À Montréal, les manifestants pro-israéliens ont peu d’espoir de paix
Des manifestants pro-israéliens rassemblés sur la place du Canada, le 14 mai 2024, pour célébrer le 76e anniversaire de l'État hébreu.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Dans le centre-ville de Montréal, un face-à-face entre deux visions aux antipodes a eu lieu dans le calme, mardi : d’un côté, plus d’un millier de personnes célébraient le 76e anniversaire de l’État d'Israël; de l’autre, environ 200 manifestants dénonçaient la « Nakba », ou l’exode des Palestiniens en 1948.
Des dizaines d’agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont formé un cordon de sécurité sur le boulevard René-Lévesque, entre la place du Canada, où étaient rassemblés les pro-israéliens, et le square Dorchester, où se trouvaient les propalestiniens.
Une mer de drapeaux israéliens bleu et blanc inondait la place du Canada, où une tribune avec écran géant a été installée. Plusieurs manifestants, visiblement enjoués par l’ambiance festive, dansaient au rythme de chansons en hébreu qui jouaient en boucle.
Dan Donath, un avocat montréalais de 70 ans, est l’un des premiers arrivés sur les lieux. C’est la première fois qu’il prend part aux célébrations marquant la création d’Israël il y a 76 ans.
Je ne prenais pas part aux manifestations les années précédentes parce que j’étais toujours occupé par le travail, mais cette année, je pense que c’est important de montrer au reste du monde que nous sommes unis et solidaires avec Israël
, dit-il.
Dan Donath, au milieu des manifestants pro-israéliens.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Arborant une kippa sur la tête, il se dit très touché
par la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza, en représailles à l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre dernier. Il affirme avoir des proches qui vivent en Israël, dont des militaires qui mettent leur vie en danger
.
Chacun est libre
Libérez la Palestine!
, hurle un homme de l’autre côté de la rue à l’aide d’un porte-voix. Il est entouré d’autres manifestants brandissant d’énormes drapeaux palestiniens et de pancartes dénonçant le génocide
à Gaza. Plusieurs juifs ultra-orthodoxes, affiliés au groupe antisioniste Neturei Karta, se tiennent avec eux.
Que pense Dan Donath de ces manifestants de l'autre côté de la rue, qui s’opposent aux politiques israéliennes? Israël est un pays démocratique
, assure-t-il.
S’il y a des gens qui s’opposent aux politiques du gouvernement israélien, c’est leur droit de manifester. Chacun est libre de s’exprimer comme il veut.
Il dénonce toutefois les campements propalestiniens installés dans plusieurs universités au Canada, accusant les manifestants qui y participent de semer le désordre
et de harceler des étudiants juifs sur le campus.
Lorsqu'on lui demande s’il espère voir la paix au Proche-Orient un jour, il lâche un rire spontané avant de dire : J’aurais aimé pouvoir répondre à votre question, mais même des personnes beaucoup plus intelligentes que moi n’ont pas de réponse encore.
Isaac et sa sœur Ruby lors de la célébration du 76e anniversaire de la création de l'État d'Israël à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Un peu plus loin, deux jeunes Canado-Israéliens se tiennent un peu à l’écart de la foule. Isaac, 23 ans, et sa sœur Ruby, 17 ans, sont nés au Canada, mais ont passé une partie de leur enfance en Israël.
J’y vais tous les étés et j’espère y vivre bientôt
, dit Isaac, qui étudie à l’Université Concordia.
Les deux jeunes célèbrent l’anniversaire de l’État hébreu chaque année, mais les célébrations sont plus marquantes cette fois-ci parce que nous sommes en guerre
.
Nous sommes là pour montrer que nous sommes forts et que nous sommes solidaires jusqu’au bout avec les Israéliens.
Une triste réalité
Nos racines sont en Israël, mes ancêtres viennent de là
, dit encore Isaac. Selon lui, les juifs antisionistes ont tort de manifester contre Israël
.
Je suis fière d’être Israélienne
, renchérit sa sœur Ruby. Israël est ma patrie.
Elle dit espérer voir la paix de son vivant. C’est mon souhait. Personne ne veut la guerre
, ajoute-t-elle. La situation est difficile pour les deux peuples
palestinien et israélien.
