait] aux côtés des autres, et les autres [apprenaient] auprès de Ferland, résume-t-il, en référence au regroupement musical Les Bozos, dont il faisait partie.

Claude Léveillée, Jacques Blanchet, Clémence DesRochers, Hervé Brousseau et Jean-Pierre Ferland.

Les Bozos (Claude Léveillée, Jacques Blanchet, Clémence DesRochers, Hervé Brousseau et Jean-Pierre Ferland) le 16 octobre 1961.

Photo : Radio-Canada / Henri Paul

Parce que si Jean-Pierre Ferland a su écrire des textes originaux et marquants, il a aussi su bien s’entourer sur le plan musical.

Il a toujours eu de bons pianistes avec lui, et il a su s’entourer de ce qu’il fallait pour la musique, juge ainsi le pianiste François Cousineau, qui a composé de nombreuses pièces pour Jean-Pierre Ferland.

[Il avait] le talent de collaborer avec des musiciens qui ne lui ressemblaient pas nécessairement toujours.

Une citation de Pierre Létourneau, compositeur qui a côtoyé Jean-Pierre Ferland

En entrevue à Radio-Canada, plusieurs compositeurs se sont remémoré des séances de travail – parfois improvisées et parfois très intenses – avec le chanteur.

Ce dernier avait souvent des couplets, des idées, mais il n’arrivait pas toujours à les traduire en mélodie.

Quand il avait un flash, il partait de Saint-Norbert. Il m’appelait : "Es-tu là? Oui?" Et il s’en venait. Il venait me dire : "En femme ou en enfant/Les cheveux longs ou courts /T'es belle pour longtemps /T'es belle pour toujours… Aimes-tu ça? Merci." Et il repartait à Saint-Norbert, relate François Cousineau.

Le pianiste François Cousineau a composé de nombreux morceaux pour Jean-Pierre Ferland.

Selon Alain Leblanc, la flexibilité donnée aux compositeurs explique aussi le succès des collaborations de Jean-Pierre Ferland.

Comme compositeur, quand tu te fais dire : "Je veux pas tourner à la radio, je veux pas vendre. On va faire des chansons de 7-8 minutes." Ça ouvre la porte à une créativité qui est débordante.

À cela s’ajoutait une certaine confiance, voire une admiration, accordée par Ferland aux compositeurs avec qui il travaillait.

Il me disait : "T’es extraordinaire, tu t’assois au piano et tu fais vivre mes textes." Je disais : "C’est tes textes qui font vivre mes mélodies. Pas de texte, pas de mélodie", raconte Paul Baillargeon.

Le grand chansonnier québécois a marqué la musique bien au-delà de son créneau et de son territoire. La preuve : cette liste d'écoute, avec ses inoubliables morceaux ainsi que l'étonnante gamme de reprises qu'ils ont inspirée aux quatre coins du monde.

L'héritage de Félix Leclerc

Le professeur en musicologie Danick Trottier croit que Jean-Pierre Ferland a été inspiré par le travail des chansonniers français, mais aussi par Félix Leclerc.

Selon lui, ce sont ces inspirations qui l'auraient mené vers ce mariage parfait entre texte et musique.

Jean-Pierre Ferland, assis, guitare à la main, chante dans un micro.

De nombreux compositeurs se rappellent des séances de travail, parfois improvisées et très intenses, avec le chanteur.

Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty

L’influence de Félix Leclerc sur Jean-Pierre Ferland est incontestable. L’admiration de Ferland à l’égard de Leclerc était indubitable.

Par exemple, Les Bozos, le nom de ce groupe musical dont faisait partie Jean-Pierre Ferland, était directement tiré de la chanson Bozo, de Félix Leclerc.

Aussi, ciblé un jour à son insu par l’émission Surprise sur prise, Jean-Pierre Ferland avait, à bord d’un bateau, consenti à ce qu’on laisse tomber sa voiture dans l’eau, mais ce, à une seule condition : qu’on lui permette d’aller chercher le nouveau disque de Félix Leclerc, laissé à l’intérieur.

Au-delà des anecdotes, l’admiration entre les deux hommes semblait toutefois bien réelle et réciproque, selon le réalisateur et metteur en scène Pierre Séguin.

Quand Félix Leclerc a décidé d’arrêter de chanter, il est allé porter un disque [...] à Jean-Pierre sous sa porte et lui a écrit : "J’ai bâti une belle maison, la clef est sous le paillasson", en voulant dire qu’il lui léguait l’espèce de devoir de continuer son œuvre.

Une citation de Pierre Séguin, réalisateur et metteur en scène

Le legs de Ferland

Si Félix Leclerc a su laisser sa marque auprès de Jean-Pierre Ferland, ce dernier a, lui aussi, laissé la sienne auprès d’autres artistes québécois.

Je ne serais pas le musicien que je suis aujourd’hui sans Jean-Pierre Ferland, résume tout simplement Daniel Mercure, proche collaborateur du chanteur pendant près d’une dizaine d’années.

Le chef d’orchestre et compositeur Daniel Mercure se souvient de son ami comme de « quelqu’un d’aimant et de souriant ».

Pour Pierre Huet, membre de Beau Dommage, l’influence de Ferland sur son groupe est sous-estimée.

On parle souvent des influences que Beau Dommage a pu avoir des Beatles. Mais nos disques de chevet, quand on grandissait, c’était [du Ferland]. Ce sont nos disques de formation.

Une citation de Pierre Huet, admirateur de longue date de Jean-Pierre Ferland et membre du groupe Beau Dommage

Celui qui a déjà travaillé avec Offenbach voue une admiration pour la multidisciplinarité du chanteur, sa mise en scène et sa production.

C’est un artiste de variétés. Avant Ferland et Charlebois, au Québec, tu étais soit yéyé, soit chansonnier. Ces deux-là ont mêlé les deux.

Le meilleur et pire compliment que je peux lui faire, c’est que, dans les sondages, [l’album Jaune] bat toujours le disque de Beau Dommage, lance-t-il aussi à la blague.

Avec les informations d'Anne-Marie Dussault, de D'abord l'info et de Dessine-moi un matin

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