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Le hockey, une affaire de communauté pour la Mohawk Brooke Stacey

Brooke Stacey est appuyée sur son bâton de hockey.

À la date limite des transactions, le 19 mars dernier, la nouvelle équipe de hockey féminin de Montréal est parvenue à mettre sous contrat deux attaquantes, dont Brooke Stacey, pour qui il s’agit d’un retour aux sources.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Après une carrière jusqu’ici ponctuée de déplacements, la hockeyeuse mohawk Brooke Stacey ne cache pas son enthousiasme de jouer pour Montréal au sein de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF). Ce nouveau chapitre lui permet non seulement de s’intégrer à une nouvelle famille sportive mais également de renforcer ses liens avec sa communauté de Kahnawà:ke.

Bien qu’elle n’ait signé qu’à titre de réserviste pour l’instant, la jeune femme de 27 ans pourrait se greffer à l’alignement partant plus tôt que tard, si on se fie à ses prouesses lors de l'entraînement auquel Espaces autochtone a pu assister.

Elle s’est permis ni plus ni moins qu'un tour du chapeau lors d’une partie simulée avec ses coéquipières, au terme d’une longue séance d'entraînement, le tout sous les yeux de membres de la haute direction du club.

Pendant cette joute amicale, les autres joueuses de part et d’autre de la patinoire n’ont d’ailleurs pas caché leur enthousiasme devant l’impressionnante performance de l’attaquante.

J'étais avec elles pendant le camp de présaison. Je sais donc qui elles sont et quel genre de personnes elles sont en dehors de la glace. Je me suis sentie bien accueillie dès mon retour, raconte avec joie Brooke Stacey.

Elle a en effet joué brièvement avec la Force de Montréal dans la Premier Hockey Federation avant que cette ligue ne soit dissoute pour créer la LPHF.

C’est d’ailleurs cet esprit de camaraderie qui l’a toujours rattachée à ce sport, de l’aréna de Kahnawà:ke jusqu’à l'Auditorium de Verdun, où sa nouvelle formation s'entraîne et dispute ses matchs à domicile.

J'aime l'esprit de famille qui accompagne le fait d'être une joueuse de hockey. Quand tu arrives sur la patinoire, tu as toutes tes meilleures amies avec toi. À travers les hauts et les bas, elles sont toujours là pour toi, surtout si tu es dans un bel environnement.

Une citation de Brooke Stacey

Et des familles, Brooke Stacey en a eu plusieurs au fil des années. Vers l’âge de 13 ans, elle a quitté sa communauté pour poursuivre sa passion en Ontario avant de jouer pour l'Université du Maine, l'équipe du Canada des moins de 18 ans – remportant l’or et l’argent dans deux tournois différents –, le Linköping HC en Suède, les Beauts de Buffalo et, enfin, la Force de Montréal.

Brooke Stacey à l'entraînement sur la glace.

Brooke Stacey a passé la saison 2022-2023 en tant que membre de la Force de Montréal de la Premier Hockey Federation, où elle a marqué neuf points en 24 matchs.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Grâce à toutes ces expériences, elle s’est approprié cette vie nomade, ce pour quoi c’est un défi de se sédentariser aujourd’hui.

Le fait de rester au même endroit me rend folle. Je pense que les déménagements et les nouvelles expériences me permettent de rester saine d'esprit. C'est un autre ajustement, s’adapter au fait d'être à la maison, avance-t-elle.

Déposer son baluchon ne sera pas désagréable pour autant puisqu’elle bénéficie maintenant d’une proximité avec sa communauté d’origine. Elle peut ainsi renouer avec la culture mohawk dont elle s’est privée dès son jeune âge.

J'essaie de retrouver ce sentiment d'appartenance envers la communauté et de m'y sentir à l'aise parce que je suis partie depuis très longtemps. Je me suis beaucoup déconnectée de la culture lorsque je suis partie, explique Brooke Stacey.

La jeune mère y voit également une belle occasion d’exposer son fils aux pratiques traditionnelles mohawks.

Je ne suis pas retournée dans notre maison longue, où se déroulent certaines des cérémonies. Mais c'est quelque chose que je veux faire, parce que j'ai un fils et je veux qu'il apprenne.

Autochtoniser le hockey, lentement mais sûrement

Malgré les déplacements et la distance avec Kahnawà:ke, le hockey a toujours su combler son besoin d’appartenir à une communauté, et c’est d’autant plus vrai lorsqu’elle est entourée de joueurs ou de joueuses autochtones.

Lorsque je vais à un tournoi autochtone, j'éprouve une joie et des sentiments tout à fait différents. [...] Il y a en général au moins 50 équipes et tout le monde est autochtone. Je pense qu'il y a simplement une plus grande connexion lorsqu'on joue avec une autre personne autochtone, soutient la jeune athlète mohawk.

Celle-ci a d’ailleurs un souvenir amer du malaise ressenti lorsqu’elle a porté le chandail d’Équipe Canada tôt dans sa carrière, elle qui était alors la seule joueuse autochtone de l’alignement.

L'hymne national, quand nous avons gagné, tout le monde l'a chanté. Je suis restée plantée là parce que je ne chante pas l'hymne national. Je me suis demandé ce que je devais faire, se rappelle Brooke Stacey, qui s’identifie comme une Mohawk et non pas comme une Canadienne. Elle a finalement entonné le Ô Canada à mi-chemin de la pièce, non sans éprouver une certaine dissonance.

