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Un satellite haute résolution pour traquer les fuites de méthane des grands pollueurs

Une fois en orbite, le MethaneSAT fera le tour de la planète 15 fois par jour. Sa mission : mesurer la quantité de méthane provenant des installations pétrolières et gazières.

Une reproduction du MethaneSAT dans l'espace.

Une reproduction du MethaneSAT, un nouveau satellite qui aura pour mission de repérer les émissions de méthane de l'industrie pétrolière et gazière depuis l'espace.

Photo : MethaneSAT

Un nouveau satellite doté d'une précision « sans précédent » a pris son envol, lundi, avec pour mission de surveiller de près les émissions de méthane des compagnies pétrolières et gazières.

Après avoir réussi son décollage depuis la base militaire de Vandenberg, en Californie, le satellite devra se mettre en orbite autour de la planète et réaliser 15 révolutions par jour à la recherche d'un ennemi invisible : le méthane.

Ce gaz à effet de serre, au potentiel de réchauffement 80 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2) sur une période de 20 ans, s'échappe des installations pétrogazières, des exploitations agricoles et des sites d'enfouissement.

Incolore et inodore, le méthane est le principal élément qui entre dans la composition du gaz naturel, une source d'énergie fossile employée pour alimenter des complexes industriels et pour chauffer des foyers. Tout au long de la chaîne de production, des fuites surviennent et le gaz se retrouve dans l'atmosphère, ce qui contribue aux changements climatiques.

Ces émissions sont ainsi responsables d'environ 30 % de la hausse de la température sur le globe.

Souvent sous-estimées, les émissions de méthane sont difficiles à mesurer. Les sociétés pétrolières et gazières peuvent installer des détecteurs ou avoir recours à des drones ou à des avions pour survoler les installations, mais les données récoltées sont incomplètes et varient d'une source à une autre.

Afin d'offrir le portrait le plus juste possible, le MethaneSAT compte sur une technologie de pointe qui lui permet de détecter les concentrations de ce gaz sur un vaste territoire, avec un niveau de précision sans précédent, selon Environmental Defense Fund (EDF), l'ONG à l'origine de l'appareil.

Le satellite est conçu pour détecter dans l'atmosphère des changements de concentrations de gaz aussi minimes que trois parties par milliard.

Bien qu'il existe déjà des systèmes de surveillance par satellite pour mesurer les émissions de GES, ceux-ci sont plus efficaces pour cibler une région précise. Le MethaneSAT aura quant à lui la capacité de détecter les fuites des grands émetteurs que les autres satellites ne sont pas en mesure de repérer, indique EDF.

Le superpouvoir du MethaneSAT réside dans sa capacité à mesurer précisément les niveaux de méthane avec une haute résolution sur de vastes zones, y compris les sources plus petites et diffuses qui représentent la plupart des émissions dans de nombreuses régions.

Une citation de Steven Hamburg, responsable scientifique d'EDF et chef de projet du MethaneSAT

Pour calculer la quantité d'émissions de méthane dans une région donnée et suivre son évolution dans le temps, EDF a développé des algorithmes en collaboration avec Google.

Le projet réunit en outre près de 70 experts, dont des ingénieurs et des scientifiques de la School of Engineering and Applied Sciences de l'Université Harvard, du Smithsonian Astrophysical Observatory et de l'Agence spatiale néo-zélandaise.

Le satellite en pleine fabrication.

Le MethaneSAT ne sera pas le seul satellite capable de détecter le méthane en orbite, mais il viendra combler le vide laissé par des satellites utilisés pour surveiller des régions précises, selon ses concepteurs.

Photo : BAE Systems

Comme la couverture du MethaneSAT est plus large, dans l'espace comme dans le temps, que celle des satellites précédents, il aura plus de chances de détecter des fuites importantes, estime Daniel Horen Greenford, chercheur postdoctoral spécialisé en géographie et en études environnementales et auteur d'un rapport sur les fuites de méthane causées par le gaz naturel liquéfié.

Le MethaneSAT se démarque par son système de détection très sensible pour un satellite qui a un champ de vision aussi large, fait-il observer.

Si d'autres satellites, comme ceux de la compagnie québécoise GHGSat, risquent d'être plus efficaces pour repérer les émissions ponctuelles sur une infrastructure précise, il faut engager des entreprises privées pour effectuer des vols au-dessus des installations et recueillir les données. Combiné au travail mené sur le terrain pour mesurer les fuites, cette solution peut s'avérer coûteuse.

Qu'une organisation comme EDF arrive à réunir les fonds nécessaires pour un projet d'envergure comme celui du MethaneSAT est tout à fait inédit et impressionnant, ajoute Daniel Horen Greenford.

Des données rendues publiques

EDF a pour ambition de rendre les données obtenues par le MethaneSAT accessibles au public en ligne dès l'an prochain, notamment sur Google Earth Engine. Les gouvernements et les organisations pourront ainsi s'y référer pour vérifier si l'industrie pétrolière et gazière s'efforce bel et bien de réduire ses émissions de méthane.

Le [suivi] des taux de méthane, locaux et régionaux, en temps réel est une contribution importante. Et le fait que ces données soient libres d'accès est un atout majeur qui pourrait grandement améliorer la transparence et responsabiliser l'industrie.

Une citation de Daniel Horen Greenford, chercheur postdoctoral

En rendant ces données disponibles, EDF fait le pari que la pression s'intensifiera pour que les plus grands pollueurs fassent leur part. C'est une façon [d'obtenir d'eux] plus de transparence, d'avoir des données plus fiables. Ce sera beaucoup plus facile de demander des comptes à l'industrie par la suite, explique le chercheur.

À ce jour, 155 pays se sont engagés à réduire leurs émissions de méthane. Une cinquantaine de sociétés pétrolières et gazières ont aussi annoncé leur volonté de réduire ces émissions de 80 à 90 % d'ici 2030 à la COP28 sur les changements climatiques de Dubaï, à la fin de 2023.

En janvier dernier, l'administration Biden a proposé de renforcer sa réglementation sur le méthane en imposant une redevance sur les émissions excédentaires du secteur pétrolier et gazier américain.

Le Canada compte pour sa part diminuer d'au moins 75 % les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier d'ici à 2030, par rapport aux émissions de 2012.

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