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La sobriété numérique : les petits gestes font-ils vraiment la différence?

Illustration de personnes débranchant ou éteignant leurs appareils.

Selon l’appareil (téléphone intelligent, ordinateur de bureau, etc.) et le mode de connexion utilisé (réseau cellulaire, wi-fi, câble Ethernet), les émissions de gaz à effet de serre diffèrent.

Photo : getty images/istockphoto / elenabs

Envoyer des courriels, faire des requêtes à un robot conversationnel, regarder une série télé diffusée en continu… Ce sont toutes des actions que l’on pose parfois quotidiennement, non sans effets sur l’environnement. Et si on faisait le ménage dans nos habitudes?

Le 16 mars, les gens sont invités à participer à la Journée mondiale du nettoyage numérique (Digital Cleanup Day), une initiative qui vise à sensibiliser la population à la pollution du web en l'invitant à poser des gestes concrets.

Parmi ceux-ci, on compte la suppression de courriels ou d'applications mobiles dont on ne se sert plus, la désactivation de la lecture automatique de vidéos sur les réseaux sociaux, le désabonnement aux infolettres superflues, ou encore le ménage de nos photos et vidéos stockées sur le nuage (cloud).

Quelques idées de gestes de sobriété numérique

  • Supprimer les messages inutiles de sa boîte courriel (en privilégiant la suppression de ceux avec des images et vidéos)
  • Se désabonner d’infolettres superflues (faites une recherche avec les mots se désabonner ou unsubscribe, en anglais)
  • Favoriser les appels téléphoniques plutôt que les visioconférences
  • En visioconférence, éteindre sa caméra
  • Désactiver la lecture automatique de vidéos sur les réseaux sociaux
  • Ajouter des URL à ses favoris, plutôt que de laisser des onglets ouverts
  • Supprimer les doublons d’images sur son nuage (cloud)
  • Baisser la luminosité de ses écrans et adopter le mode sombre
  • Éteindre son routeur lorsqu’on s’absente

L'origine de ce mouvement n’a pourtant rien de numérique : il provient de la Journée mondiale du nettoyage (World Cleanup Day), ces corvées qui s’organisent pour ramasser les déchets à l’extérieur. Son pendant virtuel est né en France en 2020, avec la pandémie de COVID-19, et s’étend, depuis, un peu partout dans le monde.

On avait peur de ne pas pouvoir se réunir et d’avoir travaillé pour rien. On s’est dit que, quitte à ne pas sortir, aussi bien nettoyer son ordinateur, explique Julien Pilette, président fondateur du Digital Cleanup Day.

Une première étape

Les spécialistes s’entendent : prendre conscience de la pollution du virtuel est une première étape vers la sobriété numérique. Il ne faut pas avoir peur de poser des questions, de participer à des ateliers et d’assister à des conférences pour se renseigner sur le sujet, mentionne Daria Marchenko, fondatrice du volet montréalais d’Ecoist Club, une organisation de sensibilisation aux enjeux de l’écologie numérique.

[La pollution numérique] est un système invisible, hors de notre champ de vision, qui reste très vague et complexe. Même si on est nés avec des téléphones à la main, c’est normal de ne rien comprendre au début.

Une citation de Daria Marchenko, fondatrice d’Ecoist Club

Selon des données de 2021 de l’Agence de la transition écologique (ADEME), en France, le numérique représente à lui seul entre 6 et 10 % de la consommation mondiale d'électricité. C'est plus que le Canada au complet, note Mme Marchenko.

En 2020, le numérique était aussi responsable de 4 % des gaz à effet de serre, un chiffre qui pourrait doubler d’ici 2025, selon Green IT, un collectif de spécialistes de la sobriété numérique et du numérique responsable.

Car la navigation en ligne a un coût pour l’environnement : Les boîtes qui nous offrent des services numériques ont des copies de nos données, et ne peuvent pas se permettre d’avoir un seul serveur sur le territoire. Logiquement, elles disposent de données qu’on stocke dans le nuage dans des endroits différents, souligne Daria Marchenko.

Si la production énergétique au Québec repose surtout sur l’hydroélectricité, la situation est différente pour le reste du Canada et ailleurs dans le monde, où le mix énergétique n’a pas un bilan aussi vert. Et rien ne garantit que les données de la population québécoise ou canadienne sont stockées sur son territoire : On ne peut espérer que tout ce qui se trouve au Québec soit garant que les serveurs sont ancrés sur le territoire, insiste-t-elle.

L’IA dans tout ça?

Ces chiffres sur l’environnement pourraient aussi être revus à la hausse avec la démocratisation des outils d’intelligence artificielle générative, une technologie particulièrement énergivore, dont on connaît peu les effets sur l’environnement, faute de transparence des entreprises technologiques.

Avec l’IA, il n’y a pas de chiffres concrets. C’est impossible de mettre un chiffre sur la pollution, car on n’a pas d’information par rapport aux centres de données, aux modèles, où ils tournent, ni rien, affirme Sasha Luccioni, cheffe du climat de Hugging Face.

Sasha Luccioni, souriante, prend la pose devant un mur en bois.

Sasha Luccioni, cheffe du climat de Hugging Face, spécialiste de l'IA et de l'environnement.

