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La santé publique de Montréal s’oppose au projet de salon de jeux au Centre Bell

Des machines à sous.

Loto-Québec et le Groupe CH souhaitent ouvrir un salon de jeux de plusieurs centaines de machines à sous et de loterie vidéo dans l'ancien site du restaurant Taverne 1909, voisin du Centre Bell.

Photo : Radio-Canada / Hans David Campbell

Selon des recherches et des modélisations effectuées par la santé publique de Montréal, l’ouverture d’un mini-casino de plusieurs centaines de machines à sous dans un immeuble voisin du Centre Bell augmenterait de façon importante l’offre de jeu dans un secteur achalandé et attrayant, un danger potentiel pour les personnes à risque de développer une dépendance au jeu.

Le salon de jeux que Loto-Québec et le Groupe CH projettent d’ouvrir dans l’immeuble qui abritait auparavant le restaurant Taverne 1909, comprendrait, entre autres, 350 machines à sous, le tout proposé dans l’ambiance chic et sportive du Canadien de Montréal, voisin des lieux.

On a vraiment fait une analyse très exhaustive de plusieurs paramètres, dont de la modélisation, ce n’est vraiment pas une opinion personnelle, assure la Dre Mylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal, dans une entrevue au micro de l’émission Tout un matin, sur les ondes d’ICI Première.

On a regardé le projet en termes de transformation de l’offre de jeu au centre-ville. On le sait, c’est un lieu très achalandé. Il y a une population vulnérable au jeu, ce n’est pas tant des itinérants ou des gens avec des problèmes de toxicomanie, ce sont de jeunes hommes de 18 à 44 ans dont les facteurs de vulnérabilité sont bien connus, explique Mme Drouin, dont les propos s'appuient sur un document de 40 pages.

Pour consulter l'avis de la Direction régionale de santé publique, cliquez ici (Nouvelle fenêtre).

La foule au Centre Bell.

Les parties du Canadien de Montréal et les spectacles présentés au Centre Bell attirent des dizaines de milliers de personnes dans ce secteur du centre-ville.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Ce que redoute le plus la santé publique est l’attrait que représenterait ce mini-casino associé au Canadien de Montréal pour cette clientèle attirée dans le secteur par les parties de hockey ou des événements au Centre Bell.

Quand tu vas au casino, tu as planifié d’aller au casino. Tandis que là, on aurait plein de gens qui normalement n’auraient pas été exposés au jeu et qui pourront s’y initier en grand volume.

Une citation de Dre Mylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal

On ne parle pas ici de gratteux. C’est vraiment des appareils de loterie vidéo et principalement des machines à sous qui, en plus, sont paramétrées différemment des appareils dans les bars et qui sont reconnues pour leur dangerosité. Ce n’est plus quelque chose à démontrer.

L’association de ce salon de jeu avec l’attrait que génère la marque du Canadien de Montréal est par ailleurs une pratique que remet en question la santé publique. C’est bien identifié dans la littérature, l’association à des équipes sportives. Il y a des pays à travers le monde qui ont complètement interdit cette association-là, plaide la directrice de santé publique de Montréal.

Le fait qu’on s’associe à une marque de prestige est en général un gage de confiance, souligne-t-elle.

Ça amène au niveau des familles et des jeunes à se dire : "Si cette compagnie-là ou cet environnement-là s’associe à ce type de jeu, c’est que ça ne doit pas être si pire que ça".

Conscients de l’augmentation de l’offre au centre-ville que représenterait l’ouverture de ce salon de jeux, Loto-Québec compte retirer 500 appareils de jeu dans un rayon de 2,3 kilomètres afin de compenser l’arrivée de toutes ces nouvelles machines.

Mais la mesure ne convainc pas la santé publique. Au premier abord, on se dit : "Ça doit être bon, on ferme des portes". On se concentre dans un lieu où il va y avoir quand même un contexte de pratique du jeu plus encadré, concède la Dre Drouin.

Pour la médecin, il faut voir le problème autrement. L’idée, c’est le dépanneur versus le Costco, explique-t-elle.

Le pouvoir d’attraction de petits sites est moindre que le pouvoir d’attraction d’un gros site pour lequel il y a un enrobage ou une enveloppe beaucoup plus attractive. Donc, les gens vont y aller. Ils vont se déplacer.

Une citation de Dre Mylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal

Considérant tous ces facteurs et les modélisations mathématiques effectuées, la santé publique de Montréal émet donc un avis défavorable envers ce projet, surtout dans un contexte où le jeu terrestre, terme utilisé par Loto-Québec, est en déclin au Québec depuis 2017, alors que le jeu en ligne, lui, gagne en popularité.

Pourquoi rajouter quelque chose, alors que la problématique est déjà en train de se réduire?, questionne Mylène Drouin.

Le vrai enjeu, on ne se le cachera pas, c’est le jeu en ligne. Donc, ne créons pas quelque chose de nouveau qui va rehausser le jeu terrestre. Mettons nos efforts à essayer de voir comment on va travailler l’enjeu du jeu en ligne qui est un réel enjeu pour la santé de la population.

La Ville affiche aussi des réserves

À la Ville de Montréal, on affirme prendre acte de cet avis sans équivoque de la santé publique.

Tout en qualifiant de rigoureux et objectif le travail accompli par la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal, l’administration municipale affirme être également préoccupée par les enjeux que soulève l’ouverture de ce salon de jeux.

Dans le contexte actuel des crises de la vulnérabilité qui frappent de plein fouet la métropole – et particulièrement la population du centre-ville – nous ne pouvons que partager les préoccupations de la DRSP à savoir qu'un projet qui favoriserait l'accessibilité et la normalisation du jeu pourrait constituer un facteur aggravant pour les populations déjà vulnérables, explique la Ville dans un courriel.

Loto-Québec étonnée

Dans un courriel, la direction de Loto-Québec précise d'entrée de jeu qu'un avis sur ce projet avait été demandé à la Direction nationale de santé publique, en avril dernier, et non pas à celle de Montréal. Puisque cet avis ne nous a pas encore été remis, nous ne pouvons pas le commenter, explique Loto-Québec.

C'est le ministre des Finances, Eric Girard, qui a demandé au directeur national de santé publique, le docteur Luc Boileau, de produire cet avis. Le document est toujours en cours de rédaction.

Par ailleurs, nous sommes étonnés que la santé publique de Montréal ait décidé d’envoyer son rapport et d’accorder des entrevues à des journalistes plutôt qu’au principal intéressé, soit Loto-Québec. Nous sommes aussi surpris, puisque nous collaborons avec la santé publique de Montréal sur ce dossier depuis deux ans, avant même le dépôt du projet, souligne la société d'État.

Loto-Québec ajoute par ailleurs ne pas comprendre en quoi sa proposition de réduire de 20 % le nombre d'ALV [soit près de 600] dans la ville de Montréal peut être mauvaise.

La direction de la société d'État promet de réagir officiellement lorsqu'elle aura reçu l'avis de la Direction nationale de santé publique et que celui de la santé publique de Montréal lui aura été remis.

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