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« Personne n’est en sécurité ici » : une urgentologue de l’Estrie témoigne depuis Haïti

Une personne pointe un fusil.

Haïti et notamment sa capitale Port-au-Prince sont le théâtre d'une flambée de violences des gangs ces dernières semaines. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / RICHARD PIERRIN / AFP

Elle n'avait traité qu'une seule plaie par balle dans toute sa carrière de médecin. Aujourd'hui, la Dre Rachel Lavigne en soigne 4, 5 et parfois même 15 par jour. Voilà le quotidien de la Sherbrookoise au coeur de Port-au-Prince, où elle travaille à l'Hôpital Drouillard de Médecins sans frontières (MSF).

C'est ma première mission pour Médecins sans frontières. C'est un bon baptême, dit-elle en souriant.

Chaque jour, elle est confrontée aux conséquences dramatiques du chaos alimenté par les gangs criminels. La semaine passée, nous avons reçu une dame d'une quarantaine d'années qui vendait ses fruits dans la rue. Elle a été victime d'une balle perdue des violences entre les gangs. C'est un passant qui l'a ramassé sur sa moto qui nous l'a apportée. Elle était dans un état assez grave.

Malgré tout ce qu'on a pu faire, [...] elle est morte avant d'avoir pu être transférée à l'autre hôpital [où il y a une salle d'opération]. On ne pouvait pas le faire en raison des tirs. C'était trop dangereux. Ce genre d'histoire, j'en suis témoin tous les jours, raconte la Dre Lavigne, encore ébranlée.

Les plaies par balle, c'est vraiment notre quotidien. La majorité des victimes, ce sont des civils. Personne n'est en sécurité.

Une citation de Dre Rachel Lavigne, médecin urgentologue pour Médecins sans frontières à Haïti

Et parce que le malheur peut s'abattre n'importe quand sur n'importe qui, les personnes malades ou blessées attendent et repoussent le plus longtemps possible leur consultation à l'hôpital. Sans oublier qu'il n'y a plus qu'un seul hôpital public encore en activité à Port-au-Prince, rappelle la Dre Lavigne.

Les autres ont fermé en raison des conflits autour et de la sécurité. Des endroits où tu peux être traité gratuitement, il en reste très peu. C'est ce qu'offre MSF.

Le transport, les déplacements, c'est extrêmement compliqué et dangereux. Les gens restent à la maison et retardent au maximum leurs soins. Donc, quand ils arrivent, ils sont dans un état critique.

Une citation de Dre Rachel Lavigne, médecin urgentologue pour Médecins sans frontières à Haïti
Des ambulances de Médecins sans frontières à Port-au-Prince.

La violence a monté d'un cran à Port-au-Prince depuis l'arrivée de la Dre Rachel Lavigne le 31 janvier 2024.

Photo : Gracieuseté : Médecins sans frontières

Même si elle est arrivée dans la perle des Antilles le 31 janvier dernier, déjà la Dre Lavigne constate une dégringolade des conditions de vie dans le bidonville Cité Soleil. Quand je suis arrivée, la situation était déjà dramatique au niveau de ce que vivait la population, la violence, l'accès à l'eau, la nourriture, l'accès aux médicaments. C'était vraiment difficile, explique-t-elle.

Depuis, j'ai vu une détérioration majeure de tous les facteurs possibles qui peuvent influencer la population. Par exemple, on a connu des pénuries importantes de médicaments. On voit de plus en plus de violence dans les urgences. On voit beaucoup des gens qui sont malades parce qu'ils n'ont pas accès à des soins de santé de base, énumère-t-elle.

La situation était grave quand je suis arrivée, mais là, c'est à un autre niveau depuis les dernières semaines.

Une citation de Dre Rachel Lavigne, médecin urgentologue pour Médecins sans frontières à Haïti

Rachel Lavigne assure ne pas être en danger malgré l'horreur de ce qu'il se passe dans les rues haïtiennes. Je vis à l'hôpital. Je suis en sécurité. Notre maison est dans l'enceinte de l'hôpital. Je reste en tout temps ici. Les seules fois où je sors, c'est lorsqu'on va acheter des choses de première nécessité au marché. Parfois, j'accompagne des patients vers d'autres hôpitaux MSF en ambulance. Sinon, je reste ici.

Tout est difficile!

Il n'y a pas que la violence qui rend difficile le travail de la Dre Lavigne à Haïti. L'aéroport international est fermé. Les frontières sont fermées et sont très difficiles à passer. Le port aussi est fermé. C'est extrêmement difficile de s'approvisionner. On est en rupture de stock pour plusieurs médicaments. On réussit à s'entraider entre hôpitaux MSF et les autres organisations pour avoir des médicaments par-ci par-là, mais c'est difficile, martèle-t-elle.

C'est pour cette raison qu'elle encourage les gens à donner financièrement à des organisations en qui ils ont confiance, comme Médecins sans frontières. Nos moyens financiers ne sont pas illimités. On est indépendants complètement. On est seulement financés par des dons privés, explique-t-elle.

On est dans un état de crise. Il faut tendre la main à cette population. [...] Il faut absolument leur offrir notre aide. [...] C'est sûr qu'il y a beaucoup de crises dans le monde, je pense à Gaza, à l'Ukraine... Haïti mérite son droit d'avoir de l'aide et d'avoir un soutien de la communauté internationale, mais aussi de tout un chacun.

Une citation de Dre Rachel Lavigne, médecin urgentologue pour Médecins sans frontières à Haïti

La mission de la Dre Rachel Lavigne en sol haïtien se terminera le 1er mai prochain.

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