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Ingérence étrangère : les agences de renseignement promettent une plus grande transparence

David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (au centre), entouré d'Alia Tayyeb, cheffe adjointe des renseignements électromagnétiques au Centre de sécurité des télécommunications (CST), et de Dan Rogers, sous-conseiller à la sécurité nationale et au renseignement au Bureau du Conseil privé.

David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (au centre), entouré d'Alia Tayyeb, cheffe adjointe des renseignements électromagnétiques au Centre de sécurité des télécommunications (CST), et de Dan Rogers, sous-conseiller à la sécurité nationale et au renseignement au Bureau du Conseil privé.

Photo : La Presse canadienne / PATRICK DOYLE

Des responsables de différents services de renseignement canadiens ont témoigné jeudi devant la Commission d'enquête sur l'ingérence étrangère, promettant de « rendre publiques le plus d’informations possible », même si la grande majorité des documents soumis sont classifiés.

Ce ne sera pas le business as usual, a assuré David Vigneault, le grand patron du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), affirmant adopter une approche différente, faite sur mesure pour cette commission.

M. Vigneault témoignait devant la commission d’enquête publique avec Alia Tayyeb, cheffe adjointe des renseignements électromagnétiques au Centre de sécurité des télécommunications (CST), et Dan Rogers, sous-conseiller à la sécurité nationale et au renseignement au Bureau du Conseil privé.

Tous ont abondé dans le même sens, s’engageant à une plus grande transparence dans le cadre de cette enquête, alors que près de 80 % des documents reçus jusqu'à présent par l'équipe de la commissaire Marie-Josée Hogue sont classifiés. Parmi ceux-ci, 80 % ont les cotes de protection les plus élevées, c'est-à-dire qu'ils sont considérés comme étant très secrets, voire davantage.

Bien entendu, nous souhaitons maximiser la transparence dans le contexte de cette enquête [...], mais notre objectif est également d'assurer la sécurité des Canadiens. Il y a donc un équilibre très important à préserver.

Une citation de Dan Rogers, sous-conseiller à la sécurité nationale et au renseignement au Bureau du Conseil privé

Enquête publique sur l'ingérence étrangère

Consulter le dossier complet

La juge Hogue, assise en cour.

Selon M. Rogers, si des informations sont retenues, c'est parce qu'elles sont nécessaires au maintien des opérations sur lesquelles les Canadiens comptent pour leur sûreté et leur sécurité.

Il a toutefois promis de considérer cette commission de façon différente. Nous proposons ainsi des méthodes, telles que des résumés [destinés au public], des audiences à huis clos et des transcriptions, afin de maximiser le degré de transparence. [...] Mais en fin de compte, il y aura toujours des informations qu'il faudra garder secrètes, a-t-il dit.

La présidente de la commission d'enquête publique sur l'ingérence étrangère, la juge Marie-Josée Hogue.

La présidente de la commission d'enquête publique sur l'ingérence étrangère, la juge Marie-Josée Hogue.

Photo : La Presse canadienne / PATRICK DOYLE

Des « secrets » divulgués avec le temps

Le chef du SCRS, de son côté, a tenu à souligner que son agence a évolué avec le temps, affirmant avoir augmenté son niveau de communication avec des élus non seulement au niveau fédéral mais aussi dans les provinces, les territoires et les municipalités pour parler [de questions] comme l’ingérence étrangère et l’espionnage.

Un rapport du SCRS précise que des agents de renseignement ont tenu, entre mai 2021 et février 2023, des rencontres avec 71 députés, 15 ministres fédéraux, 5 sénateurs, 12 premiers ministres ou ministres provinciaux ou territoriaux, 6 maires et 8 conseillers municipaux.

Pour augmenter la résilience des Canadiens face à ces menaces, il y a un besoin de transparence qui rejoint directement le mandat de cette commission.

Une citation de David Vigneault, directeur du SCRS

Jeudi, M. Vigneault a mentionné la possibilité de divulguer, avec le passage du temps, certaines informations qui étaient considérées confidentielles, secrètes ou très secrètes.

Je pense que c'est important pour le reste du travail de la commission de voir que la temporalité a un impact, a-t-il dit.

Il a donné l'exemple d'un document produit en 2021 dans lequel certains passages ont pu être dévoilés lors des travaux de l'enquête publique et indépendante. Le préjudice est différent en 2024 ou en 2023, a-t-il résumé en faisant référence aux risques, pour la sécurité nationale, associés à la divulgation.

Une « culture du secret » à changer

Mercredi, un ancien haut placé du SCRS, Alan Jones, évoquait justement la temporalité pour déclassifier partiellement ou entièrement des documents.

