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Les petits réacteurs ontariens sous la loupe de la Commission de sûreté nucléaire

Dessin du réacteur nucléaire près du lac Ontario.

Le nouveau réacteur doit produire 300 MW.

Photo : Ontario Power Generation

La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) se penche cette semaine sur le projet de petits réacteurs modulaires que veut construire l’Ontario. Une première série d’audiences publiques commence mardi à Ajax.

De quoi parle-t-on?

La province et la société d’État Ontario Power Generation (OPG) comptent installer quatre  petits réacteurs modulaires (PRM) sur le terrain de la centrale nucléaire de Darlington, à l’est de Toronto.

C’est une nouvelle technologie qui n’a pas encore été déployée dans le réseau nord-américain. Ailleurs dans le monde, une centrale nucléaire flottante russe utilise déjà des PRM, et plus de 80 concepts sont actuellement en développement dans divers pays, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique.

L’Ontario a choisi le modèle BWRX-300 de General Electric Hitachi. Ce réacteur pourrait produire jusqu’à 300 mégawatts, assez pour alimenter en électricité 300 000 foyers. Il est très petit. L'idée, c'est qu'il pourrait tenir quasiment dans un ou quelques conteneurs, qu'on peut installer en principe un peu partout, décrit Normand Mousseau, directeur scientifique de l'Institut de l'énergie Trottier à Polytechnique Montréal.

Le gouvernement Ford tente ainsi de répondre à un besoin croissant : la demande d’électricité pourrait plus que doubler d’ici 2050, selon la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité de l'Ontario. Environ 60 % de l’électricité produite dans la province provient actuellement de l’énergie nucléaire, avec trois centrales en activité : Darlington, Pickering et Bruce (voir la carte plus bas).

Quel est le rôle de la CCSN?

La CCSN est un tribunal quasi judiciaire et indépendant qui réglemente l’activité nucléaire au pays.

Dans le cas des PRM de Darlington, la Commission doit décider, dans un premier temps, si les analyses environnementales sont suffisantes. OPG a déjà réalisé une évaluation générique en 2012 pour un nouveau projet nucléaire sur ce site. À l’époque, nous pensions construire des installations à grande échelle, pas des petits réacteurs modulaires, explique Neal Kelly, porte-parole de la société d’État.

La centrale nucléaire de Darlington, en Ontario.

La centrale nucléaire de Darlington, en Ontario.

Photo : Ontario Power Generation (site web)

Nous devons maintenant démontrer que nous pouvons bâtir cette nouvelle technologie en toute sécurité et que l’évaluation environnementale que nous avons menée s’applique à la construction des PMR, résume-t-il.

Pourquoi est-ce important?

Pour OPG, c’est un passage obligé pour aller de l’avant. Si la Commission tranche en sa faveur, une deuxième série d’audiences doit avoir lieu cet automne, cette fois sur le permis de construction demandé par la société d’État. C’est là qu’elle pourrait obtenir le feu vert définitif.

Le grand public devrait aussi s’intéresser à ce processus, estime Mark Winfield, professeur en changements environnementaux et urbains, et codirecteur de l’initiative d’énergie durable de l’Université York.

OPG demande les approbations pour un design de réacteur qui n’existe pas, en réalité. Il n’y pas d'exemples de ce type de réacteur dans le monde. Il n’y a pas de prototypes. Et le régulateur n’a aucune expérience dans l'examen de ce type de réacteur, ce qui doit donc soulever une série de questions de sécurité, mais aussi de viabilité de ce projet.

Les Ontariens devraient s’en soucier. Il y a d'énormes préoccupations en matière de coûts et de risques, et d'orientation future du système d’électricité.

Une citation de Mark Winfield, professeur à l'Université York

Quel est l’échéancier?

OPG a déjà entamé des travaux de préparation du site. Ce sont les infrastructures qui vont soutenir la construction des quatre PRM. Donc des routes, des égouts, la fibre, des bâtiments annexes. Il y a déjà beaucoup d'activité sur le site, lance Neal Kelly.

Si la CCSN lui donne les approbations requises, la société d’État devrait pouvoir commencer la construction du premier réacteur au début de 2025, pour une livraison en 2028 et une mise en marché en 2029. On aimerait que les quatre PRM soient opérationnels d’ici le milieu des années 2030.

L’Ontario collabore aussi avec d’autres provinces qui s’intéressent aux PRM : le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et l’Alberta.

Combien ça coûte?

OPG refuse de s'avancer sur les coûts du projet, tant que le budget n’a pas été finalisé. Neal Kelly affirme qu'il s’agit d’une technologie compétitive. D’autant plus que nous allons construire les quatre au même endroit. Le premier sera plus cher, puisque c’est le premier en son genre, mais les coûts devraient baisser pour chaque unité supplémentaire, soutient-il.

Il y a un historique de dépassements de coûts et de retards massifs dans l'industrie nucléaire, rappelle pour sa part Mark Winfield. Il souhaiterait que la province soit plus transparente sur ce qui motive ce projet. À l'heure actuelle, il n’y a nulle part où les Ontariens peuvent demander directement à OPG ou au gouvernement si c’est le meilleur choix en matière d'électricité et de décarbonisation.

Normand Mousseau croit aussi que le secteur aurait intérêt à être plus ouvert auprès du public. On vit un moment important, parce qu'on est en transition énergétique. Au niveau mondial, on va avoir une certaine résurgence du nucléaire. Ça ne remplacera pas toutes les demandes. Ça a un rôle de niche à jouer, et des fois, la niche est plus grande que d’autres. Mais combien vaut ce bénéfice-là? Il faut qu'on soit mieux à même de dire : est-ce qu'on se fait avoir? Ou est-ce qu'on embarque?

Projets nucléaires ontariens : récapitulatif

Darlington :

  • Projet de remise à neuf : lancé en 2016 (Nouvelle fenêtre) pour une durée de 10 ans, avec un budget de 12,8 milliards de dollars. Deux réacteurs ont été entièrement rénovés, et les deux autres sont en travaux.
  • Nouveau projet : ajout de quatre PRM sur le même site, qui produiraient au total 1200 MW de plus.

Pickering :

  • Projet de prolongement à court terme : la plus vieille centrale en activité du pays doit fermer à la fin de 2024, mais OPG a soumis une demande pour prolonger l’exploitation d’une partie de l’usine jusqu’ en 2026. La CCSN doit encore donner son autorisation.
  • Projet de remise à neuf : la province a demandé à OPG d’étudier la possibilité de remettre à neuf plusieurs réacteurs, pour une utilisation sur plusieurs décennies de plus.

Bruce (A et B) :

  • Projet d’expansion : construction d’une nouvelle centrale à grande échelle (Bruce C) sur le même site, qui pourrait produire jusqu'à 4800 MW. Une évaluation fédérale d’impact est requise.

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