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AnalyseEt si on faisait confiance aux experts?

Le gouvernement Legault a multiplié depuis 2018 des initiatives mal ficelées et mal planifiées.

Un autobus circule dans un tunnel sous le fleuve Saint-Laurent.

Le troisième lien sera entièrement consacré au transport collectif.

Photo : Radio-Canada

Sur le plan environnemental et du point de vue économique, le gouvernement Legault a probablement pris la bonne décision en laissant tomber le projet de troisième lien. Il y a longtemps que la mathématique ne suivait pas dans ce projet, dont les coûts de réalisation allaient dépasser les 10 milliards de dollars, sans l’appui prévisible du gouvernement fédéral.

Même en ajoutant quelques voies réservées au transport collectif dans le projet autoroutier du gouvernement Legault entre Lévis et Québec, ce projet allait entraîner des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires, quoi qu’en pense Bernard Drainville, qui nous demandait durant la dernière campagne électorale qu’on le laisse tranquille avec l’enjeu des GES dans le troisième lien.

Il est démontré pourtant par les experts en urbanisme et en transport que l’ajout de tronçons routiers vient augmenter l’utilisation de l’automobile, pas le contraire.

On évoque maintenant un troisième lien axé seulement sur le transport collectif. Ce sera un tramway, un métro, un REM ou des autobus, a dit François Legault cette semaine. Le coût du projet est inconnu, le tracé, le lieu de départ et d’arrivée, bref tout reste à faire et à mettre en forme. La pertinence même, encore une fois, de ce lien exclusif au transport collectif, n’est pas démontrée.

Les députés de Chaudière-Appalaches ont beau réclamer des prix de consolation pour leurs électeurs – projet compensatoire ou engagement d’avoir un projet en réalisation en 2026 –, le premier ministre n’a pas voulu s’emprisonner dans quelques engagements que ce soit, sauf celui de développer un nouveau projet. Mon intention est de le faire le plus rapidement possible, s’est contenté de dire le premier ministre mercredi après-midi à l’Assemblée nationale.

Tout sur le 3e lien Québec-Lévis

Consulter le dossier complet

La ville de Québec vue d'un paquebot sur le Saint-Laurent.

Des projets précipités, sans planification réelle

La déconfiture du projet du troisième lien est symptomatique d’une pratique de plus en plus courante à Québec : des leaders politiques, pour des raisons qui nous semblent électoralistes, lancent des projets à la volée et prennent des décisions sans avoir en main toutes les données et toutes les études nécessaires, sans même laisser les experts faire leur travail.

D’ailleurs, force est de constater que, depuis son accession au pouvoir en 2018, le gouvernement Legault a multiplié ce type d’initiatives mal ficelées et mal planifiées. Le programme des maternelles 4 ans, dont l’utilité réelle n’a jamais été démontrée étant donné l’existence du modèle de centres de la petite enfance depuis deux décennies au Québec, ne donne pas les résultats escomptés.

Le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a été contraint d’annoncer en février dernier que le gouvernement Legault n’atteindra pas son objectif d'ouvrir 2600 classes de maternelle 4 ans d'ici 2025-2026 comme prévu. Cette cible est reportée à 2030. C’était pourtant l’une des principales promesses de François Legault lors de la campagne électorale de 2018. 

Le constat est le même pour les maisons des aînés. Le Journal de Montréal rapportait le 24 avril que la livraison de 30 maisons neuves était reportée et que les 6 maisons livrées par la Société québécoise des infrastructures en 2022 étaient vides ou moins peuplées que ce qui était attendu. S’il était difficile de prévoir les enjeux de pénurie de main-d’œuvre, il était certainement possible de mieux évaluer les besoins et l’occupation, et surtout les coûts.

Selon le professeur émérite en administration de la santé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, André-Pierre Contandriopoulos, cité par le Journal de Montréal, les maisons des aînés coûtent beaucoup plus cher que les soins à domicile, alors que des milliers de personnes attendent actuellement des services.

Dans la catégorie des annonces mal préparées, celle de la tarification de l’électricité arrimée à l’inflation a demandé un rétropédalage spectaculaire de la part du gouvernement, qui a été obligé de modifier sa loi pour y imposer un plafond de 3 %.

Certes, il n’était pas possible en 2019, au moment d’adopter la nouvelle loi, de prévoir la pandémie, la crise dans les chaînes d’approvisionnement et la guerre en Ukraine, ni de voir venir un taux d’inflation record en 40 ans. On ne pouvait pas prévoir ça.

Mais le gouvernement aurait quand même dû se montrer plus prudent et plus sage face aux mouvements qui peuvent influencer l’inflation. Sylvain Gaudreault, qui était député à l’Assemblée nationale, en octobre 2019, rappelait à l’époque une vérité fondamentale sur l’évolution de l’inflation, qui aurait dû être considérée par le gouvernement.

Le 2 octobre 2019, lors d’un débat sur le projet de loi 34 sur les tarifs de distribution d'électricité, Sylvain Gaudreault déclarait ceci : Je vous mets au défi, quiconque ici, de nous annoncer, de jouer le devin, de faire de la futurologie pour nous dire quel sera le taux d'inflation dans deux ans, dans trois ans, dans cinq ans. On peut avoir des perspectives, les économistes font ça, ils sont capables d'anticiper, mais il y a tellement d'événements qui peuvent arriver, ce qui fait en sorte que le taux d'inflation varie selon, par exemple, le cours du pétrole, selon des événements socioéconomiques, sociopolitiques, qui peuvent arriver, comme on l'a vu récemment dans des pays du Moyen-Orient producteurs de pétrole, comme c'est arrivé, par exemple, après les événements du 11 Septembre, comme ça arrive après des événements climatiques, des tornades, des cyclones, des catastrophes naturelles ou des situations politiques. Ça influence le cours de l'inflation.

Et si on faisant confiance aux experts?

Le gouvernement précédent, celui de Philippe Couillard, a eu l’idée encore douteuse aujourd’hui de confier le développement de projets de transport collectif à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le REM est en cours de réalisation, malgré tous ses défauts. Et celui de l’Est a été suspendu, abandonné même par la Caisse, en raison de problèmes fondamentaux dans sa réalisation.

Pourquoi céder la planification urbaine à la Caisse de dépôt, qui recherche le projet le plus rentable et non pas celui qui sert le mieux l’intérêt public?

Revenons au troisième lien. Ce projet a été lancé pour répondre à une attente de l’électorat de Chaudière-Appalaches, sans planification urbanistique, sans études étayées. Il vient d’être annulé par le premier ministre, qui a obtenu de nouvelles informations le 5 avril dernier, s’appuyant sur des données partielles portant sur le télétravail en 2022 et les déplacements sur les ponts actuels de la région de la Capitale-Nationale au cours de la dernière année.

Et, une fois de plus, le nouveau projet annoncé ne s’appuie pas sur des données fondamentales, des études approfondies et des évaluations chiffrées. A-t-on vraiment besoin d’un troisième lien, même celui axé sur le transport en commun? La question demeure entière, mais, en attendant, le gouvernement y va d’une autre promesse dont les contours sont flous, ce qui laisse croire à plusieurs que cette xième mouture du troisième lien ne verra jamais le jour.

L’État ne devrait-il pas revenir aux jeux de base : consulter des experts, faire confiance aux compétences des ingénieurs, architectes, urbanistes, aux planificateurs des ministères du Transport, aux personnes compétentes des agences de transport?

N’est-il pas temps de remettre entre les mains des experts le développement de notre territoire, de nos axes de transport, de nos choix en matière de transport collectif?

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