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Une année incendiaire pour les mèmes en 2023

Un homme souriant prend la pose, devant une œuvre en forme d'anneau dans un centre-ville.

L'homme derrière le mème « Hide the pain Harold » était de passage à Montréal l'été dernier. Il s’est fait « dérouler le tapis rouge » par la mairesse Valérie Plante, qui l'a accueilli à bras ouverts et a même collaboré avec lui sur les réseaux sociaux, selon Jean-Michel Berthiaume, expert en culture populaire.

Photo : Hide the Pain Harold/Instagram

Des feux de forêt à Bernard Drainville, en passant par le blocage de nouvelles de Meta, l’actualité a bien occupé les artistes du mème en 2023. Le docteur en sémiologie Jean-Michel Berthiaume a analysé les tendances de l’année de cette culture web au pays, qui a parfois même transcendé les frontières.

Mème

Concept (texte, image, vidéo) massivement repris, décliné et détourné sur Internet de manière souvent parodique, qui se répand très vite, créant ainsi le buzz.

– Dictionnaire Larousse

Les feux de forêt

Les incendies qui ont défiguré des forêts au Canada avaient tout pour être un terreau fertile pour la mèmosphère. C’était une composante visuelle parfaite, tu n'avais qu’à mettre un filtre orange sur une image et ça fonctionnait [pour représenter le smog], détaille Jean-Michel Berthiaume.

Cela a donné lieu à des composantes d’images intéressantes, qui touchent notamment à la nostalgie, avec par exemple l’utilisation du vaisseau spatial Romano Fafard volant au-dessus du mont Royal, à Montréal. Il s’agit d’une référence à la série culte de la télévision jeunesse Dans une galaxie près de chez vous, dont l’équipage avait la mission de trouver une planète habitable où déménager 6 milliards de tatas, puisque la Terre se mourait.

La vue du mont Royal, avec un filtre orangé rappelant le smog, et le vaisseau spatial fictif Romano Fafard en coin.

Dans ce mème, on peut lire le texte du générique d'introduction de la série jeunesse «Dans une galaxie près de chez vous», diffusée sur les ondes de Vrak.TV autour des années 2000.

Photo : Francis Naud/Facebook

Bilans de l'année 2023 et perspectives pour 2024

Consulter le dossier complet

Un cadran illustre le passage de 2023 à 2024.

D’après Jean-Michel Berthiaume, qui écrit un livre sur les mèmes québécois, il s’agit du meilleur mème de 2023 portant sur un événement d’actualité.

Autre montage : une image du film Blade Runner 2049, du cinéaste Denis Villeneuve, dont la signature visuelle rappelle le filtre orangé du smog, ayant pour paysage de fond le Stade olympique de Montréal.

Un homme marche dans le smog, devant le Stade olympique de Montréal.

Le smog a pris d'assaut Montréal au printemps et à l'été 2023, rappelant l'esthétique orangée du film «Blade Runner 2049», sorti en 2017.

Photo : L'Actualité en mèmes

Les mèmes de feux de forêt ont aussi connu un succès qui a traversé la frontière américaine, les États-Unis ayant été enfumés malgré eux. Ça a été le plus grand succès viral international. Même New York a fait des mèmes sur les feux canadiens, souligne le spécialiste.

Un personnage de jeu vidéo issu de la série Grand Theft Auto constate que les radars météo annoncent encore du smog au Québec.

On devine que la présentatrice météo Colette Provencher a senti, comme ce personnage de la série de jeux vidéo Grand Theft Auto, que la mauvaise qualité de l'air était un thème récurrent en 2023.

Photo : Fruiter

Barbie

Difficile de parler des mèmes de 2023 sans mentionner le succès phénoménal du film Barbie. La poupée de Mattel a eu droit à un traitement royal en matière de campagne marketing, avec entre autres le déploiement d’un site web générateur d’égoportraits (Barbie Selfie Generator), qui permettait à tout le monde d'apposer sa photo à l'univers rose du film.

