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Des craintes liées à la sécurité ferroviaire persistent 10 ans après Lac-Mégantic

Des rails de train.

Des membres de communautés situées à proximité de voies ferrées, dont Farnham, craignent pour leur sécurité.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Radio-Canada

La tragédie de Lac-Mégantic a vivement ébranlé le lien de confiance entre les communautés vivant aux abords des voies ferrées et l'industrie ferroviaire.

À Sherbrooke, c'est l'état des rails, les mêmes où avait circulé le train impliqué dans la tragédie de Lac-Mégantic en 2013, qui a entraîné de vives inquiétudes au lendemain de la tragédie.

Au niveau de la construction, ça semblait défectueux. On a rapporté quelques interrogations aussi en lien avec des ponceaux soutenant les rails qui semblaient détériorés, se rappelle le directeur du Service de protection contre les incendies et coordonnateur des services d’urgence de la Ville de Sherbrooke, Stéphane Simoneau.

Un train est immobile au loin.

La situation s'est améliorée à Sherbrooke depuis 2013. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Bourdeau

Depuis, la situation s’est toutefois améliorée. Le Canadien Pacifique (CP) a investi des millions en réparations depuis son acquisition de la voie ferrée, en 2020.

Le risque zéro n'est jamais présent, mais je vous dirais que, par rapport à où on était, en tant que coordonnateur des mesures d'urgence, je suis satisfait des progrès qu'on a faits.

Une citation de Stéphane Simoneau, coordonnateur des services d’urgence de la Ville de Sherbrooke

Son équipe peut, par ailleurs, se renseigner rapidement quant aux matières dangereuses qui sont transportées dans chaque wagon en cas d'accident, grâce à une application lancée par l’industrie en 2015. L'appli en question peut aussi calculer le périmètre d’évacuation nécessaire en cas de problème.

Ce sont des données qu’il aurait fallu que je calcule, que j’aille chercher. Ça sauve un 15 minutes; c’est sûr que c’est très utile, c’est très aidant, souligne Stéphane Simoneau.

Ces nouveaux wagons-citernes ne peuvent pas survivre à un déraillement

À l’échelle du pays, le gouvernement fédéral se targue d’avoir resserré ses règles depuis 2013.

Le ministère des Transports a notamment augmenté de près de 50 % son nombre d’inspecteurs, a doublé son nombre d’inspections annuelles et a procédé au retrait progressif des wagons-citernes d’ancienne génération, selon le ministre des Transports du Canada, Omar Alghabra.

De très nombreuses règles ont été renforcées et modifiées. [...] Les règlements sur les mécanismes de freinage ont changé. Les inspections des freins ont elles-mêmes changé. Les règlements entourant le transport de marchandises dangereuses ont aussi été modifiés, et incluent la réduction de la vitesse des trains lorsqu’ils traversent des villes habitées ou des centres-villes*, soutient-il.

Omar Alghabra, le ministre des Transports du Canada, dans son bureau.

Le ministre des Transports, Omar Alghabra, assure que les règles de sécurité ont été resserrées depuis 2013.

Photo : Radio-Canada / Olivier Plante

Transports Canada a aussi imposé une limite de vitesse de 56 km/h aux trains chargés de matières dangereuses qui circulent dans les villes de plus de 10 000 habitants.

L’ancien dirigeant du Bureau de la sécurité des transports Ian Naish souligne cependant que les trains peuvent toujours circuler plus rapidement ailleurs, y compris dans des villes de taille modeste.

Ils acceptent le risque, je suppose, s'ils vont plus vite que 55 km/h dans une zone très peu peuplée. Il y a malheureusement beaucoup de petites villes ferroviaires dans tout le pays. [...] Si vous roulez à plus de 55 km/h sur la voie principale, il y a de fortes indications que même les nouveaux wagons-citernes ne peuvent pas résister à un déraillement, ou il est très peu probable qu'ils restent tous intacts*, croit-il.

Des résultats mitigés

Ian Naish juge par ailleurs que le bilan de sécurité ferroviaire ne s'est pas amélioré, malgré les nombreux changements apportés à la réglementation. Le taux d’accidents en voie principale n’a notamment pas baissé depuis 2011, selon les données du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Plusieurs déraillements impliquant le déversement de millions de litres de pétrole, notamment, ont eu lieu au cours des dernières années.

