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Budget fédéral : plus de dépenses, mais une économie plus résiliente que prévu

Un air d’optimisme soufflait sur Ottawa mardi avec le dépôt du budget fédéral 2024. Le gouvernement dépense davantage, certes, mais dans une économie en meilleure posture qu'il y a six mois.

Chrystia Freeland marche en parlant.

Chrystia Freeland, ministre des Finances du Canada, sur la Colline à Ottawa, le 16 avril 2024

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

La météo semblait complice en cette journée budgétaire à Ottawa. Le soleil rayonnait sur la capitale fédérale, alors que la ministre des Finances et vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, tout sourire, déposait son budget de plus de 480 pages au Parlement.

Cette journée est venue couronner trois semaines d’effeuillage lors desquelles le gouvernement de Justin Trudeau a dévoilé des dizaines d’initiatives de plusieurs milliards de dollars.

Les attentes n’étaient donc pas élevées en ce qui concerne les annonces, dont une grande partie avait déjà été révélée, mais l’effet surprise était quand même au rendez-vous : contrairement aux prévisions du directeur parlementaire du budget, le déficit n’a pas augmenté plus que ce qui était prévu par le gouvernement à l’automne dernier.

Le seuil de 40 milliards de dollars n’a ainsi pas été dépassé, alors que les prévisions avaient anticipé une augmentation du déficit pouvant atteindre 46,8 milliards de dollars si aucune nouvelle mesure n’était introduite.

Budget fédéral 2024

Consulter le dossier complet

La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, est vue lors d'une conférence de presse, à Ottawa, le mardi 5 décembre 2023.

Selon des experts, deux facteurs ont contribué au maintien du déficit budgétaire à ce niveau : la reprise de l’économie canadienne, d’une part, et la hausse du taux d’imposition sur les gains en capital des contribuables les plus riches, des sociétés et des fiducies.

L’économie canadienne affiche des résultats qui dépassent les attentes, indique d’entrée de jeu le plan budgétaire fédéral.

Malgré la hausse des taux d’intérêt, le Canada a évité la récession que certaines personnes avaient prédite. [...] Le PIB réel a augmenté de 1,1 % en 2023, un résultat trois fois plus élevé que les prévisions du budget de 2023 (0,3 %).

Une citation de Extrait du budget 2024

Le taux d’inflation est ainsi passé d’un sommet de 8,1 % en juin 2022 à 2,9 % en janvier, à 2,8 % en février, avant de repasser à 2,9 % en mars, selon les dernières données de Statistique Canada, publiées mardi, quelques heures avant le dépôt du budget fédéral.

La ministre Freeland posant avec le premier ministre Justin Trudeau à l'occasion du dépôt du budget 2024.

La ministre Freeland posant avec le premier ministre Justin Trudeau à l'occasion du dépôt du budget 2024.

Photo : The Canadian Press / Justin Tang

Pour expliquer la baisse du taux d’inflation, le gouvernement fait valoir la chute des prix de l’énergie et l’atténuation des problèmes dans les chaînes d’approvisionnement mondiales qui étaient survenus après la pandémie et qui ont été accentués lors de l’invasion russe en Ukraine.

Parmi les autres facteurs qui ont contribué à l’amélioration des résultats de l’économie canadienne, le gouvernement évoque la croissance aux États-Unis qui, elle aussi, a été plus importante que prévu.

La croissance chez le voisin américain a entraîné une forte demande externe de biens et de services canadiens et favorisé les investissements directs étrangers au Canada, qui ont considérablement stimulé l’économie canadienne au cours de la dernière année, peut-on lire dans le budget intitulé Une chance équitable pour chaque génération.

Sans surprise, le total des dépenses, comprenant les charges de programmes et les frais de la dette publique, augmentent d’année en année, passant de 473,5 milliards de dollars en 2022, à 497,5 milliards en 2023 et 534,6 milliards en 2024. C’est une hausse de 8 % en 2024 par rapport au budget 2023.

Entrevue avec la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland

Les plus nantis devront payer plus

Pour augmenter ses revenus, le gouvernement augmentera le taux d’imposition sur les gains en capital des plus nantis dès le 25 juin 2024.

Même si l’ensemble de la population peut bénéficier de l’avantage fiscal sur les gains en capital, les riches, qui, de manière générale, gagnent relativement plus de revenus des gains en capital, en tirent des avantages disproportionnés par rapport à la classe moyenne, indique le rapport budgétaire. En 2021, la tranche de 1 % supérieure des mieux nantis a gagné 10,4 % de tous les revenus au Canada; une fois les gains en capital pris en compte, la proportion passe à 13,4 %.

Des exemplaires du budget dans les deux langues officielles.

