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ChroniqueLe vieux fantasme du tunnel Québec-Lévis

Les projets de tunnel reliant les rives sud et nord du Saint-Laurent, dans la région de Québec, ne datent pas d'hier.

Qui aurait cru que des gens rêvaient déjà d'un tunnel Québec-Lévis... en 1862?

Photo : Radio-Canada / Illustration Francis Desharnais

Le tunnel Québec-Lévis fait jaser depuis longtemps. Depuis les années 1950, on ne compte plus les manchettes de journaux qui ont annoncé sa construction prochaine. Mais qui aurait cru qu’on en parlait déjà… en 1862?

Cent soixante ans à parler d’un projet, c’est long. Ce fameux tunnel pourrait bien détenir le record du plus vieux fantasme routier de la province. Imaginez : on y pensait déjà du temps où l’on sondait le fleuve pour voir où l’on pourrait bien construire le futur pont de Québec, à l’époque où les chevaux régnaient sur les routes.

Les archives ont bel et bien conservé la trace de ce tout premier épisode. En 1862, quelques citoyens avaient pris la peine de déposer une pétition à l'hôtel de ville de Québec. Ils demandaient au maire de mandater un ingénieur pour étudier un projet de tunnel tubulaire capable de faire passer les trains entre Québec et Lévis, sous le Saint-Laurent. 

Un train filant à vive allure sur des terres enneigées, au 19e siècle

Le train était gage de prospérité au 19e siècle. Toutes les villes rêvaient de s’y connecter. Au Québec, on a même déjà fait passer des rails sur la glace du Saint-Laurent!

Photo : Musée McCord / Gravure sur bois / John Henry Walker / Entre 1850 et 1885

Tout sur le 3e lien Québec-Lévis

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La ville de Québec vue d'un paquebot sur le Saint-Laurent.

Pourquoi seulement pour les trains? 

D’abord, parce que la voiture à essence ne faisait pas encore partie de l’équation. Et aussi parce qu’à l’époque, les piétons et les chevaux passaient sans peine d’une rive à l’autre par bateau, ou sur le pont de glace, quand il s’en formait un durant l’hiver. Mais ce n’était pas le cas des trains. Ils s’arrêtaient alors à Lévis, avant de continuer leur chemin … sur la Rive-Sud. 

60 ans à regarder passer le train… chez le voisin

Pour Québec, le problème était majeur. Après le bateau, c’était au tour du chemin de fer de révolutionner le domaine des transports. S’y connecter était un gage de prospérité et de développement. 

Or, à l’époque, le réseau se développait sur la Rive-Sud. C’est là que circulaient les trains arrivés des États-Unis et du reste du Canada. Avec pour résultat que pendant que Lévis était en train de passer du stade de petit village à celui de grosse ville prospère, la Vieille Capitale stagnait. D’où l’idée du tunnel sous-fluvial de 1862.

La gare de Lévis au début du 20e siècle, avec le séminaire de Québec visible au loin sur la rive de Québec

La gare de Lévis était toujours le centre nerveux du transport ferroviaire de toute la région, au début du 20e siècle.

Photo : BAnQ / The Valentine & Sons Publishing Co.Ltd / 0005017857

L’idée des citoyens n’a pas soulevé un grand enthousiasme au conseil municipal. La pétition ne semble avoir eu aucun écho au moment où elle a été déposée. Mais le dossier n’est pas mort au feuilleton pour autant. 

Dix ans plus tard, un citoyen signant sous pseudonyme plaidait à nouveau la cause du tunnel dans les journaux. À ses yeux, ce projet revêtait pour Québec la même importance que le pont Victoria pour Montréal. Lors de son inauguration, en 1860, ce pont ferroviaire était effectivement devenu le premier du genre à enjamber le Saint-Laurent, en plus d’être le plus long jamais construit, ce qui lui avait valu d’être qualifié de 8e merveille du monde par ses promoteurs. 

Le pont Victoria vers 1908. Une voiture à cheval circule sur l'étroite voie longeant la structure comprenant les rails.