Photo : Radio-Canada / Ariane Labrèche

Impossible, donc, d’orienter les gens vers des modèles de langage plus verts. Là où les gens peuvent être plus sobres numériquement, c’est en utilisant l’IA générative de la bonne manière, croit la spécialiste de l’IA et de l’environnement.

Il faut être plus critique et réflexif sur les moments d’utiliser l’IA générative.

Une citation de Sasha Luccioni, cheffe du climat de Hugging Face

La technologie dite générative (Gemini, ChatGPT, etc.) devrait, selon elle, être utilisée pour générer, et non pas comme un moteur de recherche ou une calculatrice.

C’est utile pour une tempête d’idées sur un titre qui contient un jeu de mots, mais je ne vais pas l’utiliser pour rédiger un texte à ma place, en raison de ses hallucinations [ces fausses informations créées de toute pièce par l’IA]. Ou encore pour faire un calcul qui se ferait sur une calculatrice. Et pour obtenir une recette de gâteau au chocolat, il y a encore le site de Ricardo, énumère-t-elle.

Et vous, comment l’intelligence artificielle vous affecte-t-elle?

ICI Première prépare une émission spéciale pilotée par Chloé Sondervorst sur le thème de l’intelligence artificielle. Participez à la discussion ici.

Préserver ses équipements

Mme Marchenko salue les initiatives comme Pause ton écran, qui suggère des défis de 24 h loin des écrans, et la Journée mondiale du nettoyage numérique.

Elle demeure lucide : On ne peut pas dire qu’en effaçant une dizaine de courriels dans nos pourriels, on va faire une différence [sur notre empreinte environnementale]. Julien Pilette, vice-président du Digital Cleanup Day, est du même avis. Quelqu’un qui fait ça, c’est moral, c’est bien, il faut le faire, mais ce n’est pas assez.

Il y a autant d’individus que de façons de naviguer en ligne. Ce serait difficile d’appliquer une méthode pour tout le monde, surtout que le numérique s’est incrusté dans pratiquement toutes les facettes de notre vie, du magasinage au travail, en passant par les loisirs, note la fondatrice d’Ecoist Club.

Un téléphone intelligent, un ordinateur et une tablette

«Toutes les données stockées sur nos appareils font travailler le disque dur en continu. Et plus le disque dur travaille, plus tôt il va mourir», dit Julien Pilette, président fondateur du Digital Cleanup Day.

Photo : iStock

Les gens qui naviguent en ligne ont tout de même un point commun : l’équipement. D’après elle, une personne possède en moyenne huit appareils, allant de la tablette au téléphone intelligent, en passant par l’ordinateur, la télévision et les consoles de jeux vidéo.

La pollution numérique vient avant tout de la production d’équipement personnel et de l’électricité pour les faire rouler.

Une citation de Daria Marchenko

L’étape de la fabrication, qui inclut l’extraction de métaux rares, est particulièrement polluante. Selon les données de Green IT, elle représente 30 % du bilan énergétique général du numérique et 39 % de ses émissions de gaz à effet de serre.

Réduire son nombre d’appareils, les faire durer le plus longtemps possible en les réparant, ou encore en les achetant de seconde main plutôt que neufs, peut grandement améliorer les choses, d’après la fondatrice d’Ecoist Club.

Parmi les mesures à adopter pour préserver ses appareils, Julien Pilette suggère de protéger son téléphone avec une coque et un écran protecteur. Il mentionne aussi de recharger son téléphone entre 20 et 80 %, et de ne pas le brancher lorsqu’il est à 80 %, afin de protéger la batterie.

Si vous voulez vraiment changer de téléphone, faites en sorte que votre appareil précédent puisse continuer de vivre, en le transmettant à un enfant, ou en le revendant, suggère-t-il, ajoutant qu’un téléphone devrait durer au moins six ans.

Mais pour arriver à préserver ses appareils plus longtemps et en réduire le nombre, une réflexion plus profonde sur notre rapport à l’hyperconnectivité s’impose, selon Daria Marchenko.

Revoir notre hygiène numérique

Pour la spécialiste, la sobriété numérique devrait être associée au bien-être. C’est de s’arrêter un moment pour se poser la question à savoir c’est quoi, pour moi, une bonne consommation, et de connaître ses limites. Vivez-vous bien votre hyperconnectivité, et vos proches vivent-ils bien avec celle-ci?, demande-t-elle.

Parmi les solutions, elle propose de se créer un horaire, une routine, qui inclut des moments de pause d’écrans pour s’étirer, par exemple. Ça peut être de refuser les écrans à la maison pendant les repas, après une heure en particulier, et, pourquoi pas, de lire à la place d’écouter Netflix, suggère-t-elle. Notre façon de vivre doit changer, de même que notre façon d'organiser nos loisirs.

Il n’y a pas de monopole sur le concept de la sobriété numérique, ou de mode d’emploi sur comment la pratiquer.

Une citation de Daria Marchenko

On construit notre société sur des ressources limitées. D’ici des décennies, on n’aura pas assez de minerais rares pour construire certaines choses pour la société numérique, ajoute-t-elle.

La ressource essentielle, qui est notre temps et notre attention, est aussi une ressource limitée.

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