Des exemplaires du budget 2024 présentés aux médias, à Ottawa.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

En vertu du régime actuel, des personnes riches peuvent bénéficier d’un taux marginal d’imposition plus faible sur leurs gains en capital que ce que les travailleuses et les travailleurs de la classe moyenne doivent payer sur leurs gains, poursuit le document. Par exemple, une infirmière en Ontario gagnant 70 000 $ serait assujettie à un taux marginal fédéral-provincial combiné de 29,7 %. En comparaison, une personne riche de l’Ontario dont le revenu s’élève à un million de dollars se verrait imposer un taux marginal d’imposition de 26,8 % sur ses gains en capital.

Le budget de 2024 annonce que le gouvernement entend augmenter le taux d’inclusion des gains en capital supérieurs à 250 000 $ réalisés annuellement par des particuliers et de tous les gains en capital réalisés par des sociétés et des fiducies de la moitié à deux tiers, en modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, à compter du 25 juin 2024.

Une citation de Extrait du budget 2024

Dans son discours devant la Chambre, Mme Freeland a lancé un message aux plus riches, les invitant à ne pas ressentir de l’amertume face à cette nouvelle mesure. Dans quel Canada voulez-vous vivre?, a-t-elle demandé. Voulez-vous vivre dans un pays où les enfants vont à l'école affamés? Voulez-vous vivre dans un pays où les jeunes Canadiens qui peuvent acheter leur propre maison sont ceux qui ont des parents qui peuvent les aider avec la mise de fonds?

Gérald Fillion est assis sur un bureau dans la salle réservée aux médias lors du budget à Ottawa.

La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a déposé un budget déficitaire de 40 milliards de dollars. L’analyste économique Gérald Fillion a épluché le document de près de 500 pages.

Photo : Radio-Canada

De nouvelles annonces sur le logement

Comme prévu, la part du lion du budget a été consacrée au logement, alors que le pays connaît l’une des pires crises de son histoire.

À l’échelle nationale, le coût du loyer a augmenté de 8,2 % par rapport à l’année précédente, sa hausse la plus rapide depuis le début des années 1980, précise le budget.

La ministre Freeland essaie des chaussures noires.

Perpétuant une tradition prébudgétaire, la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, essaie de nouvelles chaussures. Cette année, elle a choisi une paire de la boutique montréalaise Maguire qui présente ses produits comme étant « de qualité », mais à des « prix justes ».

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Le gouvernement envisage ainsi de réduire les obstacles qui entravent la construction de nouveaux logements par les constructeurs, à construire des logements abordables, à fournir un toit aux personnes qui n’en ont pas, et à permettre plus facilement d’être propriétaire ou locataire.

Le gouvernement libéral propose aussi de présenter un projet de loi visant à faciliter l’acquisition et l’utilisation de terrains publics pour le logement, en partenariat avec d’autres ordres de gouvernement.

Les libéraux espèrent rendre disponible 3,87 millions de nouveaux logements d’ici 2031.

La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) estimait de son côté en septembre dernier que le Canada devrait construire 3,5 millions de logements supplémentaires d'ici 2030 pour rétablir l'abordabilité aux niveaux très favorables de 2003-2004.

Le reportage de Christian Noël

Peu d'initiatives environnementales

À part les mesures déjà annoncées en lien avec la défense, l’innovation et la santé, le gouvernement prévoit aussi d’établir la prestation canadienne pour les personnes handicapées, d’aider les parents à épargner pour les études de leurs enfants, de renforcer le Régime de pensions du Canada, de rendre plus abordables les services Internet et de téléphonie résidentielle et cellulaire, en plus de sévir contre les vols d’automobiles en modifiant le Code criminel et la Loi sur la radiocommunication.

Les annonces environnementales ont été plutôt rares cette année. Le gouvernement continue de miser sur la tarification du carbone, notamment pour les petites entreprises. Environ 600 000 sociétés ayant 499 employés ou moins pourront ainsi profiter de la remise sur le carbone au moyen d’un nouveau crédit d’impôt remboursable. Cette mesure permettrait de fournir plus de 2,5 milliards de dollars directement aux petites et moyennes entreprises canadiennes, indique le rapport.

Des tuyaux sont en train d'être mis en terre lors de la construction d'un pipeline.

Trans Mountain est le seul pipeline transportant le pétrole de l'Alberta vers la Côte Ouest. (Photo d'archives)

Photo : Twitter @TransMtn

En contrepartie, le gouvernement espère générer des revenus grâce au secteur pétrolier et gazier, alors que le projet d’agrandissement du pipeline Trans Mountain touche à sa fin. Malgré les retards et le coût élevé du projet, les répercussions devraient être positives pour les Canadiens, espère le gouvernement libéral, qui précise que la mise en œuvre du pipeline est prévue en mai.