Le pont Victoria, avec sa structure d’acier de 2 kilomètres de long, fut considéré en son temps comme une vraie prouesse technologique.

Photo : BAnQ / Coll. Michel-Bazinet / 0003537647

Québec, elle, allait encore devoir attendre avant de voir les trains de la Rive-Sud traverser de son côté. Après d’interminables études de terrain pour trouver l’emplacement le moins coûteux, puis deux effondrements, le pont de Québec ne sera inauguré … qu’en 1919. Près de 60 ans après le pont Victoria.

Pont ou tunnel? Le début d’un long débat

Si les deux idées ont commencé à circuler à peu près à la même époque, pourquoi le pont l’a-t-il d’abord emporté sur un tunnel pour faire la traversée Québec-Lévis? Pour une raison très simple : durant toute la seconde moitié du 19e siècle, les tunnels sous-marins tenaient encore de la science-fiction.

Un tunnel de train, tel qu'on pouvait les imaginer en 1863. La technologie n'était pas encore mûre pour creuser sous le Saint-Laurent.

Un tunnel de train, tel qu'on pouvait les imaginer en 1863. La technologie n'était pas encore mûre pour creuser sous le Saint-Laurent.

Photo : Getty Images / Hulton Archive

Le projet du tunnel sous la Manche, dont on parlait déjà en France au début du 19e siècle, ne s’est finalement concrétisé que près de deux siècles plus tard, dans les années 1990. Quant au premier tunnel sous-marin du Canada, le tunnel St.Clair, il n’a vu le jour qu’en 1890. Construit entre Sarnia et Port-Huron, pour relier Toronto à Chicago, ce tunnel de près de 2 kilomètres fut aussi le premier du genre en Amérique du Nord. 

Il est intéressant de noter qu’alors que le projet de tunnel Québec-Lévis était déjà évoqué depuis quelques années, un autre célèbre tunnel sous-fluvial commençait également à faire parler de lui : celui reliant Hochelaga et Longueuil. Eh oui! Le fameux tunnel Hyppolite-Lafontaine est un autre vieux rêve du 19e siècle. En 1880, il a même failli devenir réalité… plus de 80 ans avant sa construction, en 1967. 

Le projet de tunnel de Longueuil, tel qu'illustré dans un journal du 19e siècle.

Le projet de tunnel reliant Longueuil et Montréal, tel qu'illustré dans un journal du 19e siècle.

Photo : BAnQ / L'Opinion publique / 1880

N’eût été les accusations récurrentes de corruption visant certains élus, ainsi que la compagnie du Grand Tronc, alors propriétaire du plus vaste réseau ferroviaire de la planète, ce tunnel creusé sous le fleuve serait peut-être devenu le premier de tout le continent.

Et qu’en disaient les journaux du temps?

Longueuil est à Montréal ce que Lévis est à Québec. Il est vrai qu’il y a encore peu de manufactures, mais dès que les communications avec Montréal seront assurées pour toujours par le tunnel, l’élan sera donné aux entreprises.

Une citation de Journal Le Quotidien, 27 juin 1881

Aux yeux des observateurs du 19e siècle, les raisons de relier les deux rives étaient tout aussi légitimes dans un cas que dans l’autre, et le parallèle entre les deux projets allait de soi. Le tunnel Montréal-Longueuil était décrit comme un moteur de développement ainsi qu’un axe crucial pour le transport terrestre en 1880, et c'est aussi ce qu'on disait d'un tunnel reliant Québec et Lévis. Exactement comme aujourd’hui.

Sauf qu’à la différence du tunnel Québec-Lévis, celui-là aura fini par se concrétiser.

À découvrir: Les vertus du tunnel Québec-Lévis au fil du temps, selon ses partisans

Source :

  • Bibliothèque et Archives nationales (BAnQ)
  • Archives de la Ville de Québec
  • L'Action catholique / La Gazette de Québec / La Tribune / Le Soleil / Le Canada
  • L'incroyable aventure du tunnel sous la Manche (Aujourd'hui l'histoire)

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