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AnalyseLa CAQ contre le PQ, du 3e lien à la 3e opposition

François Legault se défend à l'Assemblée nationale alors qu'il est interpellé par l'opposition politique.

Le premier ministre québécois François Legault a dû répondre de ses déclarations sur le 3e lien en Commission des institutions sur les crédits budgétaires.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Personne ne doutait dans les officines du premier ministre François Legault que l’abandon du projet de tunnel autoroutier entre Québec et Lévis coûterait cher au gouvernement. Si les stratèges caquistes espéraient limiter les dommages à la Rive-Sud dans la région de la Capitale-Nationale, tout porte à croire qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines.

Plusieurs, tant à la Coalition avenir Québec (CAQ) que chez ses adversaires, se posent déjà franchement la question : la déception que suscite la nouvelle mouture du troisième lien aurait-elle des racines plus profondes qu’on ne le croit?

En moins d’une semaine, deux sondages sont venus confirmer l’étendue des dégâts. Le premier, de SOM/Le Soleil*, laisse entendre que la moitié des électeurs de la grande région de Québec ayant voté CAQ ne le referait pas.

Le deuxième, de Léger/TVA**, non seulement place les caquistes deuxièmes dans les intentions de vote de la capitale, mais constate qu’une baisse de leurs appuis se dessine à l’échelle du Québec. Donc, même dans les régions où le tunnel Québec-Lévis était passablement impopulaire, le parti perd des plumes.

Gouverner, c’est décevoir

Tout sur le 3e lien Québec-Lévis

Consulter le dossier complet

La ville de Québec vue d'un paquebot sur le Saint-Laurent.

Premier constat : ce qui se passe est loin d’être anodin pour la CAQ. Nous sommes loin de la marge d’erreur. Les chiffres de ces coups de sonde des électeurs rappellent que le parti a déçu à la fois sur le fond et sur la forme. D’un côté, il braque contre lui ceux qui tenaient vraiment au troisième lien, et de l’autre, il alimente les critiques de ses adversaires, qui l’accusent de renier trop facilement sa parole.

Maquette représentant un autobus circulant dans un tunnel sous le fleuve.

La nouvelle mouture du projet ne comporterait qu'un seul tunnel au lieu de deux.

Photo : Gouvernement du Québec et Radio-Canada

Est-ce que l’usure finit par se faire sentir, après une lune de miel qui, la pandémie aidant, aura duré tout un mandat? Une source proche de la CAQ me faisait part de sa crainte que son parti ne soit en train de payer pour avoir changé de recette en cours de route. Le gouvernement pourrait avoir cédé, comme d’autres avant lui, au réflexe de la gouvernance à la petite semaine, laissant derrière les grands projets à la fois rassembleurs et audacieux, de crainte de faire des vagues qui pourraient nuire à sa popularité.

Échaudé sur le thème de l’immigration, plus timoré sur la question de la langue, François Legault semble aussi avoir enterré la hache de guerre avec Ottawa. Et pourtant, les pommes de discorde ne manquent pas, de la protection du français aux transferts en santé.

Les derniers seront les premiers?

La dernière fois que le Parti québécois était en avance dans la région de Québec, Noir silence était en première place des palmarès, a rappelé, sourire en coin, Pascal Bérubé. Dans ses rêves les plus fous, le député de Matane-Matapédia n’aurait pas imaginé se réveiller cette semaine avec un sondage qui place en tête dans la grande région de la capitale et deuxième à l’échelle nationale son parti qui est la troisième opposition à l'Assemblée nationale.

Un homme, debout derrière un lutrin et devant des drapeaux du Québec, gesticule en parlant lors d'un point de presse.

Pascal Bérubé lors d'un point de presse dans les corridors de l'Assemblée nationale. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Prenons un pas de recul : non seulement plusieurs auraient encore signé l’acte de décès du PQ il y a quelques mois, mais il faut effectivement remonter à l’élection de 1998 pour retrouver le parti aussi fort à Québec. Lucien Bouchard avait raflé toutes les circonscriptions, de la rive nord à la rive sud, sauf deux : Jean-Talon et Limoilou (l'actuelle circonscription Jean-Lesage).

Évidemment, il y a loin de la coupe aux lèvres avant que le PQ ne répète cet exploit. Les élections sont dans trois ans et demi, et Robert Bourassa se plaisait à dire que six mois en politique, c’est une éternité.

Le rêve de PSPP

Il n’empêche qu’à court terme, le PQ compte au moins deux atouts dans son jeu. Le premier, qui paradoxalement était jusqu’à tout récemment un désavantage, c’est la répartition du vote. Lors des dernières élections, le parti ne dominait aucune région en particulier, mais arrivait bon deuxième dans plus de circonscriptions que ses adversaires de l’opposition.

Résultat : l'Assemblée nationale compte seulement 3 députés péquistes contre 19 pour le Parti libéral et 12 pour Québec solidaire. Or, cette même répartition des appuis pourrait potentiellement, avec une hausse des intentions de vote pour le PQ, faire du parti une option aux yeux des électeurs pour former un autre gouvernement.

Autre avantage immédiat : le chef. Paul St-Pierre Plamondon est porté par une vague de popularité depuis les dernières élections qui pourrait profiter à sa formation. On peut s'imaginer que le premier ministre François Legault l’a bien compris, s’attaquant à sa légitimité la semaine dernière.

Paul St-Pierre Plamondon.

Paul St-Pierre Plamondon s'insurgeant contre une réplique cinglante du premier ministre François Legault durant une période de questions. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Alea jacta non est

Les dés ne sont pas jetés. D’abord, comme le soulignaient à juste titre les panélistes des Mordus de politique, le PQ profite, comme la CAQ, de la faiblesse des autres partis d'opposition.

QS semble plafonner dans les intentions de vote, comme les conservateurs d’Éric Duhaime, cantonnés dans une poignée de circonscriptions de la capitale nationale. Et le Parti libéral, privé de chef, est au pire de sa forme. Or, tout cela pourrait changer rapidement.

L’ex-députée et ministre libérale Michelle Courchesne soulignait aussi que le momentum de la némésis souverainiste du PLQ pourrait galvaniser ses appuis et mobiliser les électeurs libéraux.

Qui plus est, la troisième opposition pourrait profiter d’un vote de protestation, voire de sympathie, qui risque de s’effriter une fois aux portes du pouvoir.

Enfin, malgré le vent de face, la CAQ domine encore largement le paysage politique. Mais il serait sage pour François Legault de se rappeler Machiavel, pour qui l'habituel défaut de l'homme est de ne pas prévoir l'orage par beau temps.

* Le sondage SOM/Le Soleil a été mené du 26 au 27 avril 2023 auprès de 1131 adultes québécois francophones de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Québec. L’échantillon a été tiré du panel or de SOM, lequel est constitué d’individus recrutés de façon aléatoire par téléphone (fixe et cellulaire). Les données ont été pondérées pour refléter au mieux les caractéristiques de la population selon l’âge, le sexe, la taille du ménage, la scolarité, le logement (propriétaire/locataire) et le secteur géographique. La marge d’erreur maximale, pour l’ensemble des répondants, est de +/- 4,2 %, 19 fois sur 20.

** Le sondage Léger/TVA Nouvelles est un sondage web réalisé auprès de 1201 Québécois de 18 et plus, avec un suréchantillon de 200 répondants habitant la grande région de Québec. Données collectées du 28 avril au 1er mai 2023. La marge d’erreur maximale pour un échantillon de 1201 répondants est de plus ou moins 2,83 %, et ce, 19 fois sur 20.

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