L'ancien n° 1 du renseignement canadien Richard Fadden, qui a lui aussi témoigné mercredi, a indiqué qu’une culture du secret s'est installée au fil du temps au sein des agences de renseignement.

Richard Fadden.

Richard Fadden, ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, lors de son témoignage à la Commission sur l'ingérence étrangère. (Photo d'archives)

Photo : Adrian Wyld/The Canadian Press

On pourrait être un peu plus ouverts en dépit de cette culture, a-t-il réitéré jeudi au micro d’Alec Castonguay à l’émission Midi Info sur ICI Première.

Il y a toujours des secrets à conserver, mais nos grands alliés, comme les États-Unis et la France, sont un peu plus ouverts que nous.

Une citation de Richard Fadden, ancien directeur du SCRS

Le mandat de la commission, publié l'année dernière, prévoit qu'elle doit évaluer une possibilité d'ingérence de la Chine, de la Russie et d'autres acteurs étatiques ou non étatiques étrangers lors des élections fédérales de 2019 et de 2021.

Le gouvernement Trudeau a accepté de tenir cette enquête au début de l'été à la suite de plusieurs mois de pression de l'opposition et de la démission du rapporteur spécial sur l'ingérence étrangère, David Johnston.

Nommé par le premier ministre Justin Trudeau, M. Johnston estimait qu'il n'y avait pas matière à lancer une enquête publique sur l'ingérence étrangère en raison notamment du caractère délicat et confidentiel des informations concernées.

Il avait démissionné en juin dernier, peu de temps après un vote de la majorité des députés de la Chambre réclamant son départ.

La juge Hogue estime quant à elle qu'il y a moyen de mener à bien une enquête publique tout en maintenant un niveau de confidentialité suffisant à des fins de sécurité nationale.

David Johnston tient une conférence de presse.

L'ancien rapporteur spécial sur l'ingérence étrangère, David Johnston

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

De nouvelles révélations sur la Chine

La question de l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes de 2019 et de 2021 a éclaté au grand jour à la suite d’une série de révélations médiatiques, notamment par le réseau anglophone Global et par le quotidien The Globe and Mail, en novembre 2022.

Plusieurs reportages, citant des sources anonymes, ont détaillé des tentatives d'ingérence orchestrées par la Chine au cours des deux dernières campagnes électorales fédérales, y compris le financement d’un réseau clandestin de candidats. Le premier ministre Justin Trudeau en aurait été averti par les services de renseignement en janvier 2022, selon ces révélations, ce que dément le chef du gouvernement canadien.

Mercredi, le réseau Global a publié des extraits d’un mémo préparé à l'intention du ministre des Institutions démocratiques en février 2023, qui confirmait que la Chine avait bel et bien tenté de s’ingérer dans les élections fédérales de 2019 et de 2021.

La Chine représente de loin la plus grande menace pour le Canada, peut-on encore lire dans ce document que Radio-Canada a pu consulter.

Les activités d’ingérence étrangère de la Chine ont une vaste portée et un niveau de ressources dépensées important. [...] Ces activités sont sophistiquées, omniprésentes et dirigées contre tous les niveaux de gouvernement et contre la société civile à travers le pays.

Une citation de Extrait d’un mémo du SCRS de février 2023

Les communautés des diasporas risquent particulièrement d'être ciblées par de l'ingérence étrangère, selon différents rapports officiels.

Un manifestant avec une pancarte «Arrêtez le génocide des Ouïghours».

Des manifestants devant le parlement à Ottawa pour protester contre les actions de la Chine à l'encontre de l'ethnie musulmane des Ouïghours (archives)

Photo : La Presse canadienne

Les Ouïghours se retirent

Fin octobre, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique a par ailleurs recommandé la création d’un registre des agents étrangers pour protéger ces communautés, plus particulièrement la communauté des Ouïghours visés par les activités du Parti communiste de la Chine au Canada.

Mercredi, une ONG pour la défense des droits des Ouïghours, l’URAP, a annoncé sa décision de se retirer de l’enquête fédérale sur l’ingérence étrangère de la commissaire Hogue.

Cet organisme se retire de l’enquête par manque de confiance envers la commission pour avoir donné un statut d’intervenant à des individus comme le député Han Dong, le maire de Markham, Michael Cham, et le sénateur Yuen Pau Woo, que les militants ouïghours soupçonnent d’entretenir des liens avec le Parti communiste chinois.

Les audiences préliminaires de la commission d'enquête se poursuivent jusqu'à vendredi avec, notamment, le témoignage du ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc.

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