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Le milieu des arts vivants retient son souffle à l’approche du budget fédéral

Trois hommes vêtus de chapeaux, de capes et d'épées.

Des organismes culturels dans les domaines du théâtre et de la musique craignent pour le futur des arts vivants. (Photo d'archives)

Photo : Dylan Hewlett

Le milieu des arts de la scène canadien peine toujours à se remettre sur pied après la fin de la pandémie de COVID-19. À la veille de la présentation du budget 2024 de l’administration Trudeau, des organismes culturels espèrent que le Conseil des arts du Canada recevra un coup de pouce financier. Tour d’horizon de la situation au Manitoba.

Nous avons toujours su que les arts du spectacle seraient ceux qui connaîtraient la reprise la plus lente de tous les arts, affirme la directrice générale de l’Orchestre symphonique de Winnipeg, Angela Birdsell.

Depuis plus d’un an, elle milite pour que les difficultés qui frappent les arts de la scène soient reconnues par les différents ordres de gouvernement.

À l’Orchestre symphonique, de nombreux ajustements ont été nécessaires cette année pour faire face à d'importantes difficultés financières.

Nous avons radicalement changé notre programmation, déclare Mme Birdsell.

Elle souligne également que l'organisme a diminué le nombre de musiciens qu’il engage annuellement et réduit le nombre de représentations pour certains spectacles. Cela ne sera toutefois pas suffisant pour demeurer à flot l’an prochain, selon elle.

Nous ne voyons pas comment nous allons nous en sortir l'année prochaine sans un soutien supplémentaire de la part des gouvernements. [...] Nous sommes donc très très inquiets pour l'année prochaine et nous sommes très anxieux par rapport au budget fédéral.

Une citation de Angela Birdsell, directrice générale de l'Orchestre symphonique de Winnipeg

De même, d'autres organismes culturels de Winnipeg ont dû faire des choix difficiles cette année. Le Prairie Theatre Exchange a annoncé à la fin janvier une restructuration de ses effectifs.

Nous avons choisi de restructurer l'entreprise de manière à ce que l'art que nous pratiquons dicte la main-d'œuvre dont nous avons besoin, explique la directrice générale du théâtre Lisa Li.

Nous espérons que nous sortirons éventuellement de cette situation, que notre budget sera de nouveau équilibré et que nous serons en mesure de réembaucher une partie de l'équipe que nous avions dans le passé, ajoute-t-elle.

Lisa Li pose devant le logo du Prairie Theatre Exchange.

La directrice générale du Prairie Theatre Exchange a dû procéder avec son collègue de la direction artistique à une restructuration de l'équipe du théâtre.

Photo : Radio-Canada / Véronique Morin

Du côté francophone, la directrice artistique du Théâtre Cercle Molière, Geneviève Pelletier, souligne la fragilité de son milieu.

Il y a beaucoup d’incertitudes. C’est encore un peu fragilisé, il faut vraiment le dire comme ça dans le secteur, dit-elle.

Inquiétudes au Conseil des arts

Les travailleuses culturelles interrogées demeurent tout de même réalistes : il semble difficile d’envisager des hausses substantielles au Conseil des arts du Canada (CAC) puisque la fin des aides financières liées à la COVID-19 a mené à une diminution du budget de cette société d'État.

Selon le plus récent rapport financier du CAC, publié en décembre 2023, dans les neuf premiers mois de l'année financière 2023-2024, la société d'État a versé 232 millions $ aux acteurs du milieu culturel canadien, soit près de 40 millions $ de moins que durant la même période l'année précédente.

Le CAC devra d’ailleurs se serrer la ceinture de nouveau en raison des coupes budgétaires demandées par le gouvernement fédéral aux sociétés de la Couronne. Au cours des trois prochaines années, son budget annuel sera réduit de près de 21 millions $.

Le Conseil des arts du Canada

Le Conseil des arts du Canada devra couper 21 millions $ de son budget sur trois ans.

Photo : Radio-Canada / Alexander Behne

À ce contexte, s’ajoute une demande accrue de subventions. En 2023-2024, le CAC a reçu près de 25 000 demandes de subventions. Parmi ces dernières, 6344 ont été approuvées. Le taux de réussite est donc de 25 %, ce qui est très bas selon la directrice générale par intérim pour la division des programmes de subventions des arts au Conseil des arts du Canada, Lise Ann Johnson.

Il y a quelques années, le taux de succès général était plus à peu près 50 % pour les programmes de recherche et création, explique-t-elle.

