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Être servi dans la langue de son choix, un problème récurrent, dit le commissaire Théberge

Le commissaire aux langues officielles dans une conférence de presse devant des drapeaux canadiens.

Le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, a déposé son rapport annuel 2023-2024 devant les médias.

Photo : Radio-Canada / Félix Pilon

Le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, blâme des institutions fédérales jugées peu coopératives pour servir les usagers dans la langue officielle de leur choix et pour permettre aux fonctionnaires de travailler en français ou en anglais.

La langue de service constitue un problème récurrent. Cette problématique suggère que les institutions récalcitrantes n’acceptent pas la prémisse qu’elles doivent servir les membres des deux communautés linguistiques dans la langue officielle de leur choix, écrit le commissaire Théberge dans son rapport annuel 2023-2024, publié mardi matin.

Parmi les institutions récalcitrantes visées, Air Canada arrive en tête avec 130 plaintes, suivi de la Gendarmerie royale du Canada (48) et l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (46).

On doit utiliser les deux langues officielles, pas une plus que l’autre. [...] C’est très important que nous choisissions des hauts dirigeants de la fonction publique qui sont des exemples du bilinguisme, a expliqué le commissaire Théberge, lors d'une conférence de presse mardi matin.

Les institutions fédérales qui ont été visées par le plus grand nombre de plaintes en 2023-2024

Institution fédéraleNombre de plaintes recevables
Air Canada130
Gendarmerie royale du Canada48
Administration canadienne de la sûreté du transport aérien46
Affaires mondiales Canada42
Emploi et Développement social38
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada35
Agence des services frontaliers du Canada34
Services partagés Canada33
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada31
Ministère de la Défense nationale30

Source : Commissariat aux langues officielles du Canada

Même si le nombre de plaintes formulées auprès de son équipe a diminué dans la dernière année, la grande majorité concerne encore et toujours les communications avec le public et la prestation de services. Raymond Théberge en signale 533 sur les 847 plaintes jugées recevables au total.

Bien que le volume de plaintes recevables déposées cette année soit moins élevé que ce à quoi nous avons été habitués dans les dernières années, il ne faut pas lever le pied de l’accélérateur.

Une citation de Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada

Il est difficile de s’expliquer la diminution du nombre de plaintes. Je présume que c’est une anomalie, a-t-il déclaré lors de son allocution devant les médias mardi. Cela dit, les dernières années ont été marquées par des événements exceptionnels qui ont généré un très grand nombre de plaintes. Nous n’avons pas connu ce genre d’événement en 2023‑2024. [...] Nous devons poursuivre sur cette lancée et nous appuyer sur les progrès réalisés jusqu’à présent pour produire des changements concrets et durables pour assurer l’avenir de nos deux langues officielles.

Plaintes jugées recevables selon la partie de la Loi concernée, 2023-2024 (en date du 31 mars 2024)

Partie de la Loi sur les langues officielles concernée
Communications avec le public et prestation de services533
Langue de travail227
Exigences linguistiques reliées aux postes41
Promotion du français et de l'anglais34
Participation équitable9
Autres parties de la Loi3
TOTAL847

Source : Commissariat aux langues officielles du Canada

Une grande partie de ces plaintes a été formulée en Ontario (130) et au Québec (124). Mais c’est surtout dans la région de la capitale nationale, des deux côtés de la rivière des Outaouais, qu’on en trouve le plus, avec 284 plaintes jugées recevables.

Le Commissariat aux langues officielles du Canada précise que la proportion de plaintes pour un manque d’accès à des services en français est beaucoup plus grande que celle pour un accès à des services en anglais.

Répartition des plaintes reçues au Commissariat en 2023-2024 selon la langue officielle de l’incident

Langue de l'incidentNombre de plaintes recevablesPourcentage du total (arrondi à l'unité)
Anglais486%
Français71985%
Les deux668%
Renseignement non fourni142%
TOTAL847

Source : Commissariat aux langues officielles du Canada

Des exigences linguistiques mal définies

Une des explications avancées par le commissaire est que les exigences linguistiques pour certains postes de fonctionnaires sont, selon lui, mal définies, ce qui nuit à l’instauration d’une culture bilingue.

Lorsqu’une institution fédérale échoue à instaurer et favoriser une culture bilingue, il est sûrement plus difficile pour elle de répondre à ses responsabilités de bilinguisme institutionnel, écrit-il.

Une mauvaise détermination des exigences linguistiques des postes affecte également la qualité du service au public.

Une citation de Extrait du rapport annuel 2023-2024 du commissaire aux langues officielles du Canada

La capacité des fonctionnaires à travailler dans la langue de leur choix arrive en seconde position dans le nombre des plaintes formulées en 2023-2024, avec 227 cas.

Évolution du nombre de plaintes jugées recevables sur une période de dix ans

2014-20152015-20162016-20172017-20182018-20192019-20202020-20212021-20222022-20232023-2024
550725101889410871361187054091788847

Source : Commissariat aux langues officielles du Canada

Ces institutions fédérales ne semblent ni adhérer à la vision d’une fonction publique bilingue ni appuyer la création de milieux de travail dans lesquels les fonctionnaires se sentent habilités à travailler dans la langue officielle de leur choix, regrette le commissaire aux langues officielles.

L’un des problèmes structurels rencontrés est la mauvaise détermination des exigences linguistiques des postes, qui ne tiennent pas compte de l’ensemble des tâches associées à ces postes pivots, ajoute-t-il.