Je ne me sentais pas liée au Canada. Évidemment, j'étais heureuse, parce que qui peut dire qu'il a représenté le pays? Il n'y a qu'un petit pourcentage de personnes qui l’ont fait. Donc, c'était un peu bizarre.

Une citation de Brooke Stacey

Elle connaît évidemment les joueurs autochtones qui se sont taillé une place dans les rangs professionnels, mais ce ne sont pas eux qui l’ont le plus inspirée.

J'aime bien Jordan Tootoo, mais je pense que c'est parce que je savais qu'il est autochtone. Ensuite, j'ai toujours aimé Carey Price, laisse-t-elle tomber d’un ton presque détaché avant de souligner ceci avec un sourire : Mais je pense que la personne la plus influente a été ma mère, tout simplement à cause de sa vie et de la façon dont elle a mené son entreprise. Elle a beaucoup de volonté et n'a pas peur d'exprimer son opinion.

Brooke Stacey est consciente qu’il n'y a que très peu de joueuses autochtones dans la LPHF actuellement. Elle note que ce serait formidable s'il y avait plus d'Autochtones autour d'elle.

Brooke Stacey est assise dans des gradins.

La jeune professionnelle aimerait grandement voir apparaître aux championnats mondiaux une équipe de hockey entièrement autochtone.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Sur les 156 joueuses du nouveau circuit professionnel, seulement six ont des origines autochtones, pour une représentation de 3,84 %. Du côté de la Ligue nationale de hockey (LNH), 10 joueurs sont autochtones, ce qui représente seulement 1,35 % des effectifs de la Ligue.

Elle reconnaît qu’elle est elle-même aujourd’hui un modèle pour les plus jeunes générations, une responsabilité qu’elle porte fièrement, même si elle se considère comme quelqu’un de timide.

J'essaie de faire de mon mieux et de montrer à tout le monde que c'est possible de réussir ici. Ce n'est pas facile du tout. Mais si on y met du sien et qu'on reste engagé, tout est possible, même si on vient d'une communauté isolée, ce qui arrive souvent, avance-t-elle tout en encourageant les jeunes à ne pas se sentir mal de saisir les occasions de concilier études et hockey.

Ça va être difficile, mais la maison sera toujours là, avec FaceTime et tout ça, précise-t-elle.

Se dépasser… et se questionner

Bien qu’inévitables, les parallèles entre la LPHF et la LNH n’inquiètent pas trop la jeune professionnelle. Elle concède néanmoins que le circuit où elle évolue n’est pas sur un pied d’égalité avec la Ligue nationale.

Évidemment, c'est déjà très bien, mais dans la LNH, personne n'a à se soucier d'un autre emploi. Je pense que nous ne sommes pas encore égaux. J'espère que d'ici la saison prochaine, nous aurons atteint ce niveau, avance-t-elle.

Sa plus grande préoccupation du moment n’est toutefois pas l’argent. Ce sont plutôt ses hanches et son dos qui tardent à se rétablir depuis son accouchement, il y a quelques années.

Ce n'est pas une partie de plaisir. C'est la plus grande adaptation en ce moment, s'apercevoir que [les autres joueuses] se sont entraînées pendant les cinq derniers mois alors que je m’entraînais seule et que je jouais dans des ligues de garage masculines, constate Brooke Stacey.

Brooke Stacey sourit en patinant.

Brooke Stacey ne manque pas d'intensité à l'entraînement.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Un dilemme accapare donc ses réflexions : pousser les limites de son corps dans l’espoir de décrocher une place sur l’alignement de départ ou progresser plus lentement, au risque de devoir accrocher ses patins.

J'en suis au point où mon corps me dit de ralentir, mais je suis têtue, alors je ne l'écoute pas trop, poursuit-elle, ajoutant avec une touche d’humour que son corps est en retard sur [son] cerveau.

Même si ses limites physiques devaient mettre un terme à son parcours, Brooke Stacey ne peut pas s’empêcher d’éprouver un certain optimisme pour l’avenir.

En quelques semaines seulement avec l’équipe de Montréal, elle considère qu'elle a acquis un précieux bagage d’expérience et de connaissances dont sa communauté a déjà commencé à bénéficier.

Pouvoir m’entraîner, apprendre de mes entraîneurs et même de mes coéquipières, c’est incroyable. Quand j’aide les camps dans la réserve, j’ai plus de connaissances rien qu’en étant ici. C’est quelque chose que j’emporterai avec moi, quoi qu’il arrive.

Une citation de Brooke Stacey

Elle se joint en effet occasionnellement à des séances d’entraînement à Kahnawà:ke pilotées par deux entraîneurs personnels avec qui elle collabore et qui ont joué à des niveaux professionnels.

La différence dans les habiletés des jeunes au cours d’une seule saison est incroyable. S’efforcer de trouver quelqu’un qui a la formation adéquate pour entraîner ces joueurs dès leur plus jeune âge aura un effet déterminant parce que, dans la réserve, ce ne sont que les parents qui donnent un coup de main. Et c’est génial : on veut que les parents aident et soient là, mais avoir cette formation, c’est nécessaire partout.

Forte de son expérience, elle espère à son tour cultiver chez la relève autochtone l’amour du hockey et l’esprit de communauté qui lui ont donné la piqûre.

C’est une bonne chose de poursuivre ses rêves. Même si c’est difficile, on veut toujours aller de l’avant et inspirer la prochaine génération, conclut-elle.

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— Soleïman Mellali, rédacteur en chef