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Guyane : des Autochtones saisissent l’ONU face à un projet empiétant sur leurs terres

Le peuple autochtone kali’na, installé en Guyane française, s’oppose depuis longtemps à la construction d’une centrale à hydrogène sur ses terres. Face à l’inaction de l’État, ils ont décidé de saisir l’ONU.

Une réunion du Conseil des droits de la personne de l'ONU à Genève. (Photo d'archives)

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU, à Genève, a été saisi. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / DENIS BALIBOUSE

À Prospérité, ce petit village autochtone situé à la frontière entre la Guyane et le Suriname, le projet de la Centrale électrique de l’Ouest Guyanais (CEOG) ne passe pas, et ce n’est pas nouveau.

À de nombreuses reprises, le chef coutumier de Prospérité, (yopoto) Roland Sjabere, a fait part de l’opposition du village, car la construction de la centrale doit se faire sur des terres dont l’usage est essentiel à [notre] mode de vie, avait-il déjà expliqué lors d’une précédente rencontre avec Espaces autochtones.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU a ainsi été saisi pour demander l’arrêt des travaux. Les habitants de Prospérité souhaitent que ce projet soit déplacé hors de leurs terres.

Le Comité tiendra sa session du 8 au 26 avril. L’Organisation des Nations autochtones de Guyane française et l’International Service for Human Rights sont les dépositaires de cette demande.

Le yopoto Sjabere a pris cette décision en accord avec la communauté. Je crains que la situation dégénère. Les gens ne sont pas contents du tout, surtout nos jeunes. Alors, nous avons trouvé cette solution : déposer une plainte, explique-t-il lors d'une nouvelle entrevue avec Espaces autochtones.

Maquette du projet CEOG.

Le projet CEOG doit approvisionner 10 000 foyers.

Photo : Meridiam

Depuis le début de l’opposition des villageois, plusieurs arrestations ont eu lieu, notamment celle de Roland Sjaberbe, qui a été placé en garde à vue (détention provisoire). Des dizaines d’autres arrestations ont eu lieu, selon les locaux et les ONG.

Régulièrement, les travaux ont été interrompus à cause des actions menées par les opposants au projet, qui dénoncent aussi un manque de consultation en amont.

Finalement, les opérations ont repris à l’été 2023.

L’attitude des autorités locales et nationales sur le projet de la CEOG est en effet contraire aux obligations de la France en tant qu’État parti de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, au respect de laquelle doit veiller le Comité, écrivent les plaignants.

Le yopoto Sjabere indique aussi que même les autorités locales [de Guyane] ne nous prennent pas en considération. Il rappelle aussi que l'opposition au projet sur le site actuel dure depuis quatre ans.

Des manifestants en face d'un cordon de gendarmes.

Le yopoto du village craint que l'exaspération des Autochtones n'entraîne une situation très conflictuelle.

Photo : Facebook Village de Prospérité

Dans leur plainte, les Kali'nas ont aussi fourni un rapport au Comité qui détaille en effet comment l’emplacement du projet à proximité des habitations et la déforestation du lieu de vie des Kali’nas constituent un acte de discrimination à l’encontre du peuple kali’na et une entorse aux droits découlant de leur identité autochtone, peut-on lire dans un communiqué de presse.

Contactée par Espaces autochtones, la préfecture de Guyane n'avait pas répondu à nos demandes de réactions à la suite du dépôt de plainte et le promoteur nous a indiqué ne pas être au courant.

Oui au projet, mais ailleurs

Le projet CEOG, qui doit approvisionner 10 000 foyers, va nécessiter le déboisement de plus de 70 hectares d’une forêt qui a une grande importance culturelle et économique pour Prospérité. Il se situe également à moins de deux kilomètres du village.

Les Kali’nas insistent sur le fait qu’ils ne s’opposent pas fondamentalement au projet, mais demandent à ce que sa localisation soit revue. Une demande qui serait impossible, selon les promoteurs.

Le village de Prospérité.

Le petit village de Prospérité tend à se développer. Il a notamment construit tout récemment un four à pain pour la communauté.

Photo : Facebook Village de Prospérité

En Guyane, les besoins et les traditions des peuples autochtones continuent d’être des questions secondaires pour les autorités, dit le yopoto Roland Sjabere. En persistant dans ce projet sous cette forme et à cet emplacement, la République française bafoue notre identité et met en péril notre mode de vie et l’avenir de nos peuples.

Pour Clarisse Da Silva, militante au sein du collectif autochtone opposé au projet, le dossier déposé aujourd’hui démontre clairement que les services de l’État ont négligé les droits des peuples autochtones, dans le cadre de la présentation du projet et les travaux de la CEOG.

Le CERD doit entendre la voix des habitants de Prospérité. Leurs voix portent avec elles l’appel de toutes les communautés amérindiennes [sic] de Guyane qui luttent pour leur droit de préserver leurs cultures et l’accès à leurs terres dans un environnement sain et durable, affirme-t-elle.

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