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Consultation tramway et 3e lien : un « déni de la science », selon une experte

Vue aérienne de Québec

Vue aérienne de Québec

Photo : Radio-Canada / Alice Chiche

Même si la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) se penche déjà sur la question, le gouvernement du Québec lance une consultation sur la mobilité dans les régions de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches. Déjà les doutes sur sa pertinence et sa méthodologie fusent de toutes parts.

En fait, il ne s'agit pas d'un véritable exercice de consultation dans les règles de l'art, il s'agit simplement d'un sondage, estime Fanny Tremblay-Racicot, professeure en administration municipale et régionale à l'École nationale d’administration publique (ÉNAP).

Elle a de la difficulté à voir la valeur de la démarche. On demande aux résidents s'ils pensent que les projets comme le troisième lien ou le réseau structurant vont améliorer leurs conditions de transport. Ce n'est pas une question à laquelle l'opinion de monsieur et madame Tout-le-Monde peut répondre. Ce n'est pas une question d'opinion, c'est une question de fait, ajoute-t-elle.

La professeure souligne que le questionnaire suggère aussi des réponses qui s’écartent du consensus scientifique.

Je pense que c'est vraiment un déni de la science de penser que l'augmentation de la capacité routière va résoudre les problèmes de congestion; on sait que ça ne le fera pas. Donc, ce n'est pas vraiment une consultation en bonne et due forme.

Une citation de Fanny Tremblay-Racicot, professeure en administration municipale et régionale à l'ÉNAP

Tout sur le 3e lien Québec-Lévis

Consulter le dossier complet

La ville de Québec vue d'un paquebot sur le Saint-Laurent.

Le maire de Québec, Bruno Marchand, se questionne aussi sur la méthodologie et sur la portée des résultats pendant que la Caisse de dépôt analyse déjà le sujet de la mobilité dans la région. C’est sûr que d'avoir un sondage qu’on peut faire à répétition, ça vient sûrement l’atténuer, remarque-t-il.

Le député de Jean-Talon, Pascal Paradis, dénonce ce qu’il perçoit comme une orientation donnée par certains choix de réponses. À la question "Que faudrait-il améliorer pour considérer le transport en commun?", regardez les choix : ajout de ligne d’autobus; ajout de lignes d’autobus express; augmentation de fréquence des autobus; ajout d’un autre moyen de transport en commun; je ne suis pas intéressé par le transport en commun; autre, indique le député du Parti québécois en entrevue à l’émission Première heure, soulignant que l’ajout d’un mode de transport n’est mentionné qu’une fois.

Un engagement pris à la suite d'une défaite

Le premier ministre François Legault s'était engagé à le faire après la défaite de son parti dans l’élection partielle de Jean-Talon, le 3 octobre. Il avait dès lors insinué que le projet de troisième lien pourrait revivre, craignant que ce soit entre autres l’abandon du volet autoroutier qui mette à mal la CAQ dans la région de Québec.

Pascal Paradis compare cette réaction et le projet de troisième lien à un monstre que la CAQ ne peut garder endormi. Après [l’élection partielle de] Jean-Talon, on a dit qu’on allait donner une nouvelle décharge électrique à Frankenstein et là aujourd’hui on essaie encore de lui donner une autre dose d’électricité, illustre-t-il.

Depuis, le gouvernement a retiré le projet de tramway des mains de la Ville de Québec et a remis l’entière analyse de la mobilité dans la région entre les mains de la filiale Infra de la CDPQ. Celle-ci doit remettre son rapport en juin. Ça va être donné à CDPQ Infra en surcroît de toutes ses analyses de données, soutient le ministre responsable de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien.

Plan rapproché du ministre Jonatan Julien qui sourit en conférence de presse.

Le ministre Jonatan Julien (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Le questionnaire Consultation publique sur la mobilité dans les régions de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches est déjà en ligne et le demeurera jusqu'au 22 mars. Les répondants doivent se créer un compte avant de répondre à la vingtaine de questions, mais peuvent remplir le formulaire plus d’une fois.

La firme d’étude de données SOM a donc été sollicitée pour réaliser en parallèle un sondage en ligne sur la même question qui doit permettre de confirmer ou infirmer les tendances, et assurer une juste représentativité, selon le porte-parole de la ministre des Transports et de la Mobilité durable. Le recours à la firme coûte 35 000 dollars au gouvernement.

