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Des commentateurs de droite condamnés à verser 1 M$ à un climatologue pour diffamation

Les commentateurs, qui accusaient le climatologue de renom Michael Mann d'avoir manipulé des données, l'avaient comparé à Jerry Sandusky, un pédophile reconnu coupable d'agressions sexuelles sur des mineurs.

Michael Mann parle dans un micro lors d'une conférence.

Michael Mann, professeur des sciences du climat à l'Université de Pennsylvanie, a remporté son procès en diffamation, après avoir intenté des démarches il y a 12 ans.

Photo : Associated Press / Nabil K. Mark

Douze ans après avoir intenté une poursuite en diffamation contre des blogueurs de droite, dont le Canadien Mark Steyn, le climatologue américain de renom Michael Mann a obtenu gain de cause. La Cour supérieure du district de Columbia a condamné les auteurs à lui verser un million de dollars.

J'espère que ce verdict envoie le message qu'attaquer sans fondement les scientifiques du climat ne relève pas de la liberté d'expression protégée [par la Constitution américaine], a réagi Michael Mann par communiqué, jeudi soir.

M. Mann, professeur des sciences du climat à l'université de Pennsylvanie, s'est fait connaître en 1998, après avoir publié dans la revue Nature un graphique sur l'évolution de la température moyenne sur la planète sur 1000 ans. À l'image d'un bâton de hockey, la courbe connaît peu de variation pendant près de 900 ans avant de s'accélérer dramatiquement au 20e siècle.

Le graphique, repris par des chercheurs et des experts de l'ONU et du GIEC pour illustrer le réchauffement climatique, a rapidement été décrié dans les cercles climatosceptiques.

À l'instar de plusieurs scientifiques, Michael Mann s'est retrouvé pris pour cible dans une affaire de piratage de courriels en 2009. L'incident, baptisé « Climategate », a été l'occasion pour les communautés réfutant l'existence du réchauffement climatique de critiquer le travail des experts du climat. Dans ce tourbillon, Michael Mann s'est fait reprocher d'avoir manipulé les données de ses recherches.

Des enquêtes menées par l'Université d'État de Pennsylvanie, notamment, ont par la suite permis de blanchir M. Mann de ces accusations. Mais les critiques à l'endroit de son travail n'en sont pas restées là.

Comparé à un pédophile

En 2012, dans un billet de blogue publié sur le site du groupe de réflexion libertarien Competitive Enterprise Institute, Rand Simberg, un analyste politique, a comparé la controverse autour de M. Mann à l'affaire Jerry Sandusky. La même année, cet ancien entraîneur adjoint de football à l'Université d'État de Pennsylvanie avait été trouvé coupable de 45 chefs d'agression sexuelle sur des mineurs.

On pourrait dire que Mann est le Jerry Sandusky de la science du climat, sauf qu'au lieu d'agresser des enfants, il a agressé et torturé des données, a écrit Rand Simberg.

Dans un texte paru dans le magazine National Review, le commentateur canadien Mike Steyn – invité à plusieurs reprises sur le plateau de l'animateur vedette de la droite américaine Tucker Carlson – a ensuite repris les propos de M. Simberg, qualifiant au passage les recherches du professeur Mann de frauduleuses.

Le climatologue a poursuivi les deux hommes et leurs éditeurs, mais un juge a déclaré en 2021 que seuls les auteurs pouvaient être visés par les plaintes.

Mark Steyn sur le plateau télé.

Mark Steyn sur le plateau de l'émission « Power & Politics » de CBC, en 2014.

Photo : CBC

Au cours du procès, Michael Mann a affirmé que son image avait été ternie par les déclarations des deux commentateurs. Le professeur a allégué avoir perdu des subventions et des occasions de collaborer à des études à la suite de ces publications.

Mais les deux auteurs ont balayé ces assertions, soulignant que le professeur était, au contraire, devenu une sommité du climat d'un bout à l'autre du globe malgré ces commentaires. Leurs avocats ont plaidé que les propos devaient être protégés en vertu du premier amendement de la Constitution des États-Unis, qui garantit la liberté d'expression des Américains.

Dans son jugement, la Cour supérieure du district de Columbia a conclu que Rand Simberg et Mike Steyn s'étaient ainsi rendus coupables de diffamation en raison de leurs déclarations écrites avec malveillance, rancune, mauvaise volonté, vengeance ou intention délibérée de nuire.

Le jury a condamné M. Simberg à verser 1000 $ au climatologue, tandis que M. Steyn devra lui payer 1 million de dollars en dommages-intérêts punitifs. Tous deux devront en outre lui donner 1 $ en dommages-intérêts compensatoires.

L'avocat de M. Simberg a indiqué que son client ferait appel de la décision. M. Steyn, qui a assuré sa défense sans avocat au cours du procès, fera de même, selon sa manager, Melissa Howes.

Une grande victoire pour la vérité et les scientifiques

Pour Pete Fontaine, l'un des avocats de M. Mann, il s'agit d'une grande victoire pour la vérité et les scientifiques du monde entier qui consacrent leurs vies à répondre aux questions scientifiques cruciales qui ont un impact sur la santé humaine et la planète.

C'est la toute première fois que des négationnistes du climat sont tenus responsables, financièrement, pour leurs déclarations trompeuses, a déclaré de son côté Michael Gerrard, fondateur du Sabin Center for Climate Change Law, un centre de recherche en droit environnemental basé à New York.

Cette victoire pour le professeur survient au moment où la réputation des scientifiques et leurs travaux sont la cible d'attaques virulentes, particulièrement depuis la pandémie de COVID-19.

Dans un récent rapport, le Center for Countering Digital Hate, qui documente et analyse la circulation de publications haineuses et la désinformation sur les réseaux sociaux, a identifié une nouvelle tendance surnommée le nouveau négationnisme climatique.

Au lieu de persister à nier l'existence des changements climatiques de nature anthropique, les climatosceptiques ciblent plutôt les scientifiques et tentent de jeter le discrédit sur leurs travaux.

S'attaquer aux scientifiques du climat comme Michael Mann ne fera pas disparaître la crise climatique.

Une citation de Déclaration du Center for Countering Digital Hate

La question des changements climatiques et de leur origine continue de diviser les Américains. Selon un sondage réalisé en 2023 par l'Université de Yale, 58 % de la population estime que le réchauffement est principalement causé par les activités humaines.

Avec les informations de Associated Press

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