•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Accès à l’information au Canada : la commissaire avoue avoir été « naïve »

Portrait de Caroline Maynard.

La commissaire à l’information du Canada, Caroline Maynard (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

À l’aube de la dernière année de son mandat, la commissaire à l’information du Canada lance un cri du cœur pour mettre fin à la « culture du secret » du gouvernement fédéral. Ce qu’elle craignait se concrétise : les ministères ignorent ses ordonnances, un mécanisme qui devait pourtant améliorer l’accès à l’information.

Je vous avoue que quand j’ai été nommée, [...] j’étais un peu naïve, concède la commissaire Caroline Maynard. Je m’attendais vraiment [à] travailler main dans la main et collaborer avec les institutions , dit-elle en soulignant que l’accès à l’information est pourtant un droit quasi constitutionnel.

La désuétude de la Loi sur l’accès à l’information et toutes les exemptions qu’elle comprend mènent à une culture du secret qui dure et qui va être difficile à changer, estime celle qui agit à titre de médiatrice pour les utilisateurs de cette loi.

C’est définitivement frustrant [...] je me rends compte que [la transparence] n’est pas une priorité.

Une citation de Caroline Maynard, commissaire à l’information du Canada

Peu importe le parti politique au pouvoir, celui-ci voudra protéger son information, remarque Mme Maynard. Ça fait partie [...] de l’ADN du gouvernement.

Un nouveau pouvoir ignoré

Depuis les modifications apportées à la Loi en 2019, la commissaire a envoyé 439 ordonnances exécutoires aux ministères et agences qui refusent de divulguer de l’information. Ces ordonnances sont de plus en plus nombreuses. Durant l’année financière 2022-2023, il y en a eu 157. Depuis le 1er avril 2023, 252 ordonnances ont été émises.

Des documents caviardés.

Rien dans la Loi ne permet à la commissaire à l'information du Canada de forcer une institution à respecter ses ordonnances exécutoires. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Toutefois, rien dans la Loi ne permet à la commissaire de forcer une institution à les respecter et aucun mécanisme n’existe pour en faire le suivi.

Il y a des institutions qui ignorent les ordonnances, déplore Mme Maynard.

Nombre d’ordonnances exécutoires par institution

Institutions les plus viséesNombre d’ordonnances exécutoires
Bibliothèque et archives Canada94
Défense nationale51
Bureau du Conseil privé33
Transports Canada27
Agence du revenu du Canada (ARC)20

Source : Commissariat à l’information du Canada

Si quelqu’un se plaint d’une ordonnance non respectée, la commissaire peut néanmoins s’adresser à la Cour fédérale. C’est malheureux, parce que c’est un processus qui aurait pu être déjà dans la loi, affirme la commissaire en citant l’exemple de la réforme de la Loi sur les langues officielles.

Le gouvernement nous avait dit que ce n’était pas nécessaire, "les institutions vont respecter vos ordonnances", [mais] ce n’est pas tout à fait vrai, dit Caroline Maynard.

La commissaire a peur que ça devienne une nouvelle façon de faire pour les institutions qui veulent avoir du temps additionnel pour éviter de divulguer de l’information.

Un jeu politique

Pour le Nouveau Parti démocratique du Canada, le pouvoir d’émettre des ordonnances est avant tout cosmétique et permet aux libéraux de dire qu’ils ont rempli une promesse électorale.

Avoir un pouvoir d'ordonnance [...] quand il n’y a pas de sanctions, pas de suivi, pas de conséquences, c’est pratiquement un pouvoir de recommandation, plaide le chef adjoint Alexandre Boulerice.

C’est comme si les libéraux avaient juste fait la moitié de la job.

Une citation de Alexandre Boulerice, chef adjoint, Nouveau Parti démocratique du Canada
Alexandre Boulerice, dans le studio de Tout un matin

Alexandre Boulerice, le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique du Canada (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Martin Ouellet

Le cofondateur de l’organisme Démocratie en surveillance, Duff Conacher, va jusqu’à dire que les libéraux ne veulent pas vraiment que les ordonnances exécutoires soient efficaces.

Les libéraux ont joué le jeu auquel de nombreux gouvernements du pays ont joué pendant des décennies [...], qui consiste à apporter un petit changement ici, un petit changement là, mais sans jamais vraiment rendre le système efficace, explique M. Conacher.

Peut-être que certaines lacunes sont comblées, mais l’application de la loi n’est pas renforcée.

Une citation de Duff Conacher, cofondateur, Démocratie en surveillance

Il avance que cela n'a donc pas vraiment d'importance, car les représentants du gouvernement peuvent continuer à refuser de divulguer des informations parce qu'ils savent qu'ils ne s'exposent à aucune sanction.

Le fondateur de l'organisme Democracy Watch Duff Conacher

Le cofondateur de l’organisme Démocratie en surveillance, Duff Conacher (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Vers un système de sanctions?

Dans son plus récent rapport sur la question, le Comité permanent de l’accès à l’information recommande que le commissaire à l’information puisse imposer des amendes ou des pénalités.

Le député bloquiste et vice-président du comité parlementaire, René Villemure, insiste pour que la commissaire puisse avoir les moyens de ses actions, et tant qu’elle ne les a pas il va y avoir beaucoup de coûts [pour les contribuables], car les institutions vont ignorer ou contester les ordonnances.

Sans pouvoir de contrainte, [...] ça ne vaut pas grand-chose.

Une citation de René Villemure, député bloquiste et vice-président du Comité permanent de l’accès à l’information

M. Villemure souhaite aussi qu’on mette fin à ce qu’il appelle le caviardage préventif. Selon lui, cela rendrait l’information plus accessible, minimiserait les délais de traitement des demandes d’accès et pourrait améliorer la confiance des citoyens envers les institutions.

René Villemure derrière un lutrin.

René Villemure, député fédéral de Trois-Rivières (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Raphaël Tremblay

Pour sa part, la commissaire Caroline Maynard estime que le respect de la Loi devrait faire partie des objectifs de rendement des cadres, des directeurs et des sous-ministres. Elle ajoute que le bureau du premier ministre, les bureaux de ministres et les organismes – privés ou non – qui travaillent pour le gouvernement devraient aussi être assujettis à la Loi, puisqu’ils dépensent eux aussi des fonds publics.

En 2015, les libéraux avaient promis dans leur plateforme électorale que la Loi s'appliquerait aux cabinets ministériels, y compris celui du premier ministre, ainsi qu’aux organismes publics qui assistent le Parlement et les tribunaux.

Anita Anand s'adresse aux journalistes.

Anita Anand, la présidente du Conseil du Trésor (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby

Sans préciser si elle envisage de rouvrir la Loi sur l’accès à l’information, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, reconnaît qu’il reste du travail à faire. Elle affirme que la prochaine révision de la Loi, en 2025, donnera au gouvernement l’occasion d’examiner plus à fond les façons d’améliorer la Loi [...], y compris d’examiner les recommandations formulées [par le comité parlementaire].

Malgré les compressions à venir au gouvernement fédéral, le Commissariat à l’information du Canada réclame 6 millions $ supplémentaires sur trois ans pour terminer le traitement des plaintes qu’il a reçues.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre ICI Ottawa-Gatineau

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Ottawa-Gatineau.