Le mème a été si populaire que Québec solidaire a pris la balle au bond et a appliqué le filtre à une image de son ancienne co-porte-parole Manon Massé. En apparence, on ne fait pas beaucoup de liens entre Barbie et Manon Massé. [...] Mais de faire ce rapprochement entre ces icônes du féminisme, j’ai trouvé ça cohérent avec la façon dont on a parlé du film, analyse M. Berthiaume.

Le phénomène web « Barbenheimer », un mot inventé dans la foulée du doublé cinématographique composé de Barbie et Oppenheimer, sortis à la même date à l’été 2023, n’a pas laissé sa place en ligne, avec des montages jumelant les deux personnages. Toutefois, sa présence en ligne a été nettement inférieure à celle de la poupée, d’après le spécialiste.

Nouvelle ère du mème signée l'IA

Concevoir des mèmes est une forme d’art, et comme les artistes de nombreux métiers créatifs, ceux et celles de cette culture web ont vécu la démocratisation des outils d’intelligence artificielle (IA) générative.

La fausse humoriste Sonia Bélanger, générée par l’IA, qui annonçait sa présence à des soirées d’humour sans femmes à l’horaire pour faire un pied de nez aux activistes de la page Pas de filles sur le pacing, a aidé à partir le bal, selon le docteur en sémiologie.

Sonia Bélanger est devenue la solution à toutes les pénuries, surtout celles autour du manque de représentation des femmes.

Une citation de Jean-Michel Berthiaume, spécialiste en culture populaire
Une femme générée par une intelligence artificielle tient un micro dans ses mains. On lui attribue le rôle d'être la solution à toutes les pénuries.

Sonia Bélanger, une personne générée par IA, a suscité l'émoi dans l'industrie de l'humour au Québec en 2023.

Photo : La salle des profs

L'IA a aussi été l’occasion de revoir certains des grands classiques du folklore québécois façon Pixar, note-t-il. Du film Mommy, de Xavier Dolan, au mème de la dinde noire, le public a demandé à Maxime Larrivée-Roy, de la page L’Actualité en mèmes, de générer toutes sortes d’images contenant des références à la culture web locale. Il a même réimaginé son image signature « Mersi Kémion », couronnée mème de l’année par l’expert en 2022.

Un camion-dauphin sort de l'eau, devant un arc-en-ciel.

Le mème «Mersi Kémion» a été réimaginé par l'intelligence artificielle.

Photo : L'Actualité en mèmes

Un camion-dauphin sort de l'eau, devant un arc-en-ciel.

Le mèmes «Mersi Kémion», en 2022.

Photo : Zone 3

Lui, il écrivait les commandes dans Midjourney, qui est un outil d’IA très public. Tout le monde aurait pu le faire, mais les gens voulaient voir leur page préférée le faire pour eux, souligne-t-il. Il s’agit, selon lui, de l’un des premiers prompt artists populaires du Québec  – les prompts étant les commandes que l’on donne aux IA afin qu’elles génèrent des contenus.

Bernard « Burnout » Drainville

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, est sans aucun doute la personnalité méméfiée s’étant la plus démarquée en 2023, d’après Jean-Michel Berthiaume. Les internautes l’ont même rebaptisé Burnout Drainville, voire même Burnout Drainé, pour son ton parfois exaspéré lorsque des journalistes lui posent des questions.

Neuf images représentant des bernard-l'hermite et une gamme d'émotions différentes.

Bernard Drainville prend la forme de bernard-l'hermite dans ce mème qui détaille ses émotions, toutes semblables, avec une qui détonne : karaoké. Il s'agit d'une référence au moment où le ministre a interprété la chanson «Toune d'automne» des Cowboys fringants au complet en hommage à Karl Tremblay lors d'un d'un point de presse.

Photo : L'Actualité en mèmes

En tant qu’ex-chroniqueur et ex-animateur de radio, il est souvent appelé à donner ses commentaires, souligne l’expert : Il a été présent dans tellement de débats de société en 2023, et il offre toujours de nouvelles expressions faciales selon les événements. Il en a une pour toutes les occasions.