Son frère dit lui aussi souhaiter la paix dans la région, mais la triste réalité, c’est que je ne suis pas sûr que ma génération va pouvoir y goûter un jour
.
De notre côté, nous sommes prêts à vivre en paix, mais je ne suis pas certain que ce soit le cas de l’autre côté aussi
, dit-il en pointant vers les manifestants propalestiniens.
La manifestation pro-israélienne a rassemblé des jeunes et des moins jeunes.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Oui pour le judaïsme, non pour le sionisme, l’État d’Israël doit partir
, chante un juif ultra-orthodoxe anti-israélien de l’autre côté du boulevard René-Lévesque. Laissez la Palestine tranquille et rentrez en Europe
, criait un autre manifestant propalestinien.
Tim Sochaczevski, 52 ans, semble indifférent à ces cris. Il parade ses deux petits chiens entièrement drapés d’un drapeau israélien, non loin du cordon policier.
Pour cet agent immobilier natif de Montréal qui a habité en Israël durant sa jeunesse, il faut célébrer
l’anniversaire d’Israël cette année comme toutes les autres années
, malgré la guerre en cours. Ces célébrations sont de beaux moments, même s’il y a toujours un petit groupe de contre-manifestants qui proteste en face de nous
, ajoute-t-il.
La paix est-elle possible à ses yeux? Non
, répond-il d'un ton sec.
Tout le monde parle d’une solution à deux États, mais ce n’est pas juste. La seule solution possible pour la paix est l’établissement d’un seul État, un État israélien. Personne n’en parle encore, mais on verra bientôt.
Alina, une Canado-Ukrainienne qui soutient Israël.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Dansant au milieu de la foule, Alina brandit les couleurs israéliennes. Cette Canadienne d’origine ukrainienne, qui dit avoir déjà vécu en Israël, affirme avoir perdu plusieurs de ses amis dans l’attaque du Hamas.
Elle déplore à la fois la guerre en Ukraine et celle menée par Israël dans la bande de Gaza. Nous ne faisons que nous défendre
, assure-t-elle.
Je soutiens les Israéliens à 150 % parce qu’ils font face aux mêmes missiles auxquels nous faisons face nous-mêmes en Ukraine
, dit Alina. Ce sont des missiles fournis par la Russie au Hamas et à l’Iran.
Pour moi, la paix est encore possible, mais il faut que le Hamas soit détruit
, ajoute-t-elle.
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Pour une Palestine libre
Vous célébrez 76 ans d’apartheid
, peut-on lire sur une pancarte brandie par une manifestante propalestinienne, en face. Vous célébrez le génocide
, est-il écrit sur une autre affiche.
Fête de l'indépendance d'Israël, Place du Canada, 14 mai 2024.
Photo : Radio-Canada / Charles Contant
Cette manifestation propalestinienne a été lancée à l’appel d’un groupe appelé Montreal4Palestine
sur les réseaux sociaux pour commémorer la Nakba
, qui veut dire catastrophe
en arabe, en référence à l'appellation dans le monde arabe de la création de l'État d'Israël, en 1948.
Parmi les présents, le rabbin Dovid Feldman qui affirme que l’antisionisme n’est en aucun cas de l’antisémitisme
.
Le judaïsme est une religion alors que le sionisme est un mouvement politique
, assure-t-il.
Oumayma, 29 ans, porte un keffieh sur les épaules. Elle profite de la pause du midi pour manifester en soutien
avec les Palestiniens.
J’espère voir la Palestine libre de mon vivant
, dit-elle enthousiaste. Ça va arriver bientôt!
Oumayma, un keffieh sur les épaules.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Selon elle, les manifestants propalestiniens sont là pour manifester uniquement contre Israël et non pas contre les juifs
. La diversité religieuse existe en Palestine, où l’on retrouve des musulmans, des juifs et des chrétiens
, assure Oumayma, accusant les Israéliens d’avoir volé
des territoires palestiniens.
La terre de la Palestine doit revenir aux Palestiniens, dit-elle encore. Et les juifs auront toujours leur place en Palestine.
Contacté en soirée, le SPVM assure que les deux manifestations se sont conclues dans le calme en début d'après-midi. Aucun incident n'est à rapporter et nous n'avons procédé à aucune arrestation
, a précisé à Radio-Canada une porte-parole de la police montréalaise.