Nouvelles cibles d’immigration francophone : « On ne respecte pas l’essence de la loi »
Ottawa va augmenter ces cibles d'immigration francophone hors Quebec, mais en deçà des propositions d'organisations francophones, pour rétablir la proportion passée.
Photo : Radio-Canada / Manuel Carrillos Avalos
Les organismes communautaires francophones de l’Ontario déplorent de nouvelles cibles d’immigration francophone hors Québec trop faibles pour rétablir le poids démographique de la minorité francophone au niveau de 1971, comme le requiert la nouvelle Loi sur les langues officielles.
Alors que les objectifs fédéraux seront maintenus à 500 000 nouveaux résidents permanents en 2026, le gouvernement libéral rehausse sa cible de nouveaux arrivants francophones hors Québec de 4,4 % à 6% en 2024, avec l'objectif de passer à 7 % en 2025 et à 8 % en 2026.
C’est clair que c’était une déception, mais pas une surprise
, réagit Thomas Mercier, coordonnateur du Réseau de soutien à l'immigration francophone du Nord de l'Ontario.
Les récentes déclarations du nouveau ministre de l’Immigration, Marc Miller, lui laissaient penser que l’objectif serait autour de 6 %, bien en deçà des 12 % proposés par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) en 2024, pour ensuite augmenter à 20 % en 2036.
Thomas Mercier voit des contradictions dans les propos du nouveau et de l'ancien ministre de l'Immigration.
Photo : Radio-Canada / Capture d'écran
À 6 ou 7 %, on continue le déclin. On va continuer de baisser sous les 3,6 % de francophones hors Québec. Ce n'est qu’à 8 % qu’on va stabiliser la population
Comme Thomas Mercier, le président de l'Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Fabien Hébert, voit là une contradiction avec la nouvelle Loi sur les langues officielles qui vise à rétablir la proportion des francophones au Canada
, souligne-t-il, à savoir 6,1 % hors Québec, comme en 1971.
Lorsqu’on a des cibles si basses, ça va prendre des décennies pour revenir au taux de 1971
, ajoute-t-il.
On ne demande pas d’augmenter le nombre d’immigrants, mais d’augmenter la proportion de francophones dans ces immigrants-là
, précise le président de l'AFO.
La cible de 4,4 % atteinte pour la première fois
En 2022, le pays a pour la première fois atteint ses objectifs depuis le recensement de 2006. Le décompte établissait alors à 4,4 % la proportion de locuteurs francophones hors Québec parmi les nouveaux arrivants.
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La cible progressive de la FCFA visait à rattraper le retard accumulé entre 2006 et 2022. Ça aurait été peut-être un pas de géant et je comprends qu’on ne veut pas non plus établir des cibles en sachant qu’on ne les atteindra pas
, convient Fabien Hébert.
Fabien Hébert comprend la prudence du gouvernement, mais aurait souhaité des cibles plus ambitieuses et des moyens de les atteindre.
Photo : Radio-Canada / Capture d'écran
Mais je crois aussi qu’il faut être capable de mettre de l’avant des cibles ambitieuses puis se doter des mécanismes pour les rencontrer
, reprend-il. Par exemple 8 %, note-t-il.
J’ai l’impression qu’on nous fait patienter, puis on ne respecte pas l’essence de la loi qu’on vient de mettre de l’avant.
Il fallait être réaliste
Interrogé lors d’une mêlée de presse à Toronto, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, dit avoir prévenu les organismes communautaires de ses intentions. Je leur avais dit très clairement, en personne, qu’il fallait être réaliste
, a-t-il dit.
J’aime mieux qu’ils soient déçus aujourd’hui que déçus dans un an. Je ne vais pas jouer le coup du politicien qui fait de fausses promesses.
Pour le ministre, qui a rappelé avoir pris ses fonctions il y a trois mois, on a atteint de peine et de misère les 4,4 % sans vraiment mettre en place de mécanismes, on puisait dans l’inventaire sans trouver vraiment des solutions
.
Le ministre de l'Immigration Marc Miller dit ne pas avoir les certitudes de son ministère que la cible de 6 % d'immigration francophone hors Québec en 2024 sera atteinte.
Photo : Capture d'écran
Je suis plus à l’aise de rater la cible de 6 % si j’ai la mécanique en place pour pouvoir monter de 6 à 7 ou 8 % que de rencontrer les 6 % en ayant puisé dans l’inventaire, faire ça à l’emporte-pièce, sans l’assurance de pouvoir monter à 7 ou 8 ou 9 %
, conclut-il
La réaction étonne Thomas Mercier, qui se souvient de ses échanges avec le prédécesseur de M. Miller, Sean Fraser.
L’an dernier, quand on lui a demandé, est-ce que c’est une exception d’une année, il nous a dit non, les mécanismes sont en place, les ressources sont en place
, se souvient-il. Et interroge. Qui des deux ne nous dit pas la réalité?
Avec les informations de Lounan Charpentier