D’après le spécialiste de la culture populaire, il vole même la vedette au premier ministre François Legault, dont les différentes expressions sont loin d’être aussi diversifiées que celles de Drainville.

Une année difficile pour les artistes du mème

Même si le ton est souvent à la parodie pour les mèmes, l’année a été particulièrement lourde pour cette communauté.

Montage montrant des paniers d'épicerie du Costco bien ordonnés, à côté de paniers d'épiceries du Costco désordonnés.

Le blocage de Meta a eu des conséquences sur la modération de contenus à faire sur les pages de mèmes, selon Jean-Michel Berthiaume.

Photo : L'Actualité en mèmes

Depuis le blocage des nouvelles sur les plateformes de Meta, en réaction à la Loi sur les nouvelles en ligne issue du projet C-18, les pages de mèmes se sont un peu fait reléguer le poids de l’information, explique Jean-Michel Berthiaume.

Maintenant que [les gens] ne peuvent plus déverser leur fiel dans les commentaires des articles, [ils] se tournent vers les sections commentaires des pages de mèmes, [qui redoublent d’efforts] en modération pour s’assurer que l’espace reste sécuritaire.

Une citation de Jean-Michel Berthiaume, spécialiste en culture populaire

La page L’Actualité en mèmes a commencé à dénoncer la situation en nommant son jambon du jour – une image qui expose un commentaire jugé inadéquat. La page activiste Abattoir n’hésite pas à bloquer et à éjecter des personnes lorsque ça dérape, dit l’expert.

C’est peut-être aussi l’une des raisons qui a mené à la fermeture en 2023 de la page militante Organisation structurelle coconstruite de lo praticienxe réflexixe (OrgStruCo), dont les mèmes s’adressaient surtout aux gens du domaine de la santé, incarnant une sorte de QG de mobilisation pour eux.

Faire des mèmes avec des sujets comme les épuisements professionnels, les démissions, les incongruités et les paradoxes du système de santé, ça a permis de faire comprendre à tout le monde qu’ils n’étaient pas seuls à vivre ça, insiste Jean-Michel Berthiaume. Il salue au passage leur habileté à utiliser un ton léger pour représenter beaucoup de souffrance psychologique.

OrgStruCo était importante pour la communauté de mèmes du Québec. C’est une grosse page qui se tourne.

Une citation de Jean-Michel Berthiaume, spécialiste en culture populaire

La grève dans le milieu de la santé a été déclenchée quelques semaines après la fermeture de la page, le 1er novembre, mais n’a pas empêché pour autant la propagation de mèmes [favorables], note le spécialiste en culture populaire.

Le politicien parle devant un micro dans un bulletin de nouvelles, menaçant de chanter des chansons des Cowboys fringants sur les lignes de piquetage.

Le moment où Bernard Drainville a chanté en entier lors d'un point de presse la chanson «Toune d'automne», en hommage à Karl Tremblay des Cowboys fringants, a beaucoup inspiré les pages de mèmes.

Photo : Empire K

Un lutteur, représentant les syndicats, fait une prise qui demande beaucoup de souplesse à Sonia Lebel, dans un ring de lutte.

Les conflits de travail ont fait l'objet de nombreux mèmes vers la fin de 2023. Et la ministre Sonia Lebel n'est pas épargnée.

Photo : Memes et mots

Si 2023 a été une année particulièrement incendiaire pour les mèmes, avec beaucoup d’images politiques, dénonçant entre autres le contexte inflationniste, les tendances s’annoncent déjà plus légères pour 2024, avec le retour des faux événements Facebook.

Jean-Michel Berthiaume se réjouit de voir les foules commenter sur de faux événements, dont un party de Noël des caisses libre-service du Walmart, ou encore de voir les internautes se lancer à la recherche des p’tits bums décrits par Yolande Ouellet, dont la réaction à la caméra en sortant d’une salle du palais de justice de Trois-Rivières, en 2000, a marqué la toile au Québec.

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