Je pense que les entreprises ferroviaires et le gouvernement doivent prendre du recul et étudier ce qu'ils font de mal, car il est clair qu'ils ne font pas mieux qu'en 2013, à mon avis.*

Une citation de Ian Naish, ancien dirigeant du Bureau de la sécurité des transports du Canada

Comme Ian Naish, la présidente du Bureau de la sécurité du transport, Katy Fox, juge qu’il y a encore place à l’amélioration. Il n’y a pas vraiment une tendance à la baisse de façon significative dans les données sur les accidents, tranche-t-elle.

Au cours des dernières années des accidents ferroviaires ont démontré de lacunes dans les mécanismes de surveillance. On a eu aussi vu des accidents où les dangers n’ont pas été vraiment décelés par les compagnies, explique-t-elle.

Elle estime par ailleurs qu’il y a encore du travail à faire chez Transports Canada quant à ses stratégies de surveillance. On veut que Transports Canada démontre qu’ils sont en mesure de vérifier l'efficacité des systèmes de gestion de la sécurité de la part des compagnies ferroviaires et de prendre des mesures de façon opportune avant qu'un accident arrive, précise-t-elle.

C'est d'ailleurs pour cette raison que le BST n'est pas prêt à retirer sa cinquième recommandation sur la surveillance reglémentaire qui a été émise après la tragédie de 2013.

La sécurité, plus grande priorité du fédéral

La militante Anne-Marie Saint-Cerny, qui a enquêté sur la tragédie de Lac-Mégantic, dresse elle aussi un dur constat.

Anne-Marie Saint-Cerny à l'extérieur, près de l'eau.

Anne-Marie Saint-Cerny a écrit une enquête sur la tragédie de Lac-Mégantic.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Il y a une seule chose qui a changé en 10 ans, fondamentalement, dans l’industrie ferroviaire : ce sont les profits et les retours exponentiels aux actionnaires.

Une citation de Anne-Marie Saint-Cerny, autrice

Elle ne se gêne pas pour mettre au banc des accusés les élus : La loi peut faire l'affaire; ce sont les gens au pouvoir qui ne la font pas.

Le ministre fédéral des Transports assure quant à lui que la sécurité est sa plus grande priorité. 

La sécurité est primordiale; c’est la plus haute priorité. C'est pourquoi on renforce les règles, on met en place des mesures qui sont très fortes et qui incluent des conséquences, afin de rappeler chaque jour aux compagnies ferroviaires leurs obligations envers les communautés*, souligne-t-il.

On ne peut pas laisser le statu quo

Un passage à niveau à Farnham.

La gare de triage est située au cœur de Farnham.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

L'industrie continue d'évoluer, et de nouvelles craintes émergent dans certaines municipalités. À Farnham, on constate notamment que la longueur des trains a fortement augmenté. Ça peut arriver que la ville est scindée en deux pendant 30, 40 minutes, fait remarquer le maire, Patrick Melchior.

Comme la gare de triage est située au cœur de la ville, la situation est particulièrement inquiétante, estime-t-il. 

On n’est pas à l'abri d'une tragédie. [...] Est-ce qu'on peut minimiser les impacts si on enlève la cour de triage du cœur urbain? [...] On ne peut pas laisser le statu quo, ça, c'est garanti. Je vais me battre corps et âme pour ça.

Une citation de Patrick Melchior, maire de Farnham
Patrick Melchior devant des rails.

Selon le maire de Farnham, Patrick Melchior, le statu quo n'est pas une option.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

La présidente du BST, Katy Fox, juge que la longueur des trains ajoute un facteur de risque supplémentaire. Définitivement, ça met plus de stress sur la structure d’infrastructure ferroviaire, précise-t-elle. Il faut qu’elles (entreprises ferroviaires) prennent des mesures en conséquence.

L’Association des chemins de fer du Canada a décliné la demande d’entrevue de Radio-Canada. Par courriel, l’organisme indique cependant que le taux d’accidents de trains d'entreprises ayant réalisé des recettes d’au moins 250 millions de dollars par année a diminué de 16,2 % en 10 ans.

* Traduit de l’anglais par Radio-Canada.

Avec les informations de Thomas Deshaies

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