La technologie au service du bien-être animal
Ces vaches laitières circulent librement dans l'étable.
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
EN MODE SOLUTIONS - Des vaches qui s'allongent confortablement sur des matelas d’eau. Une étable qui laisse entrer la lumière naturelle et où la température et la ventilation sont ajustées automatiquement. Des bêtes qui circulent librement dans l’étable, mangent quand elles le veulent et se rendent elles-mêmes au robot de traite. Ce sont les nouvelles façons de faire dans une ferme laitière de Saint-Victor en Beauce.
Avant, la traite se faisait manuellement
, se souvient Frédéric Bolduc. En 2015, sa famille abandonne la production laitière. Avec Annabelle Fleury, sa conjointe, ils relancent les activités en 2023. On avait quand même à cœur le bien-être animal, on croyait plus pouvoir l'atteindre en stabulation libre.
Les colliers permettent de récolter les données pour chacune des vaches.
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
Chaque vache porte un collier à puce et elles ne sont plus attachées dans une stalle.
On leur met leur nourriture devant elles. C'est elles-mêmes qui vont la chercher. C'est elles qui vont vers la traite, donc elles peuvent un peu exprimer leurs besoins au bon moment.
Leur comportement est plus naturel et elles socialisent davantage avec les autres bêtes du troupeau.
Le robot de traite de Frédéric Bolduc et Annabelle Fleury.
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
L'information amassée pendant la traite ne se limite pas à la quantité de lait recueillie. Le niveau d’activité et la rumination mesurés permettent d’avoir un aperçu de l'état général de leur santé. Annabelle et Frédéric peuvent intervenir rapidement s’ils soupçonnent un problème. Ce sont les nouveaux yeux des producteurs qui peuvent suivre de plus près l'état du troupeau.
Nos experts en robotique, en nutrition ou nos vétérinaires peuvent se connecter puis aller voir nos données.
Lumière et température optimale
La lumière naturelle entre par un mur fait d’immenses ballons en plastique transparent. C'est bénéfique pour leur métabolisme
, explique Frédéric Bolduc. Ce sont des animaux diurnes. Plus il y a de lumière, mieux elles se portent.
Un mur transparent laisse entrer la lumière du jour.
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
Quand il fait chaud, le mur s'abaisse, laisse entrer l’air et rafraîchit l’espace intérieur. On a des paramètres qu'on donne à l'ordinateur. Présentement, on lui demande d'avoir 8 °Cà 65 % d'humidité.
Les trappes d’aération s’ouvrent automatiquement et les immenses ventilateurs se mettent en marche au besoin. Ça réduit beaucoup les maladies respiratoires
et améliore le contrôle des mouches.
En été, les portes de l’étable resteront ouvertes. Les vaches qui le souhaitent pourront aller brouter à l’extérieur.
Tapis d’eau pour le repos
Les logettes où les vaches s’allongent sont recouvertes de matelas d’eau. Deux poches dans chaque tapis permettent de limiter les points de pression et d'éviter des blessures aux pattes. Dans une journée, les vaches passent en moyenne 10 à 12 heures couchées. Elles se reposent, ruminent et digèrent leur nourriture.
Dans les aires de repos, les vaches s'allongent sur des tapis d'eau.
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
Le bien-être animal
Jamie Ahloy Dallaire est professeur au département des sciences animales de l'Université Laval. La préoccupation pour le bien-être animal prend de plus en plus de place dans les discours publics.
Une conception qui change d’une personne à l’autre.
Parfois, on accorde plus d'importance à la santé physique de l’animal. D’autres souhaitent qu’il puisse s'adonner aux comportements naturels pour son espèce
, nous dit le professeur Dallaire, dont les recherches portent surtout ce qui se passe entre les deux oreilles de l’animal
. Les émotions positives ou négatives qu’il peut vivre.
La ferme d'Annabelle Fleury et Frédéric Bolduc est située à Saint-Victor en Beauce.
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
Avec des technologies qui nous permettent de faire un suivi individuel des animaux, ça devient beaucoup plus facile de faire un suivi en examinant les données qui sortent des systèmes de robots de traite.
Dans la majorité des installations laitières du Québec, les vaches sont en stabulation entravée. Elles sont attachées dans des stalles individuelles toute leur vie. Elles ont l’espace nécessaire pour s'allonger et se reposer confortablement. Il est possible pour le producteur d'intervenir directement si l’animal développe une blessure à une patte, une mammite ou un autre problème de santé. C'est très facile pour un éleveur de suivre chaque animal
, constate Jamie Ahoy Dallaire. [Le producteur] va pouvoir faire un suivi de santé de très près.
La productrice Annabelle Fleury connaît le nom de toutes ses vaches.
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
La stabulation entravée est en perte de vitesse et devra être abandonnée dans les prochaines années.
Ce que dit le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage
- À compter du 1er avril 2027, les vaches ne devront plus être attachées continuellement durant tout leur cycle de production (d’un vêlage à l’autre) — elles devront avoir des possibilités suffisamment fréquentes de se mouvoir librement pour favoriser leur bien-être.
- Les étables nouvellement construites doivent permettre quotidiennement une liberté de mouvement sans attaches et des interactions sociales, à l’année.
Source: Code de pratique pour les soins et la manipulation des bovins laitiers (Nouvelle fenêtre)
Des Jerseys à la place des Holsteins
Depuis 40 ans, Jacques Charpentier parcourt le Québec et prodigue aux producteurs des conseils sur le bien-être animal. Le représentant de la compagnie Purina voit la place que prend la technologie dans les fermes. Les caméras, les robots, peu importe, c'est possible pour tout le monde
, dit-il. Il constate que les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par le sort qu’on réserve aux animaux d’élevage.
En sachant que les producteurs prennent énormément soin de leurs vaches comme Frédéric et Annabelle le font ici, le consommateur va dire "Félicitations, on est prêt à acheter ce que vous nous produisez".
Jacques Charpentier, responsable du confort animal, Purina
Photo : Radio-Canada / Claude Bernatchez
En relançant l'entreprise familiale en octobre, les jeunes producteurs beaucerons ont opté pour la race Jersey plutôt que la Holstein, celle qu’on retrouve majoritairement dans les fermes laitières. Plus petites, elles nécessitent moins d'espace pour les maintenir en stabulation libre. Elles produisent de moins grandes quantités d’un lait toutefois plus riche.
Nos Jersey actuelles font ce que nos Holstein faisaient attachées
, a pu constater Frédéric Bolduc. Il ajoute : c'est sûr qu’on a beaucoup changé la régie et l'alimentation, mais on a tendance à noter des augmentations de volume.
Jamie Ahloy Dallaire de l’Université Laval arrive au même constat. Lorsqu'on trouve des façons d'assurer le bien-être d'un animal, on se retrouve aussi à assurer la productivité, assurer la rentabilité de l'entreprise.