Les mesures visant les Autochtones sont elles aussi en deçà des attentes des Premières Nations, surtout en matière de logement.

Un budget à saveur électorale

Pour l’économiste indépendant Jean-Pierre Aubry, le budget 2024 est clairement à saveur électorale. Le gouvernement dépense sur une foule de projets, mais on a très peu d’informations sur ce qu’il en sera à long terme, dit-il en entrevue à Radio-Canada.

Nous sommes beaucoup en mode réaction et beaucoup moins en mode planification, alors qu’il faut penser au vieillissement de la population, à la gestion des nouveaux arrivants… On ne voit pas de planification dans ce budget.

Une citation de Jean-Pierre Aubry, économiste
M. Aubry est interviewé dans le parlement d'Ottawa.

Jean-Pierre Aubry, économiste

Photo : Radio-Canada

Il estime que le gouvernement est assez optimiste. Les libéraux sont bien contents de garder le ratio de la dette au PIB à 40 [milliards de dollars], ça leur donne une marge au cas où d’autres opportunités de dépenses [surviennent], ce qui sera bien perçu avec les élections qui s’en viennent. Ils espèrent ainsi se faire réélire.

Dans son discours devant la Chambre, Mme Freeland en a d’ailleurs profité pour écorcher le Parti conservateur de Pierre Poilievre, l’accusant de vouloir couper dans les services aux Canadiens.

Selon [les conservateurs], le gouvernement doit en faire juste un peu, puis un peu moins, pour finalement en faire le moins possible, ou ne rien faire du tout. [...] Soyons honnêtes sur ce que l’austérité signifierait pour les Canadiens : cela signifie que vous êtes seuls.

Une citation de Extrait du discours de la ministre des Finances Chrystia Freeland

La « collaboration » avec les provinces

M. Aubry, un ancien cadre de la Banque du Canada, se dit par ailleurs inquiet de l’ingérence du fédéral dans les champs de compétence des provinces.

En effet, plusieurs des mesures annoncées dépendent largement des provinces et territoires. C’est notamment le cas pour les initiatives en lien avec le logement, la santé, le commerce ou encore la reconnaissance des diplômes étrangers.

Le fédéral aurait dû discuter avec les provinces avant d’inclure ces mesures dans son budget, estime M. Aubry. Les provinces ont déjà annoncé leur budget, et le fédéral arrive à la fin pour leur dire : voici toutes les nouvelles mesures. Ce n'est pas comme ça qu'on gère un pays. [...] Il n’y a pas de cogestion des crises.

C’est comme si [les libéraux] donnaient des ordres aux provinces, ajoute-t-il.

Cadres financiers - Luc Godbout

Le fiscaliste Luc Godbout.

Photo : Radio-Canada

Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, est quant à lui plus conciliant, affirmant que la hausse du taux d’imposition sur les gains en capital va, au final, rapporter de l’argent à toutes les provinces.

Les provinces canadiennes vont être obligées de s’harmoniser à ça, dit-il à Radio-Canada. Même le Québec, qui a sa propre autonomie avec Revenu Québec, va s'harmoniser aussi, c’est sûr. Ça va aider à combler les déficits des provinces et peut-être favoriser aussi la collaboration.

Il rappelle enfin que Chrystia Freeland a tout de même respecté les ancrages fiscaux qu’elle s’était fixés, dont le maintien du déficit à 40 milliards de dollars.

Le gouvernement a gagné son pari, confirme M. Aubry. Mais reste à savoir, selon lui, si la croissance économique va bien résister à l’épreuve du temps.

Parmi les mesures annoncées sur le logement :

  • Création d’un Fonds canadien pour les infrastructures municipales avec un investissement de 6 milliards de dollars pour accélérer la construction de nouvelles résidences à travers le pays;

  • Modification de la charte hypothécaire canadienne afin qu’elle tienne compte du paiement des loyers à temps dans le calcul de la cote de crédit des locataires;

  • Création d’un nouveau Fonds de protection des locataires d’une valeur de 15 millions de dollars pour prévenir les hausses injustes de loyer ou encore les « rénovictions »;

  • Mise en place d’une charte des droits des locataires du Canada, en collaboration avec les provinces et les territoires. Les propriétaires devraient alors fournir un historique clair des prix des loyers, afin que les locataires puissent négocier équitablement;

  • Faciliter l’accès à la propriété et aider les propriétaires en prolongeant notamment la période d'amortissement du prêt hypothécaire jusqu’à 30 ans pour les acheteurs d’une première maison neuve.

Parmi les autres initiatives annoncées récemment, l’on retrouve :

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