Selon elle, les demandes ont plus que doublé depuis 2017, ce qui explique le faible taux de réussite. Pour certains programmes de subventions, tel qu’Explorer et créer, les demandes ont plus que triplé.

C'est un peu une tempête parfaite, dit Mme Johnson.

Le contexte inflationniste est également un enjeu supplémentaire, car chaque demandeur a besoin de plus d'argent.

Un secteur confronté à la précarité

Lise Ann Johnson se dit particulièrement inquiète pour le milieu culturel.

Je pense vraiment que c'est un secteur qui est en danger. C'est un secteur qui vit un moment très difficile et ça implique les artistes et les organismes et les travailleurs culturels. Vraiment j'ai peur pour la génération qui suit.

Une citation de Lise Ann Johnson, directrice générale par intérim pour la division des programmes de subventions des arts au Conseil des arts du Canada

La chercheuse associée au Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail, Laurence Dubuc, s’intéresse à la précarité des artistes depuis plus de 10 ans. Elle est aussi directrice adjointe de l'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick.

Selon elle, les aides financières versées pendant la pandémie sont toujours essentielles aujourd’hui.

Ces aides financières supplémentaires, elles répondaient déjà à des besoins de financement, donc ce n'était pas de l'extra, c'était vraiment de l'argent dont tout le monde avait besoin. Et là on retire ces aides-là, déplore-t-elle.

Dans un contexte d'augmentation de l'inflation, de pénurie de main-d'œuvre, ça crée encore plus de dysfonctionnements, ajoute Mme Dubuc.

Un lent retour du public

Au-delà de l’aide financière, ce sont les changements dans les habitudes du public qui affectent le milieu du spectacle.

Du côté du Royal Manitoba Theatre Centre, la directrice générale Camilla Holland rapporte une perte de 3000 abonnés entre la période prépandémique et la saison actuelle. Le public préfère aujourd’hui acheter ses billets à la dernière minute, selon elle.

Je récupère [les ventes] lentement avec les ventes de billets individuels. C'est une voie coûteuse et plus risquée, mais c'est la voie que nous avons à suivre, constate-t-elle.

À l’Orchestre symphonique, Angela Birdsell remarque une différence dans le type de billets qui sont achetés.

Ce que nous constatons, c'est que les billets à prix plus élevé ne sont pas achetés, mais que davantage de personnes achètent des billets à bas prix, explique-t-elle.

L'Orchestre symphonique de Winnipeg performe à la salle du Centenaire à Winnipeg.

L'Orchestre symphonique de Winnipeg a dû réduire temporairement le nombre de musiciens qu'il emploie. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Teghan Beaudette

Incertitudes au TCM

Le Théâtre Cercle Molière se prépare pour une nouvelle saison théâtrale qui pourrait être compliquée. Si 2023-2024 a été faste pour son théâtre en raison du financement pour la relance économique, le budget ne sera pas aussi élevé pour la saison à venir.

Différentes solutions sont sur la table pour s’attaquer à cette baisse des revenus.

Ce qui est à considérer c'est possiblement une restructuration interne des ressources, je pourrais dire des ressources humaines. Aussi, de rétrécir quelque peu la programmation, dit Mme Pelletier.

Le Théâtre prévoit d’ailleurs changer son système de billetterie pour s’adapter à ce nouveau contexte.

Une femme se tient debout dans l'entrée d'un théâtre.

Geneviève Pelletier est la directrice artistique du Théâtre Cercle Molière. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Trevor Lyons

Mme Pelletier considère aussi la diversification des partenariats et des sources de financement comme une importante solution pour l'organisation. Elle souligne notamment la bonification annoncée au financement du Plan d’action national pour les langues officielles du gouvernement Trudeau qui prévoit des sommes pour les organismes œuvrant en français en milieu minoritaire.

Selon la chercheuse Laurence Dubuc, de telles annonces du côté d’Ottawa sont très positives.

Le gouvernement fédéral a également annoncé au mois de mars un investissement supplémentaire de 32 millions $ dans le Fonds de la musique du Canada afin de soutenir les musiciens canadiens. Ce montant a toutefois été jugé insuffisant par plusieurs artistes et organismes du milieu de la musique.

De l'avis de Mme Dubuc, même si le portrait est sombre, on peut quand même s'attendre à ce qu'il y ait des annonces qui soient faites dans le budget pour la culture.

Elle considère cependant que les besoins sont trop grands pour être comblés.

Est-ce que ça va répondre aux besoins et aux demandes? Je pense que non, soutient la chercheuse.

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