Un commissaire préoccupé

Après six ans en poste, Raymond Théberge se dit préoccupé par plusieurs aspects.

D’abord, je constate que le respect des droits linguistiques de la part des institutions fédérales ne répond pas aux attentes formulées dans mes rapports annuels successifs, note-t-il. Je remarque aussi que la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais [...] reste un enjeu de taille.

Les plaintes reçues par le Commissariat au fil des ans et les enquêtes qu’il a menées attestent que plusieurs institutions fédérales ne prennent pas leurs obligations linguistiques au sérieux.

Une citation de Extrait du rapport annuel 2023-2024 du commissaire aux langues officielles du Canada

Puisque la nouvelle Loi a été sanctionnée au cours de cette année 2023-2024, le commissaire précise que son rapport annuel reflète une situation de transition. Il estime toutefois que les nouveaux pouvoirs que lui donne la Loi sur les langues officielles depuis juin 2023 pourraient permettre d’améliorer la situation, même s’il ne s’agit pas d’une baguette magique, souligne-t-il.

La Loi modernisée offre plus de moyens afin d’appuyer cette progression, mais ce n’est qu’une étape de sa réalisation, soutient le commissaire.

Il appelle chaque institution à respecter ses obligations et juge que lui et son équipe auront besoin de plus de ressources pour utiliser pleinement les nouveaux outils donnés par la Loi, comme le pouvoir de conclure des accords de conformité ou de rendre des ordonnances contre les institutions pour leur enjoindre de corriger un manquement à la loi.

Les deux recommandations du commissaire aux langues officielles

Recommandation 1

Je recommande à la ministre du Patrimoine canadien de développer et de rendre public d’ici juin 2026, en consultation avec la présidente du Conseil du Trésor, des indicateurs permettant de procéder à l’examen des dispositions et de l’application de la Loi sur les langues officielles en prévision de la revue décennale de 2033.

Recommandation 2

Je recommande à l’ensemble des sous-ministres et administrateurs généraux de la fonction publique fédérale d’incorporer à même leur plan stratégique, d’ici le 31 mai 2025, un plan pour atteindre la pleine mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, qui s'appuie sur la Feuille de route sur les obligations des institutions fédérales en vertu de la partie.

Des problèmes systémiques

De son côté, le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault, dit prendre connaissance du rapport publié par le commissaire mardi matin.

Le rapport met en lumière les avancées que notre gouvernement a complétées avec le passage de la nouvelle Loi sur les langues officielles. [...] On continue de faire du progrès, et nous allons analyser les recommandations de près , indique son cabinet par voie de communiqué.

Même si le nombre de plaintes reçues par le Commissariat a diminué, le directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Alain Dupuis, croît qu’il y a encore beaucoup de travail à faire au sein des institutions fédérales. Il déplore le fait que certaines organisations sont plus fautives que d’autres.

C'est toujours ces mêmes institutions-là qui sont citées d'année en année. Il y a vraiment un travail à faire pour changer la culture dans ces institutions-là. Il faut que les hauts dirigeants fassent une analyse sur ces problèmes systémiques là récurrents , exprime-t-il.

Photo d'Alain Dupuis devant une colline.

Alain Dupuis, le directeur général de la FCFA. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Julie-Anne Lamoureux

Selon le porte-parole du Bloc Québécois en matière de langues officielles, Mario Beaulieu, le principe du bilinguisme institutionnel ne fonctionne pas présentement au sein de la fonction publique fédérale.

Il faut que les gens fassent des plaintes, il faut bouger. [...] Il faut vraiment faire un constat que le français est en déclin au Canada.

Une citation de Mario Beaulieu, porte-parole du Bloc Québécois en matière de langues officielles
Mario Beaulieu en novembre 2022.

Mario Beaulieu veut que le gouvernement mette plus d'efforts pour reconnaître le français comme langue officielle. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Si vous avez un employé qui veut travailler en anglais avec un employé qui veut travailler en français, qu'est-ce qui se passe? Lequel va l'emporter? [...] Le gouvernement présume que tout se passe en anglais , explique M. Beaulieu.

Quant à lui, le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Joël Godin, applaudit les recommandations du commissaire Théberge, mais pense que le gouvernement actuel n'a pas la volonté d'arrêter le déclin du français au pays.

Joël Godin prend la parole.

Le porte-parole du Parti conservateur du Canada en matière de langues officielles, Joël Godin, veut que la nouvelle Loi sur les langues officielles soit mieux appliquée dans les institutions fédérales. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

La gouverneure générale est bilingue, mais elle ne parle pas français dans un poste de représentation. On a nommé aussi le lieutenant-gouverneur au Nouveau-Brunswick, qui est unilingue anglais. Ce n’est pas cohérent , fait savoir M. Godin.

Le Nouveau parti démocratique (NPD) de son côté dit appuyer le rapport du commissariat estimant qu'il est important de développer des règlements forts qui vont mettre fin au déclin du français un an après l’adoption de la modernisation de la loi sur les langues officielles.

La partie VII de la Loi doit s'appliquer à l’ensemble des institutions fédérales, telles que la politique d’immigration francophone et l’application par la ministre du Patrimoine canadien de ses responsabilités envers la loi. Il est clair d'après le rapport que le gouvernement doit prendre au sérieux la partie VII et mettre pleinement en œuvre les recommandations du commissariat, indique la porte parole néodémocrate en matière de langues officielles, Niki Ashton, dans une réponse écrite.

Avec les informations de Laurence Martin, Rosalie Sinclair et Félix Pilon

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