Pascal Paradis ne comprend d’ailleurs pas l’importance de consulter la population alors que des études ont déjà été faites. C’est une bonne chose en soi de demander aux gens quels sont leurs avis et quels sont leurs besoins, mais pourquoi ce questionnaire arrive aujourd’hui et quel est le lien avec le travail qui est effectué par CDPQ Infra? se demande le porte-parole du Parti québécois pour la région de la Capitale-Nationale.

C'est la journée de la marmotte, on a déjà joué dans ce film-là. Des consultations, il y en a déjà eu ad nauseam. C'est comme si on reprenait un processus, soutient également le maire de Lévis, Gilles Lehouillier.

Bruno Marchand se méfie des pistes de réflexion qu’il trouve plutôt limitées. Ça m’étonne que le ministère des Transports soit encore en train de se demander si ça s’arrête au transport structurant, aux autobus et aux autos. La mobilité dans 5, 10 ou 15 ans, c’est beaucoup plus large que ça, plaide-t-il.

La professeure Fanny Tremblay-Racicot trouve effectivement que le questionnaire n'est pas suffisamment concret, alors que d'autres consultations allaient d'emblée plus loin dans les propositions soumises au public. Par exemple, à Montréal, lorsqu'on a consulté la population sur un réseau de transport dans l'ouest de l'île, on a vraiment proposé différents scénarios à la population, révèle-t-elle.

Redondance

Les questions et les choix de réponses ont été construits par le ministère des Transports et de la Mobilité durable et la firme SOM. Le lien de la consultation redirige d’ailleurs les répondants vers une adresse URL de SOM.

La consultation ne mentionne pas une fois le mot tramway, mais une question fait allusion à un réseau de transport structurant. Une autre fait directement référence au volet autoroutier d’un potentiel troisième lien.

D'autres questions se penchent sur les habitudes de déplacement et la fréquence d'usage du transport en commun. Un volet qui a déjà été étudié de manière scientifique auprès de 35 000 répondants cet automne lors de l’Enquête origine-destination de la région Québec-Lévis, mais dont les résultats ne seront pas prêts avant 2025.

La consultation s’adresse principalement aux résidents des deux régions visées. Les gens d’ailleurs dans la province peuvent également y répondre, mais ils n'auront pas la même version du questionnaire.

Le gouvernement affirme que les résultats de ces exercices permettront d’alimenter la réflexion sur les pistes de solution à privilégier pour améliorer la mobilité dans chacune des deux régions et entre elles.

Moi, je prétends qu’on ne sait pas tout, je prétends qu’en consultant les gens par rapport à la mobilité interrives, à leurs habitudes de déplacement et au transport collectif, on peut apprendre plus de choses, plaide le ministre Jonatan Julien.

Le député de Jean-Talon craint que la façon de faire de la CAQ alimente une certaine incertitude économique dans la  région. Si on est constamment à tergiverser, puis à dire une chose et son contraire et à avancer surtout par électoralisme et par sondage, ça va finir par avoir des impacts. Les gens doivent comprendre qu’il y avait des chantiers en cours à Québec, que des gens avaient placé leurs billes. Tout ça, c’est un gros point d’interrogation, critique-t-il.

Gilles Lehouillier, maire de Lévis.

Gilles Lehouillier, maire de Lévis

Photo : Radio-Canada

Pour le maire de Lévis, le temps des consultations et de l'incertitude est passé. Il souhaite que le gouvernement se mette en phase réalisation rapidement pour un projet de transport dans la région.

Ce que les gens veulent, c'est de l'action, ils veulent que l'on s'occupe de mobilité. Quand on regarde la réalité froidement, on voit qu'on avait des rêves, des grands projets de mobilité, mais il n'y a rien qui s'est réalisé sauf quelques voies réservées, au fond, dénonce-t-il.

Pour moi, ça démontre qu'il y a vraiment un problème de planification et de priorisation des questions de transports. Il y a un déficit en matière de participation publique; on ne sait pas comment consulter la population, sur quoi et à quelle étape du processus, remarque pour sa part la professeure Fanny Tremblay-Racicot.

Avec des informations de Juliette Lefebvre, Alex Boissonneault et Alexandre Duval

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